Franck LE MENTEC
Avocat associé, Cohen & Gresser LLP
Avocat associé, Cohen & Gresser LLP
#Mots-clés: Domicile fiscal, transfert, étranger, exit tax, imposition à la sortie, champ d’application, plus-value, plus-value sur titres, latente, droits sociaux, couple, régime matrimonial, démembrement de propriété, exonération, décès, obligations déclaratives, fait générateur, donation, échange de titres, apport, sursis d’imposition, report d’imposition
#Article du CGI/LPF: 167 bis
#Auteur: Franck¤ LE MENTEC
#Qualités: Avocat associé, Cohen & Gresser LLP
Le dispositif de l’exit tax, introduit en 2011 pour freiner les transferts de domicile fiscal hors de France, suscite encore de nombreuses questions pratiques et un contentieux nourri. Cela concerne tant la délimitation de son champ d’application (V. § 4 à 10) que sa mise en œuvre effective (V. § 12 à 22).
Domicile fiscal -Transfert hors de France - Exit tax (CGI, art. 167 bis) - Transfert en Suisse - Absence de sursis de paiement automatique - Le TA de Montreuil juge qu'en matière de recouvrement, la convention fiscale franco-suisse ne comprend que des stipulations sur l'échange de renseignements (art. 28) et sur les modalités de notification des actes et documents relatifs au recouvrement (art. 28 bis). Elle ne prévoit ainsi aucune assistance au recouvrement lui-même et aucune possibilité de recouvrement par un des deux États sur demande de l'autre État, au contraire de ce que prévoit la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 (pt 4). Dès lors, le TA considère que si cette convention comporte des clauses d'assistance mutuelle en matière de recouvrement, elle n'a pas, pour l'application de l'article 167 bis du CGI, une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010, ce qui interdit l'application du sursis de paiement automatique.
TA Montreuil, 10e ch., 19 oct. 2023, n° 2115054, Oudiz, concl. Y. Khiat, C (V. annexe 1)
Domicile fiscal - Transfert à l'étranger - Exit tax (CGI, art. 167 bis) - Aménagements législatifs - L'article 11 de la loi de finances pour 2024 complète sur deux points le régime de l'exit tax, en accordant un dégrèvement de prélèvement sociaux aux contribuables ayant quitté la France entre le 3 mars 2011 et le 31 décembre 2013 et en durcissant les obligations déclaratives pour les départs postérieurs au 1er janvier 2019.
L. n° 2023-1322, 29 déc. 2023 de finances pour 2024, art. 11 : JO 30 déc. 2023, texte n° 1 (texte et travaux préparatoires ; V. annexe 2)
Résidence fiscale - Convention fiscale franco-suisse (1966) - Contribuable taxé au forfait en Suisse - Doctrine administrative française interprétant la convention - Le Conseil d'État se prononce une nouvelle fois sur la possibilité pour un contribuable taxé au forfait en Suisse d'invoquer la doctrine administrative française interprétant la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966. Il juge que dès lors que la plus-value en litige n'a pas été déclarée en France, il n'y a pas eu d'imposition primitive que le redressement contesté viendrait rehausser, de sorte que le 1er alinéa de l'article L. 80 A du LPF n'est pas applicable. Il juge par ailleurs que dès lors que le contribuable a déposé une déclaration 2042 en qualité de résident de France - pour ses autres revenus, puisqu'il n'a pas déclaré la plus-value qu'il aurait dû déclarer en cette qualité -, il ne peut être regardé comme ayant lui-même fait application de la loi dans l'interprétation donnée par la doctrine. Le second - aujourd'hui troisième - alinéa de l'article L. 80 A n'est pas davantage applicable.
CE, 8e et 3e ch., 18 sept. 2023, n° 469789, Hamou, concl. R. Victor : Lebon T. (V. annexe 1)
Domicile fiscal - Critères (CGI, art. 4 B) - Centre des intérêts économiques - Appréciation au regard des éléments de fait de l'année d'imposition - Sur renvoi du Conseil d'État1, la CAA de Versailles se prononce à nouveau sur la localisation du centre des intérêts économiques de deux contribuables, se revendiquant résidents belges, ayant reçus au titre d'une année uniquement des dividendes d'une société française. La CAA juge que l'appréciation du centre des intérêts économiques d'un contribuable doit s'opérer au regard des éléments de fait de l'année d'imposition. En l'espèce, les contribuables ne justifiant pas, au titre de l'année d'imposition en cause, de l'existence de revenus ou d'un patrimoine productif de revenus de source étrangère supérieurs à ceux dont ils disposent en France, constitués des dividendes perçus, ils doivent être regardés comme ayant en France le centre de leurs intérêts économiques au sens du c du 1 de l'article 4 B du CGI.
CAA Versailles, 3e ch., 17 nov. 2022, n° 20VE02624, Souillard Mandar, C (V. annexe 1)
Domicile fiscal - Transfert hors de France - Exit tax (CGI, art. 167 bis) - Conséquences du dépôt tardif d'une déclaration d'exit tax - Les contribuable soumis à l'exit tax doivent déposer une déclaration relative à cette imposition en même temps que leur déclaration annuelle de revenus, l'année suivant le transfert de leur domicile fiscal hors de France. Une réponse ministérielle précise que le retard ou le défaut de déclaration n'entraine pas la remise en cause du sursis de paiement dont a pu bénéficier le contribuable, sous réserve que le dépôt (tardif) de la déclaration soit spontané ou que le contribuable régularise sa situation dans les trente jours suivant la notification d'une mise en demeure. Dans ce cadre, les sanctions fiscales encourues sont elles-mêmes placées en sursis de paiement et leur exigibilité dépend de l'expiration du sursis de paiement de l'exit tax.
RM Masson, n° 2180 : JO Sénat 15 déc. 2022, p. 6490 (V. annexe 2)
Résidence fiscale - Convention France-Émirats arabes unis (1989) - Le Conseil d'État se prononce sur la notion de « résident » au sens de l'article 19 (Dispositions pour éliminer les doubles impositions en ce qui concerne la France) de la convention France-Émirats arabes unis de 1989, qui n'a d'équivalent que celles conclues avec quelques autres États du Golfe. Deux lectures étaient possibles du terme « résident des EAU » : une lecture littérale (au sens de l'article 4 sur la définition du résident, après départage) et une lecture finaliste (au sens de « simplement domicilié »). Le Conseil d'État opte pour une lecture littérale et donc assez extensive de la convention.
CE, 3e et 8e ch., 20 mars 2023, n° 452718, Walch, concl. M.-G. Merloz, inédit au recueil Lebon (V. annexe 3)
Résidence fiscale - Convention fiscale franco-israélienne - Notion de résident fiscal - Exonération temporaire d'IR en Israël sur les revenus de source étrangère - La CAA de Toulouse juge qu'une exonération temporaire (10 ans) d'impôt sur le revenu en Israël sur les revenus de source étrangère (« exonération Alyah ») ne suffit pas à retirer la qualité de résident fiscal israélien à un contribuable qui n'est assujetti en France que pour ses revenus de source française.
CAA Toulouse, 1re ch., 13 oct. 2022, n° 20TL22832, Mardoukh, concl. S. Cherrier, C+ (V. annexe 1)
Domicile fiscal - Transfert hors de France - Imposition à la sortie (exit tax, CGI, art. 167 bis) - Dégrèvement - Décès de l'un des deux conjoints soumis à imposition commune - Absence de dégrèvement pour le conjoint survivant - Le TA de Montreuil juge que le dégrèvement de l'exit tax prévu par le deuxième alinéa du 2 du VII de l'article 167 bis du CGI en cas de décès n'est pas applicable en cas de décès d'un seul des deux conjoints, lorsque l'imposition a été établie au nom des époux soumis à une imposition commune, quand bien même le conjoint décédé détenait l'intégralité des parts sur lesquelles les plus-values ont donné lieu aux impositions.
TA Montreuil, 1re ch., 17 mars 2022, n° 1810621, Fiat, C+ (V. annexe 2)
Domicile fiscal - Transfert hors de France - Exit tax (CGI, art. 167 bis) - Contentieux - Dégrèvement d'office au bout de 8 ans - Absence d'automaticité - Preuve de la conservation des titres dans le patrimoine - La CAA de Versailles rejette l'argumentation de fond de contribuables qui contestaient l'exit tax à laquelle ils ont été soumis, ainsi que l'exception de non-lieu à statuer tirée du fait qu'à la date du jugement contesté, soit huit ans après leur départ, l'exit tax devait être dégrevée d'office, privant ainsi le litige d'objet. La cour relève ainsi l'absence de caractère automatique du dégrèvement, mais sans approfondir l'analyse de la conservation des titres dans le patrimoine du contribuable, ce qui nous semble contestable.
CAA Versailles, 1re ch., 1er mars 2022, n° 20VE01103 et n° 20VE01104, Baud (V. annexe 1)
Résidence fiscale - Convention fiscale franco-chinoise (1984) - Portée d'une obligation fiscale limitée - Existence d'un lien personnel avec l'État - Sur renvoi, la CAA de Versailles clôture l'affaire Bich : après avoir relevé que M. Bich résidait habituellement avec sa famille en Chine, y disposait d'un domicile depuis 2010, ses enfants y étaient scolarisés et y exerçait son activité professionnelle, elle estime qu'il était ainsi assujetti à l'impôt en Chine en raison de ses liens personnels avec cet État dont il devait être considéré comme résident fiscal.
CAA Versailles, 3e ch., 10 févr. 2022, n° 20VE01379, Bich (V. annexe 2)
#Auteur: Franck¤ LE MENTEC
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La détermination de la résidence fiscale des dirigeants peut s’avérer délicate à appréhender, compte tenu de l’articulation des critères internes et conventionnels, de l’introduction de présomptions fiscales, ou encore en raison d’une mobilité accrue ou au contraire d’une sédentarité subie.
Domicile fiscal - Caractérisation dans l'État étranger - Contribuable domicilié en France et imposé au forfait en Suisse - Conflit de résidence au sens de la convention franco-suisse (oui) - Dans le cadre d'un redressement ISF, l'administration fiscale a considéré que des contribuables imposés au forfait en Suisse avaient en France le centre de leurs intérêts économiques et, partant, leur domiciliation fiscale au sens de l'article 4 B du CGI. L'administration fiscale, puis les juges du fond, ont refusé de considérer que les contribuables étaient également fiscalement domiciliés en Suisse au sens de la convention fiscale franco-suisse en raison de leur imposition d'après la dépense en Suisse dont la base de calcul était très inférieure à l'ensemble de leurs revenus. La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel en considérant, eu égard à la reconnaissance de leur qualité de contribuable par les autorités suisses, qu'il existait un conflit de résidence devant être tranché en application des critères successifs de résidence prévus par la convention fiscale franco-suisse.
Cass. com., 24 nov. 2021, n° 19-14.013 (V. annexe 1)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax - Rehaussement des plus-values déclarées - Prélèvements sociaux (CSS, art. L. 136-6, rédac. ant. 1er janv. 2014) - Sursis de paiement - Liberté d'établissement - Le TA de Montreuil juge que l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale prévoyant jusqu'au 1er janvier 2014 le maintien des prélèvements sociaux à la charge de redevables de l'exit tax à l'expiration d'un délai de huit ans n'est pas contraire à la liberté d'établissement. Néanmoins, pour n'être pas disproportionnées, ces dispositions doivent s'entendre comme ne permettant pas, pour les contribuables dont la volonté d'éluder l'impôt n'est pas établie, le recouvrement immédiat des cotisations supplémentaires en matière de prélèvements sociaux liées à un rehaussement de la plus-value. Il accorde donc à ceux-ci le sursis de paiement des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils avaient été assujettis.
TA Montreuil, 10e ch., 23 nov. 2021, n° 1908751, Hillion, concl. C. Noël (V. annexe 2)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax - Plus-value sur titres de société à prépondérance immobilière (SPI) - Prélèvements sociaux - La loi de finances pour 2022 corrige l'article L. 1366, I du code de la sécurité sociale afin d'éviter tout risque de double-imposition aux prélèvements sociaux lorsqu'une cession de titres de société à prépondérance immobilière entre à la fois dans le champ d'application de l'exit tax prévue à l'article 167 bis du CGI (application de l'article L. 136-6, e bis du CSS), et dans le champ d'application du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du même code (application de l'article L. 136-7, I bis du CSS). Ce risque résultait d'une malfaçon lors de l'adoption de la loi de finances pour 2019.
L. n° 2021-1900, 30 déc. 2021 de finances pour 2022, art. 108 : JO 31 déc. 2021, texte n° 1
Résidence fiscale - Convention France-Tunisie - Exemple d'application du critère du centre des intérêts vitaux - La Cour de cassation valide, en application de la convention fiscale franco-tunisienne, la résidence fiscale en France d'un contribuable qui y avait en France le centre de ses intérêts vitaux. Si l'appréciation du centre des intérêts personnels ne permettait pas de départager les deux États, le centre des intérêts économiques du contribuable était clairement situé en France.
Cass. com., 13 oct. 2021, n° 19-13.710 (V. annexe 1)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax (CGI, art. 167 bis) - Recours contre un rejet de sursis de paiement - La CAA de Versailles juge que la décision par laquelle l'administration se prononce sur une demande du sursis de paiement est une décision détachable des opérations d'établissement et de recouvrement de l'impôt, contestable dans le seul cadre d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, en l'absence de contestation de la demande de refus de sursis de paiement dans un délai de deux mois à compter de sa notification, la demande du contribuable est irrecevable.
CAA Versailles, 1re ch., 25 mai 2021, n° 19VE01443, Coisne (V. annexe 1)
Résidence fiscale - Conflit - Absence d'accord conventionnel interétatique - Lieu de séjour habituel - Faute d'accord entre les administrations allemande et française, le TA de Nice détermine la résidence fiscale d'une ressortissante allemande en fonction de son lieu de séjour habituel, situé en France en l'espèce.
TA Nice, 4e ch., 11 mars 2021, n° 1402822, Grundig (V. annexe 2)
Résidence fiscale - Suisse - Contribuables soumis au régime du forfait - Notion de « revenus privilégiés par la convention » - Interprétation de la doctrine administrative - Contrairement à la CAA de Paris (CAA Paris, 24 juin 2020, n° 19PA02886, Min. c/ Bouchara, concl. J. Jimenez : FI 4-2020, n° 3, § 8, comm. F. Le Mentec), le Conseil d'État juge que les commentaires administratifs français relatifs au b du § 6 de l'article 4 de la convention franco-suisse se réfèrent explicitement à l'article 18 bis de l'arrêté du conseil fédéral suisse du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt pour la défense nationale, dans sa rédaction issue de l'arrêté modificatif du 11 octobre 1949, relatif au régime d'imposition d'après la dépense, et à la circulaire de l'administration fédérale suisse des contributions du 29 février 1968 qui en éclaire elle-même la portée. Il juge que pour l'application de l'article L. 80 A du LPF, il appartient au juge de rechercher quelle est, au regard de ces dispositions suisses, la signification des termes « revenus privilégiés » ainsi employés. Si le juge fait une lecture littérale de la doctrine, il ne s'interdit pas de rechercher, par ses techniques habituelles d'interprétation, la portée d'un texte fiscal étranger auquel la doctrine renvoie. En l'espèce, cela conduit à comprendre les « revenus privilégiés par la convention » comme des revenus de source française taxables en vertu des droits français et suisse et pour lesquels le contribuable a sollicité le bénéfice des clauses de la convention fiscale bilatérale prévoyant, en vue d'éliminer la double imposition, une atténuation, une annulation ou une imputation de l'impôt français. Le Conseil d'État donne aussi dans cette décision un mode d'emploi de la doctrine. Il la lit comme admettant la résidence suisse d'un Français domicilié en Suisse et qui y est imposé au forfait selon la dépense dès lors que la base forfaitaire est au moins égale aux revenus de source suisse et aux revenus de source française privilégiés par la convention, au nombre desquels ne figure pas une plus-value mobilière de source française (non taxable en vertu du droit suisse).
CE, 8e et 3e ch., 25 juin 2021, n° 442790, Bouchara, concl. R. Victor (V. annexe 3)
Résidence fiscale - Absence d'imposition en Arabie saoudite - Non-application de la convention fiscale franco-saoudienne - La CAA de Nantes refuse l'application de la convention fiscale franco-saoudienne (art. 4 relatif à la résidence fiscale) à un contribuable n'apportant pas la preuve de son assujettissement à l'impôt en Arabie saoudite. Au cas particulier, il n'était pas allégué que le requérant aurait été assujetti à l'impôt en Arabie saoudite au sens de la convention fiscale, pour les revenus des années en litige. En outre, le requérant se bornait à se prévaloir d'une carte du Consulat général de France à Djeddah lui octroyant la protection consulaire de la France et soutenait y disposer d'un foyer d'habitation mais sans en justifier.
CAA Nantes, 1re ch., 14 janv. 2021, n° 19NT00731, Koffi (V. annexe 4)
#Auteur: Franck¤ LE MENTEC
#Qualités: Avocat associé, Cohen & Gresser LLP
L’élargissement progressif et continu des dispositifs anti-abus, qu’ils soient internes ou internationaux, peut conduire à une remise en cause de pratiques bien établies que l’on croyait sécurisées, tel le démembrement de propriété. Ce dernier n’étant pas traité spécifiquement par ces mesures anti-abus, l’analyse fiscale à retenir s’avère parfois délicate et incertaine.
Résidence fiscale - Crise sanitaire (Covid-19) - Confinement - Mise à jour des orientations de l'OCDE sur l'application des conventions fiscales - Le Secrétariat de l'OCDE publie des orientations actualisées sur les conventions fiscales et l'impact de la crise de COVID-19 afin de mettre à jour la première publication du 3 avril 2020 (v. FI 2-2020, n° 3, § 12).
Secrétariat de l'OCDE, Orientations actualisées sur les conventions fiscales et l'impact de la crise de COVID-19, 21 janv. 2021
Résidence fiscale - Convention franco-singapourienne (9 sept. 1974) - Détermination du foyer d'habitation permanent - Articulation entre sursis d'imposition et conventions fiscales - Le Conseil d'État casse un arrêt de cour administrative d'appel car les faits avancés par l'administration et retenus par les juges du fond ne permettaient pas de conclure à la disposition durable d'un logement en France et donc à l'existence d'un foyer d'habitation permanent. Cette décision retient surtout l'attention car c'est à notre connaissance la première fois que le Conseil d'État traite de l'articulation entre le sursis d'imposition de l'article 150-0 B du CGI et une convention fiscale.
CE, 8e ch., 29 déc. 2020, n° 434257, Thil (V. annexe 3)
Domicile fiscal - Critère du centre des intérêts économiques (CGI, art. 4 B, 1, c) - Prise en compte du seul patrimoine productif de revenus - Le Conseil d'État censure pour erreur de droit la CAA de Versailles au motif que, pour déterminer le centre des intérêts économiques des membres du couple concerné (et ainsi localiser en France leur résidence fiscale), les juges d'appel ont omis de rechercher si leur patrimoine situé en France était productif de revenus. En l'espèce, les intéressés faisaient valoir qu'ils percevaient la majorité de leurs revenus de leurs activités professionnelles en Belgique et que leurs revenus de source française n'étaient qu'exceptionnels. L'affaire est renvoyée devant la même cour.
CE, 9e et 10e ch., 7 oct. 2020, n° 426124, Souillard Mandar, concl. E. Bokdam-Tognetti (V. annexe 1)
Résidence fiscale - Convention fiscale franco-suisse - Caractérisation de la résidence fiscale en Suisse - Production d'une attestation suisse - Censurant la CAA de Versailles, à laquelle l'affaire est renvoyée, le Conseil d'État précise que, conformément à la lettre même de l'article 31 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 comme à celle de la doctrine administrative y afférente, l'obligation de présentation du formulaire d'attestation de résidence n'est requise que pour l'obtention des avantages prévus par la convention, à l'exclusion de la détermination du pays de résidence fiscale du contribuable, qui ne constitue pas un « avantage » prévu par la convention et qui n'est régie que par l'article 4 de la convention concernée.
CE, 9e et 10e ch., 23 nov. 2020, n° 427182, Grindler, concl. E. Bokdam-Tognetti (V. annexe 2)
Domicile fiscal - Transfert hors de France (Suisse) - Exit tax (CGI, art. 167 bis) - Non-dégrèvement des prélèvements sociaux 8 ans après le transfert ou en cas de retour en France - Le Conseil d'État rejette un recours dirigé contre l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, qui excluait les prélèvements sociaux du dégrèvement ou de la restitution prévus en matière d'IR par l'article 167 bis, dans sa version applicable aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus entre le 3 mars 2011, et le 31 décembre 2013. Ce texte disposait qu'à l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert de domicile fiscal hors de France ou lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile fiscal en France si cet événement est antérieur, l'impôt sur les plus-values latentes est dégrevé d'office ou, le cas échéant, restitué lorsque les titres demeurent, à cette date, dans le patrimoine du contribuable.
CE, 8e ch., 9 nov. 2020, n° 440324 (V. annexe 3)
Résidence fiscale - Preuve - Attestation - Une réponse ministérielle précise que lorsqu'un non-résident apporte la preuve de l'impossibilité de faire remplir l'attestation de résidence par l'administration fiscale de l'État où il réside, malgré ses diligences, il lui reste possible d'apporter la preuve de sa résidence fiscale par tous moyens. Elle ajoute toutefois qu'afin d'apprécier si la qualité de résident fiscal peut lui être reconnue, les éléments produits, le cas échéant traduits en français, feront alors l'objet d'un examen, portant à la fois sur leur valeur probatoire (authenticité des renseignements, source des informations) et sur leur contenu.
RM Deromedi, n° 14775 : JO Sénat, 8 oct. 2020, p. 4600 (V. annexe 4)
Résidence fiscale - Lieu de séjour habituel - Convention franco-brésilienne - Le Conseil d'État juge, pour l'application de l'article 4, § 2 de la convention conclue le 10 septembre 1971 entre la France et le Brésil, que le séjour habituel dans un État s'apprécie au regard de la fréquence, de la durée et de la régularité des séjours dans cet État qui font partie du rythme de vie normal de la personne et ont un caractère plus que transitoire, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la durée totale des séjours qu'elle y a effectués excède la moitié de l'année.
CE, 8e et 3e ch., 16 juill. 2020, n° 436570, Curot, concl. K. Ciavaldini (V. annexe 1)
Résidence fiscale - Convention franco-suisse - Régime du forfait - La CAA de Paris juge que la doctrine administrative reprenant le contenu de l'échange de lettres du 29 février 1968 entre les autorités compétentes françaises et suisses permettant à des résidents suisses soumis à certains régimes de forfait de se prévaloir de la qualité de résident fiscal en Suisse au sens de la convention bilatérale du 9 septembre 1966, ne contient aucune interprétation de la loi fiscale et ne peut, de ce fait, pas être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF.
CAA Paris, 2e ch., 24 juin 2020, n° 19PA02886, Min. c/ Bouchara, concl. J. Jimenez (V. annexe 2)
Résidence fiscale - Convention fiscale franco-chinoise (1984) - Portée d'une obligation fiscale limitée - Le Conseil d'État juge qu'il résulte de l'article 4 de la convention fiscale du 30 mai 1984 conclue entre la France et la Chine que, pour son application, la qualité de résident d'un État contractant est subordonnée à la seule condition que la personne qui s'en prévaut soit assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence ou d'un lien personnel analogue et non en raison de la seule existence de revenus y trouvant leur source. Il précise que l'étendue de l'obligation fiscale à laquelle le contribuable est tenu dans cet État est, par elle-même, sans incidence sur la qualification de résident, ces stipulations n'excluant pas, dans leur rédaction applicable, que puissent être regardés comme tels des personnes dont les seuls revenus pris en compte pour leur assujettissement à l'impôt dans cet État sont, en application des règles d'assiette applicables, les revenus qui y trouvent leur source.
CE, 8e et 3e ch., 9 juin 2020, n° 434972, Bich, concl. K. Ciavaldini (FI 3-2020, n° 3.3)
Domicile fiscal - Résidence fiscale - Confinement - L'administration fiscale française, s'appuyant sur l'article 4 B du CGI, précise qu'un séjour temporaire en France dû au confinement ou à des restrictions de circulation mises en place dans un pays étranger, ne sont pas de nature à caractériser une domiciliation fiscale en France. Elle ajoute qu'un séjour en France en raison d'un cas de force majeure ne peut à lui seul justifier l'existence d'un foyer permanent d'habitation ou d'un centre des intérêts vitaux en France au sens des conventions fiscales. L'OCDE abonde dans le même sens.
DGFiP, Résidence fiscale et confinement crise covid : communiqué sur impôts.gouv.fr (V. annexe 3)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax (CGI, art. 167 bis) - Prélèvements sociaux - Activité substantielle en France - Le TA de Montreuil, reconnaissant le caractère substantiel de l'exercice d'une activité professionnelle en France, valide l'affiliation du contribuable au régime de sécurité sociale français au moment du transfert de son domicile fiscal hors de France. Ce transfert, fait générateur des prélèvements sociaux, entraîne dès lors l'imposition des plus-values latentes à ces prélèvements.
TA Montreuil, 10e ch., 10 mars 2020, n° 1711561, Brenninkmeijer (V. annexe 4)
Domicile fiscal - Dirigeants de sociétés françaises - La loi de finances pour 2020 fixe en France le domicile fiscal des dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 250 M€, sauf si cette activité ne constitue pas leur activité professionnelle à titre principal.
L. n° 2019-1479, 28 déc. 2019 de finances pour 2020, art. 13 : JO 29 déc. 2019, texte n° 1 (V. annexe 3)
Domicile fiscal - Agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière - La loi de finances pour 2020 étend aux agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière la règle de l'article 4 B du CGI selon laquelle les agents de l'État qui exercent leurs fonctions dans un pays étranger sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France lorsqu'ils ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.
L. n° 2019-1479, 28 déc. 2019 de finances pour 2020, art. 4 : JO 29 déc. 2019, texte n° 1 (V. annexe 5)
Domicile fiscal - Fonctionnaire international à la retraite - La CAA de Versailles juge que le domicile fiscal ancien fonctionnaire au Conseil de l'Europe, percevant des pensions de cet organisme établi en France, est situé en France.
CAA Versailles, 1re ch., 3 déc. 2019, n° 18VE01128, Tsimaratos, concl. N. Chayvialle (V. annexe 6)
Résidence fiscale - Convention fiscale franco-chinoise (1984) - Obligation fiscale limitée - La CAA de Versailles juge que ne peut être regardé comme résident d'un État contractant, au sens de la convention fiscale franco-chinoise de 1984, le contribuable qui n'y est imposé qu'à raison des revenus tirant leur source de cet État. Ce faisant, elle transpose une solution dégagée pour la convention fiscale franco-allemande, qui ne reprend pas non plus la réserve prévue à l'article 4 de la convention modèle de l'OCDE.
CAA Versailles, 7e ch., 29 mai 2019, n° 17VE03385, Bich, concl. I. Danielian (V. annexe 7)
Résidence fiscale - Personne morale - Assujettissement à l'impôt - La CAA de Paris juge qu'une société soumise à un taux réduit d'impôt sur les bénéfices est résidente au sens de la convention fiscale applicable.
CAA Paris, 5e ch., 7 nov. 2019, n° 18PA02195, SARL Aptineo, concl. O. Lemaire (V. annexe 8)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax - Un décret précise les modalités d'obtention du sursis de paiement et les obligations déclaratives en matière d'exit tax, telles qu'elles résultent de la loi de finances pour 2019.
D. n° 2019-868, 21 août 2019 : JO 23 août 2019, texte n° 32 (V. annexe 1)
Domicile fiscal - Dirigeants de grandes entreprises - L'article 3 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit de compléter les critères de domiciliation fiscale en France (CGI, art. 4 B) pour les dirigeants de grandes entreprises françaises.
Le critère de l'activité professionnelle exercée en France à titre principal serait réputé rempli pour les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d'affaires annuel supérieur à un milliard d'euros. Un amendement, auquel le gouvernement s'est montré favorable, prévoit d'abaisser ce seuil à 250 millions d'euros.
Pour les sociétés contrôlant d'autres sociétés dans les conditions définies à l'article L 233-16 du code de commerce, le chiffre d'affaires pris en compte serait obtenu en faisant la somme du chiffre d'affaires de la société et de celui des sociétés contrôlées.
Les dirigeants concernés par cette mesure seraient le président du conseil d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président du conseil de surveillance, le président et les membres du directoire, les gérants et les autres dirigeants ayant des fonctions analogues.
Cette mesure s'appliquerait à compter de l'imposition des revenus de l'année 2019.
On ne trouvera aucun mérite à cette proposition de réforme, à l'analyse techniquement déficiente. Instaurer une présomption irréfragable de domiciliation fiscale, assise sur un objectif de prévenir les éventuelles fraudes, apparaît constitutionnellement douteux2.
Si les conventions fiscales vont dans la plupart des cas faire échec à l'application de cette nouvelle disposition en matière d'impôt sur le revenu, demeurent toutefois les éventuelles conséquences collatérales en matière de droits de donation et succession, dont les critères de domiciliation sont fixés par renvoi à l'article 4 B du CGI. D'ailleurs, la rétroactivité de ce nouveau dispositif en la matière pose également question.
Résidence fiscale - Date d'appréciation - Le Conseil d'État juge que la résidence fiscale du contribuable, prise en compte pour répartir entre les États contractants le droit d'imposer ses revenus, s'apprécie à la date de réalisation de ceux-ci, quelles que soient leurs modalités de taxation en droit interne et, notamment, sans qu'ait d'incidence la circonstance que leur imposition soit reportée par la loi fiscale à une date ultérieure.
CE, 8e et 3e ch., 4 juin 2019, n° 415959, Min. c/ Zacharias, concl. R. Victor (FI 3-2019, n° 6, § 15)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax - Titres de jeunes entreprises innovantes - Le Conseil d'État refuse d'admettre le pourvoi contre l'arrêt de la CAA de Versailles qui avait jugé que l'exit tax s'applique aux titres de jeunes entreprises innovantes (JEI).
CE, 8e ch., 10 juill. 2019, n° 427623, Caraux (V. annexe 4)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax allemande - Contrariété à l'ALCP - La CJUE juge le dispositif d'exit tax allemand contraire à l'accord signé entre l'UE et la Suisse le 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (ALCP).
CJUE, gde ch., 26 févr. 2019, C-581/17, Wächtler, concl. M. Wathelet (V. annexe 3)
Résidence fiscale - Convention France-Mali - Utilisation du critère subsidiaire de la nationalité - La CAA de Nantes, à propos d'un ressortissant français exerçant une activité de négoce de véhicules d'occasion entre la France et le Mali, fait application du critère subsidiaire de la nationalité faute d'identifier un critère prépondérant au regard de la convention franco-malienne.
CAA Nantes, 1re ch., 18 févr. 2019, n° 17NT02008 (V. annexe 4)
Domicile fiscal - Caractérisation en France - Résidence fiscale - Convention France-Philippines - La CAA de Marseille valide la caractérisation en France du domicile fiscal d'un contribuable, sans que la convention franco-philippine n'y fasse obstacle.
CAA Marseille, 3e ch., 7 mars 2019, n° 17MA00769, Marchant (V. annexe 5)
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax - Assouplissement - La loi de finances pour 2019 allège à compter du 1er janvier 2019 le dispositif d'exit tax applicable aux plus-values latentes sur titres en cas de transfert du domicile fiscal à l'étranger.
L. n° 2018-1317, 28 déc. 2018 de finances pour 2019, art. 112 : JO 30 déc. 2018, texte n° 1 (V. annexe 2)
Domicile fiscal - Critère du foyer - Célibataire travaillant à l'étranger -Le Conseil d'État subordonne la caractérisation d'un foyer à la disposition d'un lieu où habiter et y développer le centre de sa vie personnelle.
CE, 8e et 3e ch., 27 juin 2018, n° 408609
Domicile fiscal - Critères - Exercice d'une activité professionnelle -La CAA de Paris, suivant la grille d'analyse dégagée par le Conseil d'État, identifie les indices révélant l'exercice d'une activité professionnelle pour le compte d'une société en France et caractérisant ainsi la domiciliation fiscale dans cet État.
CAA Paris, 2e ch., 11 avr. 2018, n° 17PA01706, Koeck
Domicile fiscal - Époux séparés de biens résidant dans des endroits différents - Imposition distincte (CGI, art. 6) - Absence d'incidence du domicile fiscal (CGI, art. 4 B) -Le Conseil d'État juge qu'en application de l'article 6 du CGI, des époux mariés sous le régime de la séparation de biens et qui résident dans deux endroits différents doivent faire l'objet d'une imposition distincte dès lors que cette résidence séparée n'a pas un caractère temporaire. La circonstance que, du fait de la résidence habituelle en France du conjoint séparé de biens du contribuable et de ses enfants, ce dernier aurait en France son domicile fiscal au sens du a) du 1 de l'article 4 B du CGI est, par elle-même, sans incidence sur la question de savoir si celui-ci vit en France sous le même toit que son conjoint au sens du a) du 4 de l'article 6.
CE, 8e et 3e ch., 18 juill. 2018, n° 409035
Domicile fiscal -Exit tax - Calcul du crédit d'impôt étranger imputable - Liberté de circulation des capitaux - Le Conseil d'État juge que l'imposition des plus-values latentes constatées lors du transfert du domicile fiscal hors de France, qui est dépourvue de lien avec tout transfert de capitaux, n'emporte par elle-même aucune conséquence sur la liberté de circulation des capitaux et n'est pas discriminatoire.
CE, 8e ch., 26 juill. 2018, n° 421612
Domicile fiscal - Transfert - Exit tax - Titres de jeune entreprise innovante (JEI) - La CAA de Versailles juge que les plus-values latentes relatives aux titres de sociétés bénéficiant du statut de « jeune entreprise innovante » (JEI), prévu au 7 du III de l'article 150-0 A du CGI, sont incluses dans l'assiette de la taxe prévue à l'article 167 bis du même code à laquelle sont soumises les personnes qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France.
CAA Versailles, 1re ch., 2 oct. 2018, n° 16VE01910, Caraux, concl. N. Chayvialle (V. annexe 3)
Domicile fiscal - Transfert -Exit tax (rég. ancien) - Transfert de domicile en Suisse - Accord Suisse-CE - Droit d'établissement - La CJUE juge que l'accord Suisse-CE sur la libre circulation des personnes ne s'oppose pas à l'exit tax dans sa rédaction en vigueur en 2002 dès lors que la situation de l'espèce ne relève pas du champ d'application ratione personae de la notion d'« indépendants » au sens de cet accord.
CJUE, 1re ch., 15 mars 2018, C-355/16, Picart, concl. P. Mengozzi