#Mots-clés: Domicile fiscal, Transfert, Belgique, Expatriation, Plus-value sur titres, Exit tax, Apport de titres, Report d’imposition, Plus-value latente, Sursis de paiement, Liberté d’établissement, Droit de l’Union européenne
#Article du CGI/LPF: 167 bis
#Convention fiscale:
#Pays:
La présente décision, fichée aux tables du recueil Lebon, juge que l’application de l’exit tax prévue à l’article 167 bis du CGI et issue de la LFR du 29 juillet 2011, aux transferts du domicile fiscal dans un autre État membre de l’Union, réalisés à compter du 3 mars 2011 jusqu’au 11 mai 2011, porte atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique en droit fiscal.
L’affaire soumise au Conseil d’État porte sur le transfert du domicile fiscal de la France vers la Belgique le 15 avril 2011, soit quelques semaines après l’annonce publique du projet de réintroduire une exit tax sur certaines plus-values sur valeurs mobilières.
Plusieurs points de la décision sont à signaler :
- le Conseil d’État juge que le fait générateur de la taxe est la date du transfert du domicile fiscal hors de France et non la situation existant à la fin de l’année au titre de laquelle l’imposition est établie. Ainsi, l’entrée en vigueur de la taxe au 3 mars 2011, alors que la loi a été publiée en juillet 2011, est rétroactive ;
- il rappelle, en s’appuyant sur la jurisprudence de la CJUE, que les principes généraux du droit de l’Union européenne sont invocables lorsqu’une réglementation nationale est de nature à entraver une liberté fondamentale garantie par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et que l’État membre concerné invoque des raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par le droit de l’Union pour justifier une telle entrave. En pareille hypothèse, la réglementation nationale concernée ne peut bénéficier des exceptions ainsi prévues que si elle est conforme aux principes généraux du droit de l’Union (v. en ce sens CJUE, 6 mars 2014, C-206-13, Siragusa, pt 34. - CJUE, 21 mai 2019, C-235/17, Commission c/ Hongrie. - CJUE, 3 févr. 2021, C-555/19, Fussl Modestrasse Mayr GmbH) ;
- le Conseil d’État censure la CAA qui a jugé, au seul motif que l’article 167 bis du CGI n’était pas contraire à la liberté d’établissement, que les principes généraux du droit de l’Union n’étaient pas invocables. Or, pour parvenir à ce résultat, il a fallu mobiliser la raison impérieuse d’intérêt général tenant à la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres (v. CJUE, 29 nov.2011, C-371/10, National Grid Indus BV, pt 5. – CJUE, 21 déc. 2016, C-503/14, CE c/ République portugaise, pts 46 à 60).
Pour le règlement de l’affaire au fond, le Conseil d’État fait, pour la première fois, application, et de manière positive, des principes de confiance légitime et de sécurité juridique dont la portée, très extensive, a été dégagée dans l’arrêt de la CJUE du 26 avril 2005 (CJUE, 26 avr. 2005, C-376/05, Goed Wonen).
Selon le Conseil d’État, les propos tenus par le ministre du budget dans le cadre d’un colloque le 3 mars 2011 ne permettaient pas d’être regardés comme annonçant le rétablissement d’une exit-tax. La date du 3 mars 2011 ne pouvait être retenue, sans porter atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique, comme date d’entrée en vigueur du dispositif. Le Conseil d’État juge que l’application du dispositif aux transferts réalisés à compter de la date du 3 mars 2011 et ce jusqu’au 11 mai 2011, date du conseil des ministres, doit être regardée comme portant atteinte à ces deux principes.