Christophe Juillet est agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Paris Cité où il enseigne le droit civil et le droit des affaires.
Christophe JUILLET
Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Paris Cité
Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Paris Cité
Christophe Juillet est agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Paris Cité où il enseigne le droit civil et le droit des affaires.
Sociétés - Société par actions simplifiée (SAS) - Exclusion d'un associé - Impératif droit de vote de l'associé exclu - La Cour de cassation juge qu' il résulte de la combinaison des articles 1844 et 1844-10 du code civil et L. 227-16 du code de commerce que si les statuts d'une société par actions simplifiée peuvent prévoir l'exclusion d'un associé par une décision collective des associés, toute stipulation de la clause d'exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de voter sur cette proposition est réputée non écrite.
Cass. com., 29 mai 2024, n° 22-13.158, Assoc. Mecen'coop c/ SAS Intérim Provence Méditerranée, FS-B (V. annexe 1)
Sociétés - Société anonyme (SA) - Assemblée générale extraordinaire - Quorum - La Cour de cassation juge que le fait pour le bureau, à l'occasion de l'assemblée générale extraordinaire d'une SA, de ne pas avoir vérifié le respect du quorum ou, à tout le moins, de ne pas avoir mentionné cette vérification dans le procès-verbal, ne peut être sanctionné par la nullité de l'assemblée générale.
Cass. com., 29 mai 2024, n° 22-13.710, FS-B (V. annexe 2)
Société civile - Statuts - Démembrement de propriété - Prérogatives de l'usufruitier - Droit de contester les décisions collectives - La Cour de cassation juge que les statuts d'une société civile immobilière (SCI) ne peuvent priver l'usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
Cass. civ. 3e, 11 juill. 2024, n° 23-10.013, FS-B (V. annexe 3)
Indivision - Titres sociaux - Désignation judiciaire du mandataire chargé de représenter les indivisaires - La Cour de cassation juge que le président du tribunal saisi, en application de l'article 1844, alinéa 2 du code civil, d'une demande de désignation d'un mandataire chargé de représenter les copropriétaires de parts sociales indivises, statue en référé (et non en la forme des référés).
Cass. com., 29 mai 2024, n° 22-22.292, F-B (V. annexe 4)
Société civile - Société civile immobilière (SCI) - Statuts -Objet de la société - Pouvoirs du gérant - Mise à disposition gratuite de l'immeuble social à un associé - Un couple était propriétaire de l'intégralité des parts d'une SCI. Après la séparation du couple, celui qui en était le gérant (propriétaire d'1 % des parts sociales) représenta la société dans la conclusion, en sa propre faveur, d'un contrat de prêt à usage de certains étages de l'immeuble de la SCI. Après la révocation du gérant, la SCI a demandé la nullité du contrat de prêt à usage qu'elle a obtenue devant une cour d'appel. La Cour de cassation confirme la nullité du commodat en rappelant que, lorsque les statuts d'une SCI n'indiquent pas dans l'objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par l'assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts.
Cass. civ. 3e, 2 mai 2024, n° 22-24.503, FS-B (V. annexe 2)
Société civile - Crédit-bail immobilier - Levée d'option - Conséquences fiscales - Le Conseil d'État juge qu'il résulte des articles 218 bis et 238 bis K du CGI que les éventuelles conséquences fiscales qui s'attachent au transfert de propriété résultant de la levée de l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail par une société relevant du régime fiscal prévu à l'article 8 du CGI doivent s'apprécier, pour les associés patrimoniaux de cette société, en appliquant les règles relatives à la catégorie d'imposition correspondant à l'activité de la société et, pour ses associés soumis à l'impôt sur les sociétés, en appliquant les règles relatives aux bénéfices industriels et commerciaux. Il n'y a dans ce cas aucune plus-value taxable.
CE, 8e et 3e ch., 26 avr. 2024, n° 472855, Sté CMM Finances, concl. R. Victor : Lebon T. (V. annexe 3)
Démembrement de propriété - Usufruit temporaire d'un immeuble - Cession suivie d'une prorogation - Assujettissement à l'article 13, 5 du CGI - La CAA de Nancy juge que la prorogation, à l'expiration du délai d'une première cession d'usufruit temporaire à titre onéreux et postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 13, 5 du CGI, doit être regardée comme constituant une première cession et relever de ce dispositif anti-abus.
CAA Nancy, 2e ch., 9 nov. 2023, n° 21NC00702, Bechmann, C+ (V. annexe 6)
Société - Durée - Refus de voter la prorogation de la société - Abus de minorité - La Cour de cassation juge que le refus de prorogation du terme de la société est susceptible de constituer un abus de minorité, lorsque le vote de l'associé minoritaire est contraire à l'intérêt général de la société et a pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux de l'ensemble des autres associés.
Cass. civ. 3e, 7 déc. 2023, n° 22-18.665, FS-B (V. annexe 1)
Société à responsabilité limitée (SARL) - Agrément statutaire des héritiers de l'associé décédé - Refus des autres associés - Fixation du prix des parts par un expert - Renonciation de l'héritier à sa demande d'agrément - Obligation de remboursement de la valeur des parts sociales - La Cour de cassation juge qu'il résulte de la combinaison des articles L. 223-13 et L. 223-14, alinéa 3 du code de commerce et de l'article 1843-4 du code civil, que l'héritier d'un associé décédé qui a demandé à être agréé comme associé au titre des parts dont il a hérité peut, à tout moment, même après la fixation du prix par l'expert, renoncer à sa demande d'agrément et exiger le remboursement de la valeur des droits de son auteur. Les associés survivants qui ont refusé d'agréer comme associé l'héritier d'un associé décédé et qui ont demandé en justice, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, la désignation d'un expert pour que soit déterminée la valeur de ses parts sociales, sont, à l'issue du délai légal, tenus d'acquérir ou de faire acquérir ces parts au prix fixé par l'expert si l'héritier a renoncé à sa demande d'agrément.
Cass. com., 24 janv. 2024, n° 21-25.416, F-B (V. annexe 2)
Société commerciale - Cession de parts assortie d'une garantie de passif - Contrôle de la société cédée - Acte de commerce - Pluralité de cédants - Solidarité commerciale - Cessionnaire ayant acquis des parts d'un seul cédant - La Cour de cassation juge qu'encourt la cassation l'arrêt qui, pour condamner solidairement quatre cédants à verser une certaine somme à deux cessionnaires « pris ensemble » au titre d'une garantie de passif prévue dans chacun des cinq actes de cession, retient que le caractère commercial de l'opération est indiscutable, alors que l'un des cessionnaires n'avait acquis ses parts que de l'un des cédants, de sorte que la solidarité dont bénéficiait le second envers celui-ci et les trois autres pour avoir acquis des parts auprès de chacun d'eux ne pouvait produire d'effet à son égard.
Cass. com., 24 janv. 2024, n° 20-13.755, F-B (V. annexe 3)
Société commerciale - Conventions interdites - Autorisation de découvert en compte courant d'associé - Action en nullité et restitution (prescription quinquennale) - Action en responsabilité du gérant (prescription triennale) - La Cour de cassation rappelle que : 1° aux termes de l'article L. 223-22 du code de commerce, les gérants de SARL sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux SARL, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ; 2° aux termes de l'article L. 223-23, les actions en responsabilité susvisées se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation. Par conséquent, en cas de conclusion par le gérant d'une convention interdite, une action en nullité et restitution, qui se prescrit par cinq ans, peut être à privilégier.
Cass. com., 20 déc. 2023, n° 21-20.019, F-D (V. annexe 4)
Société civile - Société civile immobilière (SCI) - Statuts - Objet social - Pouvoir du gérant de vendre l'immeuble social - La Cour de cassation juge une nouvelle fois que lorsque la vente des immeubles sociaux n'est pas expressément visée dans l'objet social d'une société civile, elle excède le pouvoir du gérant et doit, par conséquent, être préalablement autorisée par la collectivité des associés, à peine de nullité.
Cass. civ. 3e, 23 nov. 2023, n° 22-17.475 et 22-17.776, FS-D (V. annexe 5)
Société civile - Immatriculation après le 1er nov. 2002 - Effets - La Cour de cassation juge que la perte de la personnalité morale d'une société civile, faute d'avoir procédé à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, entraîne le transfert aux associés de la propriété des biens qui composaient l'actif social. L'immatriculation de la société postérieure à cette date donne naissance à une nouvelle personne morale, à laquelle ces biens sont transférés.
Cass. civ. 3e, 21 déc. 2023, n° 20-23.658, FS-B (V. annexe 6)
Sociétés - Arrivée du terme - Conditions d'application de la prorogation tacite - Après survenance du terme d'une société civile, en l'absence de prorogation décidée par les associés, l'un d'eux peut saisir le président du tribunal judiciaire dans l'année de la date d'expiration de la société, pour lui demander de constater l'intention des associés de proroger la société et autoriser leur consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois (C. civ., art. 1844-6). La Cour de cassation juge que la loi n'impose pas au président du tribunal judiciaire de rechercher si les associés ont omis de bonne foi de proroger la société, mais s'il s'agit de leur intention, laquelle n'a pas à être unanime dès lors que les statuts de la société fixent une règle de majorité en la matière.
Cass. com., 30 août 2023, n° 22-12.084, F-B (V. annexe 1)
Sociétés - Abus de majorité - Décision unanime des associés - La Cour de cassation juge qu'une décision d'assemblée générale prise à l'unanimité des associés ne peut être constitutive d'un abus de majorité.
Cass. com., 8 nov. 2023, n° 22-13.851, Sté MPM, F-B (V. annexe 2)
Sociétés à responsabilité limitée (SARL) - A ssemblées générales - P articipation de non-associés - Nullité - La Cour de cassation juge qu'il résulte de la combinaison des articles 1844, alinéa 1er, et 1844-10, alinéa 3 du code civil que la participation d'une personne n'ayant pas la qualité d'associé aux décisions collectives d'une société à responsabilité limitée constitue une cause de nullité des assemblées générales au cours desquelles ces décisions ont été prises, dès lors que l'irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
Cass. com., 11 oct. 2023, n° 21-24.646, FS-B (V. annexe 3)
Sociétés - Simulation par interposition d'acquéreur- La Cour de cassation admet une action en déclaration de simulation déclenchée par l'administration fiscale à l'encontre d'un contribuable tenu de dettes fiscales qui a avait acquis un immeuble par l'intermédiaire d'une SNC. La Cour valide l'existence d'une simulation par interposition d'acquéreur, laquelle n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité réelle de la société interposée, ce qui permet à l'administration de regarder, non pas la société comme fictive, mais le contribuable comme le véritable acquéreur de l'immeuble.
Cass. com., 5 avr. 2023, n° 21-21.881, F-D (V. annexe 1)
Sociétés anonymes (SA) - Cessions d'actions entre associés - Périmètre des clauses d'agrément - Les statuts d'une société anonyme comprenaient, depuis 1985, une clause d'agrément des cessions d'actions formulée dans des termes généraux qui n'excluaient pas celles intervenues entre associés, bien que la règlementation y fasse obstacle jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004. Un contentieux naquit de la cession d'actions entre associés intervenue en 2018 sans agrément. Les juges d'appel, après avoir souligné que la clause d'agrément ne pouvait, à l'époque de son adoption dans les statuts, régir les cessions entre associés, prononcèrent la nullité de la cession d'actions. La Cour de cassation censure leur arrêt en reprochant aux juges du fond de ne pas avoir recherché si, à la date d'adoption des statuts, les actionnaires des sociétés avaient eu l'intention de soumettre le périmètre des clauses d'agrément à toutes les modifications légales ultérieures ou si, au contraire, prenant en compte l'impossibilité légale, alors en vigueur, de soumettre à agrément les cessions d'actions entre actionnaires, ils avaient entendu soumettre à agrément, sous réserve des dérogations expressément prévues dans les statuts, les seules cessions d'actions à des personnes non associées.
Cass. com., 15 mars 2023, 21-15.393 et 21-15.808, F-D (V. annexe 2)
Société civile - Contribution aux pertes - Remboursement d'un compte courant d'associé négatif - Au visa de l'article 1832, alinéa 3 du code civil, la Cour de cassation rappelle que, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution aux pertes s'apprécie lors de la dissolution de la société. Ainsi, lorsque le solde négatif d'un compte courant d'associé procède d'une affectation des pertes sociales, le compte n'est remboursable qu'à la dissolution de la société, à moins que les statuts prévoient le contraire.
Cass. com., 15 févr. 2023, n° 20-22.018, SCI Side Shore c/ B, F-D (V. annexe 3)
Les transmissions d’entreprises représentent un enjeu économique majeur, tant par leur nombre (entre 30 000 et 40 000 par an) que par les conséquences qu’elles entraînent, en termes d’emplois ou de localisations-délocalisations. Qu’elles s’opèrent à l’intérieur ou en-dehors du cadre familial, elles font l’objet d’un suivi attentif par les pouvoirs publics, comme le démontre le rapport d’information de la mission de suivi du Sénat relative à la transmission d’entreprises du 7 octobre 2022.
Les dispositifs fiscaux qui encadrent les transmissions d’entreprises recherchent un équilibre entre l’imposition des produits de cessions (impôt sur les sociétés, droits de succession) et la volonté de faciliter la continuité de l’entreprise, au-delà des changements de dirigeants. Le recours à l’ingénierie civile ou sociétaire doit être articulé avec le droit fiscal pour anticiper la réalisation de ces mutations. Or, la jurisprudence de la Cour de cassation, la doctrine administrative et les évolutions législatives récentes permettent de mettre en évidence des éléments de complexité en la matière.
Le colloque associe universitaires et praticiens autour de tables rondes relatives aux thématiques qui entourent les transmissions d’entreprises :
- la pratique du démembrement de propriété (V. § 1),
- les pactes Dutreil (V. § 80),
- l’apport-cession (V. § 116),
- l’évaluation de l’entreprise transmise (V. § 131).
Laurent CHESNEAU
Maître de conférences associé, Université Jean Moulin-Lyon 3
Centre de droit de l’entreprise, Équipe de recherche Louis Josserand
Sociétés - Société par actions simplifiée (SAS) - Statuts - Clause d'exclusion d'un associé - Conformité de la loi à la Constitution - Les statuts d'une SAS peuvent encadrer les modalités dans lesquelles il peut être décidé d'exclure l'un des associés. Or, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, les dispositions statutaires qui encadrent ces modalités peuvent être modifiées par une décision collective des associés et donc possiblement sans que l'unanimité des associés soit requise. Dans le cadre d'un contentieux relatif à l'exclusion d'un associé de SAS, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité que soulevait la possible contrariété qui en résulte au droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel refuse de voir dans ce dispositif une atteinte disproportionnée au droit de propriété dès lors, notamment, que l'exclusion de l'associé doit être motivée, qu'elle donne lieu à rachat de titres à un prix fixé par les parties ou, à défaut, par expert, et qu'elle peut être contestée par l'associé exclu de la société devant le juge.
CC, 9 déc. 2022, n° 2022-1029 QPC, M. Sami C. (V. annexe 1)
Sociétés - Pactes d'actionnaires - Durée calquée sur celle de la société - Engagement perpétuel (non) - Résiliation unilatérale (non) - Les associés d'une SAS (un père, ses cinq enfants et une holding) conclurent un pacte d'actionnaires fixant de manière anticipée les règles de fonctionnement de la société qui devront être suivie en cas de décès du père. Or, dès avant que n'intervienne ce décès, l'un des enfants demanda la résiliation unilatérale du pacte. La cour d'appel ayant eu à juger du contentieux né de cette demande admit la demande de résiliation unilatérale du pacte en le qualifiant d'engagement perpétuel, eu égard à sa durée calquée sur celle de la société (soit 99 ans renouvelables). Les juges du droit censurent l'arrêt d'appel en admettant que la prohibition des engagements perpétuels n'interdit pas de conclure un pacte d'associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement.
Cass. civ. 1re, 25 janv. 2023, n° 19-25.478 (IP 2-2023, n° 5, § 17)
Démembrement de propriété - Usufruit à durée fixe de droits sociaux - Acquisition - Droits de mutation à titre onéreux - La Cour de cassation confirme que l'acquisition de l'usufruit à durée fixe (« temporaire ») de droits sociaux, en l'espèce des parts d'une société civile à prépondérance immobilière, n'est pas imposée aux droits de mutation à titre onéreux au taux proportionnel mais relève du droit fixe.
Cass. com., 4 janv. 2023, n° 20-10.112, Sté Centrale automobile Strasbourg (CAS), F-D (V. annexe 4)
Sociétés - Interdiction des clauses léonines (C. civ., art. 1844-1) - Décisions d'assemblées générales extraordinaires attribuant à certains associés la totalité des pertes enregistrées sur trois exercices clos - Le Conseil d'État juge qu'il résulte de l'article 1844-1 du code civil qu'est réputée non écrite une stipulation qui a pour effet d'attribuer à un unique associé la totalité des profits procurés par la société ou de mettre à sa charge la totalité des pertes ou qui a pour effet d'exclure un quelconque associé de tout profit ou de l'exonérer de toute participation aux pertes. Ne peuvent être regardées comme de telles stipulations des décisions d'assemblées générales extraordinaires qui, en attribuant à certains associés la totalité des pertes enregistrées sur trois exercices clos, se bornent à déroger aux règles statutaires pour ce qui concerne la répartition des seules pertes constatées à la clôture des exercices concernés, alors même que ces décisions ont eu pour effet d'exonérer certains associés de toute participation à ces pertes.
CE, 8e et 3e ch., 18 oct. 2022, n° 462497, Min. c/ Lizée, concl. R. Victor : Lebon T. (V. annexe 1)
Sociétés - Société par actions simplifiée (SAS) - Statuts - Exclusion d'un associé - Droit de propriété - Les statuts d'une SAS peuvent encadrer les modalités dans lesquelles il peut être décidé d'exclure l'un des associés. Or, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, les dispositions statutaires qui encadrent ces modalités peuvent être modifiées par une décision collective des associés et donc possiblement sans que l'unanimité des associés soit requise. Dans le cadre d'un contentieux relatif à l'exclusion d'un associé de SAS, la Cour de cassation transmet au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité que soulève la possible contrariété au droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui en résulte.
Cass. com., 12 oct. 2022, n° 22-40.013, Sté LT capital et a., F-B (V. annexe 4)
#Mots-clés: Entrepreneur individuel, Entreprise individuelle, loi, réforme
#Auteur: Christophe¤ JUILLET
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
En imposant à tous les entrepreneurs individuels, la scission de plein droit de leur patrimoine, dans le but de leur conférer un patrimoine exclusivement dédié à leur activité professionnelle, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante, a profondément bouleversé le droit français. Ses répercussions dans de nombreuses branches du droit privé sont considérables. Il est donc apparu nécessaire d’y consacrer une journée d’étude le 20 mai 2022, en s’appuyant sur les forces vives du laboratoire Centre de droit des affaires et gestion (CEDAG) de l’Université Paris Cité, ainsi que sur le précieux concours de collègues extérieurs. Qu’ils en soient tous, une nouvelle fois, remerciés.
Cette journée fut riche tant par la qualité des présentations qui ont été faites, que par les questions et débats auxquels elles ont donné lieu. C’est toute cette richesse que le lecteur retrouvera dans les contributions du présent dossier, enrichies des textes réglementaires parus depuis, et auquel l’éditeur a justement souhaité ajouter une contribution relative au droit fiscal.
Liquidation de la société - Partage des actifs - Vice de formation du partage entre associés - Sanction - Des associés d'une société civile d'exploitation piscicole et agricole ont procédé à la liquidation de leur société et au partage de ses actifs en mai 2006. Quelques années plus tard, l'un des copartageants, qui estimait que son lot avait été dolosivement minoré, sollicita une rectification du partage. Les juges d'appel accueillirent sa demande et ordonnèrent un partage rectificatif à titre de réparation du dol tel que prévu à l'article 887, alinéa 3 du code civil. La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel en soulignant que ces règles concernant le partage de successions (et qui s'appliquent aux partages d'associés), issues de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ne sont applicables qu'aux indivisions non partagées avant 2007.
Cass. civ. 1re, 15 juin 2022, n° 20-20.708 (V. annexe 1)
Qualité d'associé en cas de démembrement de droits sociaux - Usufruitier (non) - Prérogatives de l'usufruitier - La Cour de cassation juge que l'usufruitier de droits sociaux n'a pas la qualité d'associé, mais qu'il peut néanmoins exercer les prérogatives d'associé qui ont une influence directe sur son droit de jouissance.
Cass. com., avis, 1er déc. 2021, n° 20-15.164. - Cass. civ. 3e, 16 févr. 2022, n° 20-15.164 (IP 2-2022, n° 3.1.1)
Société civile - Décisions excédant les pouvoirs des gérants - Exigence de l'unanimité de la totalité des associés - La Cour de cassation précise que l'unanimité requise par l'article 1852 du code civil, pour toutes les décisions qui excèdent les pouvoirs des gérants, vise la totalité des associés de la société (même ceux ni présents ni représentés), et qu'au regard de l'article 1844-10 du code civil, qui limite les causes de nullité des délibérations, cette règle est impérative et sanctionnée par la nullité des délibérations litigieuses.
Cass. civ. 3e, 5 janv. 2022, n° 20-17.428, Sté BCM (V. annexe 2)
#Auteur: Christophe¤ JUILLET
#Qualités: Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Paris Cité
Saisie pour avis par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, la chambre commerciale a apporté une contribution importante à l’analyse juridique de l’usufruit de droits sociaux. Pourtant, en décidant, d’un côté, que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé et, d’un autre côté, qu’il peut néanmoins exercer les prérogatives d’associé qui ont une incidence directe sur son droit de jouissance, cet avis suscite beaucoup de discussions théoriques et risque bien de ne pas donner pleinement satisfaction à la pratique.
Sociétés - Responsabilité civile du dirigeant - Absence d'effet libératoire du quitus donné par l'assemblée générale - À la suite d'opérations malheureuses réalisées au nom d'une société civile, son dirigeant a vu sa responsabilité civile engagée. Celui-ci considérait que le quitus donné par l'assemblée générale des associés aux opérations ayant occasionné un préjudice à la société devait conduire à écarter la mise en jeu de sa responsabilité, mais les juges du fond écartèrent ses prétentions. Rejetant son pourvoi en cassation contre l'arrêt d'appel le condamnant à réparer l'important préjudice financier subi par la société civile, les juges du droit rappellent que le quitus donné par l'assemblée des associés ne peut avoir d'effet libératoire au profit du dirigeant pour les fautes commises dans sa gestion.
Cass. civ. 3e, 27 mai 2021, n° 19-16.716, SCI San Michele (V. annexe 1)
Démembrement des titres sociaux - Répartition du droit de vote entre usufruitier et nu-propriétaire - Clarté de la rédaction des statuts - Un arrêt de la Cour de cassation rendu à propos d'une clause de répartition du droit de vote entre l'usufruitier et le nu-propriétaire de parts de société civile est l'occasion de rappeler aux rédacteurs de statuts de société que si la liberté est suffisamment grande pour opérer une répartition du droit de vote sur-mesure (sous réserve de préserver le droit de vote de l'usufruitier sur l'affectation des bénéfices), encore faut-il que la volonté des parties soit clairement exprimée.
Cass. com., 13 janv. 2021, n° 19-13.399 (V. annexe 1)
Société civile - Liquidation judiciaire - Poursuite de l'associé par un créancier social - La Cour de cassation précise les conditions dans lesquelles le créancier d'une société civile placée en liquidation judiciaire peut agir contre les associés de celle-ci : si une décision d'admission d'une créance au passif de la procédure collective d'une société civile peut être opposée, en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'y attache, à l'associé tenu des dettes de celle-ci, encore faut-il que cette admission résulte soit d'une ordonnance du juge-commissaire si la créance a été contestée, soit, si elle ne l'a pas été, de la signature par ce juge de la liste des créances déposée par le mandataire judiciaire ou le liquidateur contenant leurs propositions.
Cass. com., 17 févr. 2021, n° 19-19.598 (V. annexe 2)
Société civile immobilière - Objet social - Pouvoirs du gérant - La Cour de cassation juge que les statuts d'une SCI prévoyant comme objet de la société la « propriété » d'immeubles n'emportent pas pouvoir pour le gérant de procéder à la vente des immeubles inscrits à l'actif de la société sans l'accord des associés.
Cass. civ. 3e, 5 nov. 2020, n° 19-21.214, Sté Ty Broën c/ Sté Locabox Fouesnant GHM (V. annexe 1)
Droit d'usage et d'habitation - Mésentente avec le propriétaire - Abus de jouissance - Conversion en rente - La Cour de cassation juge que la mésentente entre le propriétaire et le titulaire d'un droit d'usage et d'habitation, qui se partagent la jouissance d'un immeuble, ne constitue pas un abus de jouissance et, à ce titre, ne permet pas au juge de convertir le droit d'u7sage et d'habitation en rente sur le fondement de l'article 618 du code civil.
Cass. civ. 1re, 4 nov. 2020, n° 19-15.444 (V. annexe 1)
Usufruit de somme d'argent - Quasi-usufruit - Prédécès du nu-propriétaire - Créance de restitution - La Cour de cassation juge que lorsque l'usufruit porte sur une somme d'argent, le prédécès de l'usufruitier emporte, au profit de ses ayants-cause universels, transmission d'une créance de restitution exigible au jour de l'extinction de l'usufruit.
Cass. civ. 1re, 4 nov. 2020, n° 19-14.421 (IP 1-2021, n° 5, § 38)
Société unipersonnelle en formation - Reprise des actes - Bail commercial - Clause de substitution - La Cour de cassation valide la reprise,par une société unipersonnelle, d'un contrat de bail commercial assorti d'une clause de substitution au profit de la société bien que les formalités de la reprise, tant automatique que volontaire, n'ont pas été accomplies.
Cass. com., 15 janv. 2020, n° 17-28.127 (V. annexe 1)
Société civile - Liquidation amiable - Statut du liquidateur - La Cour de cassation juge que le mandat du liquidateur d'une société civile n'est enfermé dans aucun délai et que l'action sociale ut singuli ne peut être engagée que contre les gérants.
Cass. civ. 3e, 5 déc. 2019, n° 18-26.102 (V. annexe 2)
Société - Prorogation tacite (C. civ., art. 1844-6, al. 4) - La loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés instaure un mécanisme de prorogation tacite applicable à tous types de société : en cas d'expiration de la société, la nouvelle procédure permet, dans l'année suivant la date d'expiration, de constater l'intention des associés de proroger la société.
L. n° 2019-744, 19 juill. 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, art. 4 : JO 20 juill. 2019, texte n° 1 (V. annexe 1)
Société civile - Vacance de la gérance - Remplacement du gérant empêché - La loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés facilite le remplacement du gérant empêché : désormais, le recours au juge ne s'imposera plus puisque chaque associé dispose du droit de réunir lui-même la collectivité des associés pour nommer le gérant.
L. n° 2019-744, 19 juill. 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, art. 5 : JO 20 juill. 2019, texte n° 1 (V. annexe 2)
Société civile - Fusion simplifiée - La loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés prévoit une procédure de fusion simplifiée de sociétés civiles : si la société absorbante détient au moins 90% des parts de la société absorbée, la fusion peut avoir lieu sans que les associés de l'absorbante soient consultés, à moins qu'un certain nombre d'entre eux, représentant au moins 5% du capital, n'en fasse la demande.
L. n° 2019-744, 19 juill. 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, art. 6 : JO 20 juill. 2019, texte n° 1 (V. annexe 3)
Sociétés civiles - Société à caractère familial - Rapport de gestion annuel - La Cour de cassation juge, par un arrêt devant être approuvé, que le caractère familial d'une société civile et l'absence de demande émanant des associés n'exonère pas le gérant de son obligation d'établir un rapport de gestion annuel.
Cass. com., 23 oct. 2019, n° 17-31.653 (V. annexe 4)
Société civile - Cessions de parts - Dématérialisation de la publicité - La loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés permet le dépôt par voie électronique de la cession des parts de sociétés civiles au greffe du tribunal de commerce.
L. n° 2019-744, 19 juill. 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, art. 7 : JO 20 juill. 2019, texte n° 1 (V. annexe 5)