#Auteur: Marie¤ MASCLET DE BARBARIN
#Qualités: Professeure à Aix-Marseille Université
La fiscalité immobilière constitue sans aucun doute un des domaines les plus vastes et les plus complexes de la matière fiscale, non seulement par la variété des impôts et taxes qui la composent (impôt sur le revenu, impôt sur la fortune immobilière, TVA, droits d’enregistrement, taxes d’urbanisme, etc.), mais également par la diversité des opérations auxquelles elle s’applique (construction, vente, location, habitation, transmission, exploitation ou simple détention), des différents acteurs concernés (promoteurs, marchands de biens, lotisseurs, constructeurs, propriétaires, locataires, investisseurs, chefs d’entreprise ou simples particuliers, personnes physiques ou personnes morales, français ou étrangers) ou encore du mode de détention de l’immeuble (possession directe ou par l’intermédiaire d’une société, en pleine propriété ou de façon démembrée, en indivision, etc.)
La matière, bien que faisant partie intégrante du droit fiscal général, emprunte au demeurant des éléments relevant du droit immobilier, du droit de la construction, du droit de l’urbanisme, du droit des baux, du droit commercial, du droit des sociétés, ou encore et sans être exhaustif, du droit des contrats spéciaux.
L’immeuble représente enfin en tant que tel un objet d’imposition particulièrement sensible. L’activité économique qui lui est attachée est extrêmement importante puisque le secteur immobilier génère à lui seul près de 5 % de notre PIB, chiffre très nettement supérieur à celui de nos voisins européens. Il revêt au demeurant une dimension sociale voire sociologique s’agissant de l’immobilier d’habitation et les règles fiscales mises en œuvre à son égard lui confèrent une dimension politique non négligeable lorsqu’elles sont utilisées pour réguler l’activité (dispositifs de remembrement territorial par l’utilisation des zones franches, mesures de lutte contre la spéculation immobilière, etc.) ou pour favoriser un type de comportement (dispositifs d’incitations à l’investissement immobilier locatif, prêts à taux zéro pour favoriser l’acquisition d’une résidence principale, TVA à taux réduit pour encourager les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien dans les logements d’habitation achevés depuis plus de 2 ans, mesures en faveur de la protection de l’environnement, imposition sur la fortune immobilière frappant la possession de biens immobiliers ne constituant pas un bien professionnel, etc.).
Cette spécificité explique en partie le caractère particulièrement prolifique de la législation en la matière et le nombre de réformes qui se sont succédées ces dernières années : réforme de la TVA immobilière et création de la contribution économique territoriale en remplacement de la taxe professionnelle en 2010, création de l’impôt sur la fortune immobilière qui s’est substitué à l’impôt de solidarité sur la fortune en 2018 dans le cadre d’une réforme de la fiscalité du patrimoine, réforme de la fiscalité de l’urbanisme annoncée par la loi de finances pour 2021, réforme des valeurs locatives cadastrales initiée par la même loi avec pour horizon une opérationnalité dès 2026.
Il en ressort un certain nombre de questionnements et de critiques, à la fois théoriques et pratiques, liés au manque de cohérence globale de la fiscalité immobilière qui affecte la notion même d’immeuble, au poids croissant de ces prélèvements qui peuvent apparaître comme contre-productifs au regard de l’impact économique qu’ils induisent ou encore à l’effet néfaste de l’instabilité de ces règles de droit et de leur interprétation parfois contradictoire par la doctrine et la jurisprudence.
L’ensemble de ces raisons nous ont conduit à organiser le 21 octobre 2022 sous l’égide du Centre d’études fiscales et financières d’Aix-Marseille Université un colloque sur le thème « Fiscalité immobilière : mutations, enjeux et perspectives ». Je remercie très chaleureusement l’ensemble des collègues, théoriciens et praticiens de la fiscalité immobilière qui se sont réunis autour de ce sujet pour aborder dans une approche pluridisciplinaire l’appréhension même de la notion d’immeuble, puis les différents régimes de taxation liés aux revenus, à la détention et aux mutations de l’immeuble. La somme des contributions produites à ce titre par les universitaires mais également par les avocats et les notaires ayant participé à ces riches débats est tout à fait remarquable. Je suis particulièrement fière de les retrouver aujourd’hui publiées au sein d’une revue qui conjugue aussi bien l’interdisciplinarité, l’interprofessionnalité et l’interaction entre théorie et pratique sous la direction d’un rédacteur en chef capable d’allier tout à la fois rigueur, constance et ouverture d’esprit1. Il s’en dégage très clairement des perspectives de clarification et d’évolution qui pourront, si ce n'est inspirer le législateur, du moins éclairer le praticien et le chercheur dans un domaine où les sources de clarté sont particulièrement rares.