#Mots-clés: Groupe de sociétés, Prêt intra-groupe, taux d’intérêt de marché, Crédit vendeur, Financement par la dette, Financement intragroupe, Intérêts, Déductibilité, Plafonnement, taux, taux de marché
#Article du CGI/LPF: 212
Cette décision qui est un retour de cassation pose à nouveau la question, très débattue, de l'office du juge au regard de l'article 212 du CGI sur la justification du taux de pleine concurrence d'un prêt intragroupe.
Une société française, aux droits de laquelle vient sa société mère, a acquis par le biais d’un crédit vendeur d’une durée de 10 ans, consenti au taux de 6 %, l’intégralité des titres d’une autre société exerçant une activité dans l’outillage industriel. Cette créance a été apportée immédiatement par le vendeur à la mère de la société emprunteuse qui est ainsi devenue créancière de sa filiale à partir de cette date.
Estimant que le taux d’intérêt de 6 % était conforme à celui qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la société a demandé la restitution partielle des cotisations d’impôt sur les sociétés et de contributions sociales acquittées, selon elle, à tort au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
Le TA de Melun a rejeté sa demande par un jugement du 21 décembre 2017 qui a été confirmé en appel par la CAA de Paris le 10 mars 2020. Par une décision n° 441357 du 29 décembre 2021 (CE, 29 déc. 2021, n° 441357, Sté Apex Tool, concl. C. Guibé : FI 1-2022, n° 4, § 28) le Conseil d’État a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire à la cour.
Pour établir que le taux de 6 % (supérieur au taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l’article 39 du CGI), n’était pas supérieur à celui qui aurait été obtenu d’un établissement financier indépendant, la société appelante se prévaut d’une première étude, dite « initiale », fondée sur les conditions prévalant en juillet 2010 sur le marché des rendements obligataires, et d’une seconde étude, dite « complémentaire », fondée sur l’exploitation des données d’emprunts bancaires souscrits entre le 1er janvier et 31 décembre 2010 extraites de la base de données Loan Connector de la société Thomson Reuters Loan Pricing Corporation.
LA CAA écarte ces éléments et rejette la demande de restitution des cotisations d’impôt sur les sociétés et de contributions sociales dont la société emprunteuse s’est acquittée au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
La CAA juge en effet que la société requérante, qui n’apporte pas davantage d’élément permettant de vérifier les caractéristiques et le profil de risque que présentait à la date d’émission du prêt la société en vue de l’acquisition de laquelle ce prêt a été consenti, ne peut pas être regardée comme apportant la preuve que des établissements ou organismes auraient été́ susceptibles, compte tenu des caractéristiques propres de la société emprunteuse et notamment du profil de risque qu’elle présentait à la date de l’émission du prêt, de lui consentir en juillet 2010 un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. Dès lors, la société appelante ne peut être regardée comme rapportant la preuve qui lui incombe de la déductibilité de l’intégralité des intérêts litigieux servis au taux de 6 %, conformément à l’article 212, I du CGI.
La CAA ne suit pas les conclusions du rapporteur public, ce qui traduit la complexité de la question et les doutes des juges du fond au regard de la jurisprudence du Conseil d'État.