#Auteur: Philippe¤ MARTIN
#Qualités: Président de la section des travaux publics du Conseil d’État,
#Qualités: Co-directeur scientifique de la revue Fiscalité Internationale
Le traitement des entités exonérées en fiscalité internationale pose des questions relevant à la fois du droit interne, du droit de l’Union européenne et des conventions fiscales internationales. Ces questions sont rendues de plus en plus complexes par la diversité des situations que doit appréhender le droit fiscal. Sur le plan juridique, les principales questions concernent l’accès aux avantages des conventions fiscales internationales et l’accès aux régimes d’exonération de droit interne.
La diversité des situations - Les entités exonérées relèvent de statuts très différents : personnes publiques ou para-publiques, secteur associatif au sens large, organismes financiers, etc.
Les activités exercées sont elles-mêmes très diverses, en lien souvent avec le statut de ces entités : activités sociales, culturelles, environnementales ou économiques, etc.
La notion d’exonération n’est pas univoque. Elle peut être totale ou partielle. Elle peut s’expliquer par un statut privilégié ou résulter d’un régime de transparence de l’entité. Elle peut être structurelle, donc permanente, ou temporaire.
L’accès aux avantages des conventions fiscales internationales - L’exonération, qu’elle soit une exemption ou la conséquence de la transparence, peut entraîner des difficultés pour accéder au bénéfice des conventions fiscales.
La première difficulté est la clé générale d’entrée dans la convention qui, à l’instar des articles 1er, § 1 et 4, § 1 du modèle OCDE, repose sur la notion de résidence, laquelle suppose d’être assujetti à l’impôt dans au moins un des États contractants. Cette condition d’assujettissement peut, en fonction de l’analyse des États et en combinaison avec l’objectif de prévention des doubles impositions assigné aux conventions fiscales, constituer un obstacle de principe à l’accès à la convention. Il est également possible que l’article général précise expressément le statut, au regard de la résidence, d’une entité usuellement exonérée, notamment les fonds.
La deuxième difficulté est la présence de conditions d’assujettissement ou de soumission à l’impôt dans des articles spécifiques de la convention concernant des catégories de revenus ou les méthodes d’élimination de la double imposition. Ces conditions peuvent, selon leur rédaction et l’interprétation des États, faire obstacle à l’obtention des avantages prévus par ces stipulations.
La troisième difficulté est la présence ou l’absence de clauses conventionnelles spécifiques à certaines entités exonérées. En l’absence de stipulation spécifique, ces entités risquent de se heurter aux conditions générales mentionnées ci-dessus. Mais les conventions peuvent contenir des clauses spécifiques relatives par exemple aux personnes publiques, aux fonds ou aux organismes de placement collectif. La question des retenues à la source sur les flux transitant par des organismes financiers transparents est un des cas traités par certaines conventions, tenant compte du problème de cohérence entre le traitement de l’investissement direct et de l’investissement par le truchement d’un fonds collectif.
L’accès aux régimes d’exonération de droit interne - Le droit fiscal étant d’essence nationale, le bénéfice d’une exonération à l’étranger n’ouvre pas automatiquement l’accès à une exonération en droit fiscal français.
Mais il est possible de demander le bénéfice d’une exonération française par le biais de deux mécanismes juridiques.
Si la loi fiscale française ne réserve pas un traitement fiscal favorable à des entités établies ou exerçant leur activité en France, une entité étrangère peut se prévaloir du régime fiscal français en justifiant qu’elle peut être assimilée à la catégorie d’entités françaises admise à bénéficier d’une exonération.
Par ailleurs, une entité étrangère peut se prévaloir de règles de non-discrimination pour demander le bénéfice de régimes d’exonération prévus en droit interne français. Ces règles de non-discrimination peuvent résulter des libertés de circulation de l’Union européenne ou de la clause de non-discrimination des conventions fiscales internationales, qui est usuellement invocable par les nationaux des États contractants, sans condition de résidence. Mais l’invocation de la non-discrimination suppose de démontrer la comparabilité des situations.
Le présent dossier étudie, à travers différents prismes, la variété de ces situations et les différentes réponses fiscales qui y sont apportées par les conventions internationales, la loi interne et la jurisprudence.