Isabelle DAURIAC
Professeur à l’Université Paris Cité
Professeur à l’Université Paris Cité
Régime matrimonial - Avantages matrimoniaux - Faculté de prévoir le maintien lors du divorce - La loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille ajoute à l'alinéa 2 de l'article 265 du code civil : la volonté qu'un avantage matrimonial n'ayant pas sorti ses effets au temps du mariage soit maintenu au divorce peut être « exprimée dans la convention matrimoniale ».
L. n° 2024-494, 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, art. 3 : JO 1er juin 2024, texte n° 1 (V. annexe 1)
Régime matrimonial - Avantage matrimonial - Déchéance et récompense : deux sanctions civiles, pour des faits de violences entre époux - La loi du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille prévoit la déchéance tantôt de droit tantôt facultative du bénéfice des clauses de la convention de mariage qui ne produisent pas leurs effets au temps du mariage ; elle instaure également une récompense en faveur de l'époux victime auteur d'apports de biens propres en communauté (C. civ., art. 1399-1 à 1399-6 nouveaux).
L. n° 2024-494, 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, art. 1er et 2 : JO 1er juin 2024, texte n° 1 (V. annexe 1)
Publicité des mesures de protection juridique des majeurs - Registre national dématérialisé - Alors que le Premier ministre a été condamné par le Conseil d'État (CE, 27 sept. 2023, n° 471646) à prendre, dans un délai de 6 mois, le décret portant création du registre spécial des mandats de protection future que les praticiens attendent depuis près de 8 ans, la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie prévoit la création d'un nouveau registre national dématérialisé couvrant l'ensemble des mesures de protection juridique des majeurs. La publication du nouveau décret dont dépend l'entrée en vigueur du registre doit intervenir avant 2027.
L. n° 2024-317, 8 avr. 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie, art. 18 : JO 9 avr. 2024, texte n° 1 (texte et travaux préparatoires ; V. annexe 1)
Séparation du couple - Rupture du concubinage - Enrichissement injustifié et financement par un concubin des travaux réalisés sur le bien de l'autre - La Cour de cassation juge, à l'occasion de la rupture d'un concubinage où l'un des concubins avait financé et réalisé divers travaux sur un immeuble appartenant à l'autre concubin, que selon l'article 1303 du code civil l'indemnité due au titre de l'enrichissement injustifié est égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement, de sorte que manque de base légale l'arrêt d'appel qui n'a pas recherché, quel était, au jour de l'introduction de l'instance, le montant de la plus-value immobilière constitutive de l'enrichissement.
Cass. civ. 1re, 2 mai 2024, n° 22-16.707, F-D (V. annexe 3)
Tutelle - Action en nullité d'un acte à titre onéreux pour insanité d'esprit - Prescription de l'action initiée par l'héritier ayant exercé la tutelle - La Cour de cassation juge qu'il résulte des articles 489, 489-1 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, que l'action en nullité d'un acte à titre onéreux pour insanité d'esprit intentée par un héritier sur le fondement du deuxième de ces textes est celle qui existait dans le patrimoine du défunt sur le fondement du premier et doit être soumise à la même prescription, de sorte que le demandeur agissant en qualité d'héritier et non plus de tuteur ne pouvait se voir opposer l'écoulement du délai de prescription à compter du jugement de tutelle jusqu'au décès.
Cass. civ. 1re, 13 déc. 2023, n° 18-25.557, FS-B (V. annexe 1)
Tutelle - Représentation en justice - Nullité de l'assignation délivrée au nom du majeur sous tutelle - La Cour de cassation décide qu'il résulte de la combinaison des article 475 du code civil et 121 du code de procédure civile que l'irrégularité de fond affectant une assignation qui n'a pas été délivrée au tuteur de la personne protégée ne peut plus, postérieurement au décès de cette dernière, être couverte.
Cass. civ. 2e, 18 janv. 2024, n° 21-22.482, F-B (V. annexe 2)
Curatelle renforcée - Assistance - Spécialité du pouvoir de représentation en curatelle renforcée - La Cour de cassation juge qu'il résulte des articles 467 et 472 du code civil que le curateur a pour mission d'assister le majeur protégé et que ses pouvoirs de représentation dans la curatelle renforcée sont limités à la perception des revenus et au paiement des dépenses.
Cass. civ. 1re, 7 févr. 2024, n° 21-24.864, F-B (V. annexe 3)
#Mots-clés: Régime matrimonial
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
Pour que l’organisation patrimoniale du couple soit adaptée aux enjeux financiers et patrimoniaux de la vie à deux, aux trajectoires professionnelles et familiales qui s’y jouent, les époux peuvent solliciter l’expertise du notariat non seulement à l’entrée en mariage pour établir un contrat de mariage mais encore pour changer conventionnellement de régime matrimonial en cours d’union. Le font-ils suffisamment ? Évaluer le champ des possibles, alerter aussi les professionnels de la gestion de patrimoine sur les pièges à éviter s’impose quand mutations sociologiques, transformations des patrimoines, postures jurisprudentielles et réformes récentes ébranlent l’édifice du droit des régimes matrimoniaux. Les époux étant exposés au risque du divorce autant qu’à celui du veuvage, le recours aux conventions matrimoniales devrait prospérer ; cependant, l’établissement de ces conventions nécessite la maîtrise d’une technique toujours plus exigeante et une imagination à renouveler.
Un contexte riche en paradoxes - Le mariage est très fortement concurrencé par d’autres conjugalités le concubinage certes, et encore le PACS. Dans l’ordre patrimonial, ses atouts sont pourtant incontestés. Véritable assurance veuvage, promettant au survivant des époux une vocation successorale et une pension de réversion, il dote le couple d’une organisation des relations pécuniaires entre époux et à l’égard des tiers qui soit cohérente et nécessaire : le régime matrimonial.
Le vent de la réforme n’a pas soufflé sur le droit des régimes matrimoniaux depuis 1965 et 1985, si ce n’est pour libéraliser et déjudiciariser le changement du régime matrimonial en 2006 puis 2019. C’est admettre l’impuissance du régime légal de communauté réduite aux acquêts pour relever tous les défis patrimoniaux dans tous les mariages. C’est ouvrir comme elle ne l’avait jamais été la liberté des conventions matrimoniales pour que les époux se dotent de la convention de mariage qui leur convienne. Les facteurs propices à une contractualisation croissante du régime matrimonial sont là ; elle ne se traduit pourtant pas dans les faits.
La pratique des conventions de mariage progresse peu et la diversification des régimes conventionnels n’est pas au-rendez-vous. Quand les époux contractent, c’est le plus souvent pour choisir la séparation de biens. Ainsi grossissent-ils les rangs de ceux qui, en couple, n’ont d’horizon que la séparation des patrimoines. L’individualisation des patrimoines au sein des ménages est un phénomène croissant. En s’installant dans le mariage, elle renouvelle des problématiques de crédit, de répartition de ressources et de richesses acquises en couple. Quand le contrat de mariage se résout au recul de la mise en commun de l’enrichissement conjugal, des voies de transferts de valeurs au sein du couple s’assèchent, de nouveaux espaces favorisant la consolidation d’inégalités entre conjoints fleurissent, sans qu’une compensation suffisante soit forcément assurée au divorce. L’engouement très mesuré - trop peut-être ? - des époux pour les conventions de mariage est en soi un sujet de questionnement, d’autant qu’à la liquidation des intérêts patrimoniaux du couple des constantes stables sont relevées. Les bilans rétrospectifs de la vie en mariage confirment invariablement que, séparés de biens, les époux se sont associés par des comptes joints et acquisitions en indivision et que, communs en biens, ils se sont livrés à des réservations sur une partie de l’enrichissement conjugal au titre de sociétés, d’assurances vie et comptes bancaires personnels. Pour qu’en mariage, le couple n’avance pas seulement, au jour le jour, du pas chancelant de l’équilibriste, la convention de mariage est la feuille de route que les époux se fixent afin de prévoir et sécuriser une trajectoire patrimoniale adaptée.
Prévision et sécurité - Vivre en mariage, c’est faire « société conjugale » et la convention matrimoniale est le pacte social que les époux se donnent. Ce pacte est l’acte de prévision dont le couple attend la sécurité. Notaires et universitaires croisent ici leurs regards, partagent leur expertise pour dresser un décryptage complet précis et sans concessions des évolutions du droit et des pratiques en matière d’ingénierie des conventions matrimoniales, pour identifier les obstacles et explorer tout le champ des possibles.
D’abord, deux panoramas d’ensemble sont dressés car il faut pouvoir inscrire la liberté des conventions matrimoniales dans le temps présent avec un recul nécessaire sur l’ensemble des bouleversements réalisés depuis 1804 en matière matrimoniale et placer les aménagements conventionnels dont la créativité notariale a le secret, entre imagination et contraintes.
Quand la jurisprudence bouscule, voire trahit, les prévisions conventionnelles du couple, les difficultés sont affrontées. Deux auteurs déploient leur expertise pour retrouver des voies conventionnelles de domestication de la contribution aux charges du mariage ou de préservation des entreprises à l’heure du divorce.
Enfin, parce que découvrir les possibles implique aussi de sortir des sentiers balisés, des voies nouvelles d’ingénierie des conventions matrimoniales sont explorées dans des espaces jusque-là peu ou pas visités, qu’il s’agisse des engagements passifs ou de la mise en commun des avoirs conjugaux.
#Mots-clés: Régime matrimonial, contrat de mariage, convention matrimoniale, conjugalité, indivision, indivision d’acquêts, créance de participation, participation aux acquêts, pacte civil de solidarité, PACS
#Article du code civil: 515-5-1, 1387, 1569
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
Le contrat de mariage le plus fréquemment conclu par les époux est celui de la séparation de biens. Or, ce régime implique une renonciation des couples à conjugaliser certains acquêts. Ce choix est-il forcément voulu, ou s’exprime-t-il faute de mieux ? Si la question reste sans réponse, en revanche elle justifie que soient explorées les voies juridiques susceptibles d’ouvrir aux époux, et peut-être aussi aux partenaires de PACS, des solutions efficaces et sûres de mise en commun de certains enrichissements. Deux voies sont ici explorées, celle de l’indivision d’acquêts et celle de la créance de participation. La première ouvre des perspectives au moins aussi performantes que la société d’acquêts parfois proposée par le notariat (V. § 8). La seconde souffre dans le mariage d’une posture de la jurisprudence qui n'est sans doute pas justifiée (V. § 13).
Mandat de protection future notarié - Logement de la personne vulnérable - Pas de vente sans autorisation du juge - Interrogé par un parlementaire, le garde des Sceaux répond que bien qu'elle soit intéressante, il n'est toutefois à ce stade pas prévu de mettre en œuvre la proposition formulée par le Conseil supérieur du notariat dans son rapport « Lever les freins au développement du mandat de protection future » (octobre 2022) visant à permettre au mandataire agissant dans le cadre d'un mandat de protection future notarié de consentir valablement à la vente de la résidence principale ou secondaire du majeur protégé, sans l'autorisation du juge qu'exige l'article 426 du code civil.
RM Pradal, n° 5601 : JOAN 9 mai 2023, p. 4211 (V. annexe 1)
Concubinage - Intérêts patrimoniaux des concubins - Définition - Compétence du JAF pour la liquidation et le partage - La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu'aux termes de l'article L. 213-3-2° du code de l'organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales connaît de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des concubins et décide que ceux-ci s'entendent de tous leurs rapports pécuniaires y compris ceux nés de la rupture du concubinage. Dès lors, la demande d'indemnité formée par l'un des concubins au titre de l'occupation sans droit ni titre, depuis leur séparation, par l'autre d'un immeuble lui appartenant, qui est née de la rupture du concubinage, relève de la compétence du juge aux affaires familiales.
Cass. civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-25.044, FS-B+L (V. annexe 4)
Divorce - Indivision post-communautaire - Indemnité d'occupation d'un acquêt devenu indivis - Paiement à l'indivision post-communautaire - La Cour de cassation décide, au visa des articles 815-9, alinéa 2 et 815-10 du code civil, que l'indemnité d'occupation due par un indivisaire pour la jouissance privative d'un immeuble indivis doit revenir à l'indivision.
Cass. civ. 1re, 15 mars 2023, n° 21-12.183, F-D (V. annexe 6)
Divorce - Prestation compensatoire (C. civ., art. 270) - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Droit au respect des biens - Conformité - La première chambre civile de la Cour de cassation juge que l'article 270 du code civil, en ce qu'il prévoit la possibilité d'une condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire est de nature à porter atteinte au droit de celui-ci au respect de ses biens, au sens autonome de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH ; néanmoins ces dispositions ménagent un juste équilibre entre le but poursuivi et la protection des biens du débiteur sur lequel elles ne font pas peser, par elles-mêmes, une charge spéciale et exorbitante, de sorte que c'est sans violer l'article 1er précité que la condamnation au paiement de la prestation compensatoire intervient.
Cass. civ. 1re, 30 nov. 2022, n° 21-12.128, FS-B (V. annexe 3)
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
#Qualités: Membre du CEDAG
#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
#Qualités: Membre du CEDAG
La loi du 14 février 2022 pourrait être d’une mise en œuvre particulièrement délicate en présence d’un couple marié. L’automaticité de la séparation des patrimoines qui poursuivait un objectif de protection et de sécurité va s’avérer d’une complexité sans précédent en présence d’une communauté de biens, tant la combinaison des règles de passif de ce statut avec celle de la communauté n’a pas su retenir l’attention des pouvoirs publics (V. § 11). L’analyse de cette articulation révèle encore une asymétrie criante entre les catégories de créanciers, sans qu’elle ait été parfaitement explorée (V. § 15). Quant à la circulation du patrimoine professionnel, voulu comme une universalité de droit, elle pourrait révéler au contact du droit patrimonial de la famille des effets inattendus qui auraient sans doute mérité la réflexion (V. § 20).
Habilitation familiale - Actes interdits - Les actes interdits au tuteur le sont également à la personne habilitée - La Cour de cassation est d'avis que l'article 494-6 du code civil ne confère pas au juge le pouvoir de délivrer une habilitation familiale en représentation pour les actes visés à l'article 509 du code civil et, a fortiori, celui d'autoriser la personne habilitée en représentation à accomplir ces actes.
Cass. civ. 1re, avis, 20 oct. 2022, n° 22-70.011, D (V. annexe 1)
Majeurs protégés - Curatelle - Renforcement de la mesure de protection - Condition de recevabilité de la requête - Certificat médical circonstancié - La première chambre civile de la Cour de cassation décide, au visa des articles 431 et 442, alinéas 3 et 4 du code civil et des articles 1218 et 1228 du code de procédure civile, qu'une requête tendant au renforcement de la mesure de protection, faute d'être accompagnée d'un certificat médical circonstancié établi à cette fin, n'est pas recevable.
Cass. civ. 1re, 2 mars 2022, n° 20-19.767 (V. annexe 1)
Personne protégée - Habilitation familiale - Donation - Possibilité d'autoriser la donation en l'absence d'intention libérale caractérisée du donateur sous habilitation familiale - La première chambre civile de la Cour de cassation est d'avis que lorsqu'une personne protégée faisant l'objet d'une mesure d'habilitation familiale est hors d'état de manifester sa volonté, le juge des contentieux de la protection ne peut autoriser la personne habilitée à accomplir en représentation une donation qu'après s'être assuré, d'abord, au vu de l'ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu'aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d'y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité.
Cass. civ. 1re, avis, 15 déc. 2021, n° 21-70.022 (V. annexe 1)
Tutelle - Autorisation du juge des tutelles de modifier la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie - Notification de l'ordonnance - La Cour de cassation juge que faute d'avoir accepté le bénéfice du contrat d'assurance vie, le bénéficiaire dont la désignation a été révoquée n'a aucun droit acquis au capital du contrat. Dès lors, l'ordonnance du juge autorisant le tuteur à modifier la clause bénéficiaire n'a pas à lui être notifiée.
Cass. civ. 1re, 17 nov. 2021, n° 20-12.711 (V. annexe 1)
Polygamie - Pension de réversion - Répartition - Pluralité de conjoints survivants - La Cour de cassation décide que les droits des conjoints survivants à la pension de réversion ouverts du chef de l'assuré décédé doivent être déterminés en fonction de la durée totale des mariages, peu important que leurs durées se chevauchent. Elle opère le partage de ces droits à pension au prorata de la durée respective de chaque mariage.
Cass. civ. 2e, 21 oct. 2021, n° 20-17.462 (V. annexe 4)48
Divorce - Prestation compensatoire - Procédure collective - La chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle que le dessaisissement ne concernant que l'administration et la disposition des biens du débiteur en liquidation judiciaire, ce dernier a qualité pour intenter seul une action en divorce ou y défendre. Elle en tire toutes les conséquences : cette action attachée à sa personne inclut la fixation de la prestation compensatoire, y compris quand cette dernière consiste en l'abandon de la propriété d'un bien personnel du débiteur.
Cass. com., 20 oct. 2021, n° 20-10.710 (V. annexe 5)
Communauté - Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse versée à un époux - Acquêt de communauté par principe - La Cour de cassation juge qu'il résulte des articles 1401 et 1404, al. 1er du code civil que l'indemnité allouée à l'époux licencié sans cause réelle et sérieuse entre en communauté, à l'exception de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du créancier. Manque ainsi de base légale l'arrêt d'appel qui s'est déterminé, sans rechercher si l'indemnité en cause avait exclusivement pour objet de réparer un dommage affectant uniquement sa personne et non pas le préjudice résultant de la perte de son emploi.
Cass. civ. 1re, 23 juin 2021, n° 19-23.614 (V. annexe 1)
Communauté - Privilège du prêteur de deniers - Consentement du conjoint à l'emprunt - La Cour de cassation décide, au motif que l'article 1415 du code civil prévoit que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint, et bien que l'acte de prêt souscrit par un seul époux sous le régime de communauté ne soit pas inefficace, que la mise en œuvre du privilège de prêteur de deniers est subordonnée au consentement de son conjoint à l'emprunt.
Cass. civ. 1re, 5 mai 2021, n° 19-15.072 (V. annexe 3)
Divorce - Participation aux acquêts - Liquidation - Créance de participation - Avantage matrimonial - Révocation - Biens professionnels - Au visa de l'article 265 du code civil, la Cour de cassation confirme que les profits que l'un ou l'autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial et révoqués de plein droit par le divorce, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.
Cass. civ. 1re, 31 mars 2021, n° 19-25.903 (V. annexe 7)
Tutelle - Ordonnance du juge des tutelles - Révocation de l'ex-concubin d'un souscripteur d'assurance vie de sa qualité de bénéficiaire - Qualité de l'ex-concubin pour interjeter appel (non) - La Cour de cassation décide que l'impossibilité pour l'ex-concubin d'interjeter appel de l'ordonnance ne viole pas l'article 6, § 1 de la Convention EDH. En réservant le droit d'accès au juge à certaines catégories de personnes qui, en raison de leurs liens avec le majeur protégé, ont vocation à veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les dispositions combinées des articles 1239 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019 et de l'article 430 du code civil, poursuivent les buts légitimes de protection des majeurs vulnérables et d'efficacité des mesures. Elles ménagent un rapport raisonnable de proportionnalité entre la restriction du droit d'accès au juge et le but légitime visé, dès lors que les tiers à la mesure de protection disposent des voies de droit commun pour faire valoir leurs intérêts personnels.
Cass. civ. 1re, 27 janv. 2021, n° 19-22.508 (V. annexe 1)
Communauté de biens - Parts de SNC acquises avec des deniers communs - Revendication de la qualité d'associé par le conjoint - Absence de clause d'agrément dans les statuts - Exigence légale d'un accord unanime des associés - Un époux avait acquis des parts d'une société en nom collectif (SNC) en cours d'union au moyen de deniers communs. L'épouse revendiqua a posteriori la qualité d'associé de la SNC sur le fondement de l'article 1832-2 du code civil, mais celle-ci lui fut refusée par la société en application de l'article L. 221-13 du code de commerce qui soumet les cessions de parts de SNC à l'accord unanime des associés. La Cour de cassation juge que cette règle du code de commerce, bien que visant les cessions de parts sociales, est applicable à la revendication de la qualité d'associé par le conjoint, au sein d'une SNC dont les statuts ne contiennent pas de clause d'agrément.
Cass. com., 18 nov. 2020, n° 18-21.797 (V. annexe 2)
Divorce - Sort des avantages matrimoniaux - Disposition transitoire (art. 33, I et II de la loi du 26 mai 2004) - Conformité à la Constitution - Le Conseil constitutionnel décide que la disposition transitoire du I de l'article 33 de la loi du 26 mai 2004, qui renvoie au quatrième alinéa de l'article 16 de la même loi instaurant les nouvelles règles relatives à la révocation des avantages matrimoniaux, est conforme à la Constitution.
CC, 29 janv. 2021, n° 2020-880 QPC, Pascal J. (V. annexe 6)
Divorce - Prestation compensatoire - Révision judiciaire sous forme de rente viagère - Disposition transitoire (art. 33, IV de la loi du 26 mai 2004) - Conformité à la Constitution - Le Conseil constitutionnel décide que le premier alinéa du IV de l'article 33 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-177 du 1er février 2015 ne méconnaît ni la garantie des droits ni le principe d'égalité devant la loi.
CC, 15 janv. 2021, n° 2020-871 QPC, Vered K. (V. annexe 8)
Communauté - Acquêt de communauté - Confiscation pénale - Droit à récompense - La Cour de cassation juge que la confiscation d'un bien commun prononcée en répression d'une infraction commise par l'un des époux ne peut qu'emporter sa dévolution pour le tout à l'État, sans qu'il demeure grevé des droits de l'époux non condamné pénalement, y compris lorsque ce dernier est de bonne foi. Cette dévolution ne méconnaît pas les droits de l'époux non condamné pénalement, dès lors que la confiscation, qui constitue une pénalité évaluable en argent est susceptible de faire naître un droit à récompense pour la communauté lors de sa dissolution.
Cass. crim., 9 sept. 2020, n° 18-84 619 (V. annexe 1)
Divorce - Sort des avantages matrimoniaux - Disposition transitoire (art. 33, I et II de la loi du 26 mai 2004) - Renvoi d'une QPC - La Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel la QPC formulée à l'encontre de l'article 33, I et II de la loi du 26 mai 2004 au motif qu'elle présente un caractère sérieux en ce qu'en modifiant les conséquences du divorce sur les avantages matrimoniaux consentis avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, les dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, pourraient être de nature à remettre en cause des effets qui pouvaient légitimement être attendus de situations nées sous l'empire des textes antérieurs et porter atteinte à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Cass. civ. 1re, 5 nov. 2020, n° 20-11.032 (V. annexe 5)
Divorce - Prestation compensatoire - Révision judiciaire sous forme de rente viagère - Disposition transitoire (article 33, IV de la loi du 26 mai 2004) - Renvoi d'une QPC - La Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel une QPC formulée à l'encontre de l'article 33, IV de la loi du 26 mai 2004. Son caractère sérieux tient à ce qu'en prévoyant que les prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 peuvent être révisées, suspendues ou supprimées non seulement en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties mais aussi lorsque la situation où le maintien de la prestation procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du code civil, tandis, d'une part, qu'une telle faculté de suppression n'était pas ouverte au jour où la prestation a été fixée, d'autre part, que celles fixées après l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 ne peuvent l'être qu'en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, l'article 33-VI de la loi du 26 mai 2004 pourrait être de nature à méconnaître les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Cass. civ. 1re, 15 oct. 2020, n° 20-14.584 (V. annexe 6)
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
#Qualités: Professeur à l’Université de Paris
#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
#Qualités: Professeur à l’Université de Paris
Depuis 2013, la Cour de cassation propose une définition étendue des charges du mariage (V. § 1). Remettant en cause la prévision initiale des époux, en particulier ceux mariés sous le régime de la séparation de biens, cette nouvelle interprétation de l’article 214 du code civil prend les traits d’un rééquilibrage pour tempérer les effets excessifs du régime à l’heure du divorce (V. § 2). Derrière cette apparence se cachent néanmoins de véritables difficultés : quel est le champ d’application de cette jurisprudence ? Comment s’articule-t-elle avec la prestation compensatoire ? N’est-elle pas une atteinte disproportionné à la liberté des conventions matrimoniales ? (V. § 9). On en vient finalement à redouter les précarités qu’elle entraine tant pour les époux que pour les notaires (V. § 10).
#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
#Qualités: Professeur à l’Université de Paris
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
#Qualités: Professeur à l’Université de Paris
Une législation du divorce renouvelée et un droit des régimes matrimoniaux étonnamment stable… Le contraste peut saisir et conduire à quelques interrogations sur les articulations entre ces deux branches du droit patrimonial de la famille.
Au travers de quelques questions choisies, tant civiles que fiscales ou internationales, les auteurs de ce dossier ont tenté de cibler certaines difficultés de coordination contemporaines de ces deux disciplines. Les constats sont de nature variée.
Un droit civil qui évolue via des jurisprudences dont l’analyse révèlent qu’elles s’intègrent mal dans l’édifice législatif et risquent de mettre en péril un pilier du droit de régimes matrimoniaux.
Un droit fiscal qui n’appréhende que bien imparfaitement la réalité sociologique du divorce.
Un droit international privé qui ouvre des perspectives en termes de stratégie patrimoniale que le droit interne français ignore.
Une ingénierie des contrats de mariage de plus en plus sollicitée et délicate à mettre en œuvre.
Ces thèmes aujourd’hui rassemblés invitent à une réflexion sur toutes les articulations qui les innervent.
Curatelle - Assurance vie - Modification de bénéficiaire, opérée avec l'assistance du curateur - Nullité pour insanité d'esprit - La Cour de cassation réaffirme que « le respect des dispositions relatives à la régularité des actes accomplis par une personne placée sous le régime de la curatelle ne fait pas obstacle à l'action en nullité pour insanité d'esprit », initiée, après le décès du majeur sous curatelle, par sa veuve, à l'encontre d'un avenant modificatif de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie.
Cass. civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-26.683 (V. annexe 1)
Communauté - Donation de deniers communs - Cogestion - Libre disposition des gains et salaires - La Cour de cassation rappelle que selon l'article 1422 du code civil, les époux ne peuvent l'un sans l'autre donner un bien commun à peine de nullité. L'action en nullité, réservée par l'article 1427 du code civil à l'époux qui n'a, d'aucune manière, consenti à la donation, est une action patrimoniale transmise à cause de mort à ses ayants causes universels. Sur la demande de ses héritiers le don fait à la Ligue contre le cancer devait être annulé sans que, faute d'offre de preuve, la cour d'appel n'ait eu à s'expliquer sur l'allégation de libre disposition des revenus de son industrie (1re espèce). La Cour affirme par ailleurs que ne sont pas valables les libéralités consenties par un époux commun en biens au moyen de sommes provenant de ses gains et salaires, lorsque celles-ci ont été économisées (2e espèce).
Cass. civ. 1re, 6 nov. 2019, n° 18-23.913 (1re espèce ; V. annexe 1)
Divorce - Liquidation de la communauté conventionnelle - Récompense - Bien personnel apporté par contrat de mariage - La Cour de cassation juge qu'à défaut de mouvement de valeur entre la masse propre de l'époux et la masse commune, l'apport par contrat de mariage d'un bien personnel à la communauté ne donne pas lieu à récompense.
Cass. civ. 1re, 3 oct. 2019, n° 18-20.430 (V. annexe 4)
Tutelle - Mandat social - La loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés simplifie la révocation du gérant de SARL placé sous tutelle et déclare le mandataire social d'une SA sous tutelle démissionnaire d'office. S'agit-il d'un premier pas vers une incompatibilité entre l'exercice d'un mandat social et une mesure de tutelle ?
L. n° 2019-744, 19 juill. 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, art. 11 et 13 : JO 20 juill. 2019, texte n° 1 (V. annexe 2)
Mandat de protection future - Révocation - Défaut de rigueur et de diligence dans la gestion de patrimoine - La Cour de cassation juge que, pour avoir « souverainement estimé que le mandataire avait fait preuve d'un manque de rigueur et de diligence dans la gestion de patrimoine de la mandante, ce qui avait eu des conséquences financières, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de révoquer le mandat de protection future dont la mise en œuvre est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ».
Cass. civ. 1re, 13 juin 2019, n° 18-19.079 (V. annexe 3)
Majeur protégé - Actes antérieurs à la protection - Nullité pour insanité d'esprit - Restitution - La Cour de cassation juge, sous l'empire du droit antérieur à la réforme du droit des obligations de 2016, qu'en cas d'annulation d'un contrat pour insanité d'esprit, le majeur devenu protégé doit restituer les sommes qu'il a perçues.
Cass. civ. 3e, 4 avr. 2019, n° 17-26.783 (V. annexe 2)
Mandat de protection future - Primauté - La loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice adapte la rédaction des articles 428 et 483 du code civil pour consacrer la primauté du mandat de protection future mis en place par une personne sur les régimes judiciaires de protection des incapables majeurs.
L. n° 2019-222, du 23 mai 2019 de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, art. 29 : JO 24 mars 2019 (V. annexe 3)
Mandat de protection future - Révocation - La Cour de cassation juge que la révocation du mandat de protection future peut être prononcée par le juge des tutelles lorsque son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant et que le juge qui met fin au mandat peut ouvrir une mesure de protection juridique.
Cass. civ. 1re, 17 avr. 2019, n° 18-14.250 (V. annexe 4)
Habilitation familiale - Assouplissement du régime - La loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice assouplit le régime de l'habilitation familiale en étendant notamment les pouvoirs conférés à la personne habilitée aux mesures d'assistance et en créant des passerelles avec les mesures de protection judiciaire.
L. n° 2019-222, 23 mars 2019 de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, art. 29 : JO 24 mars 2019 (V. annexe 5)
Tutelle - Actes passés au nom du majeur protégé - Contrôle du juge des tutelles - La loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice étend la liste des actes qu'un tuteur peut réaliser sans autorisation préalable du juge des tutelles. Parmi ces actes se trouvent notamment l'ouverture et la modification des comptes bancaires au nom du majeur dans sa banque habituelle et les clôtures de comptes ouverts pendant la mesure.
L. n° 2019-222, 23 mai 2019 de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, art. 9 : JO 24 mars 2019 (V. annexe 6)
Curatelle - Compte bancaire - La Cour de cassation est d'avis que le curateur ne peut concourir, en assistant la personne protégée, à l'ouverture, la clôture ou la modification d'un compte bancaire sans l'autorisation du juge des tutelles.
Cass., avis, 6 déc. 2018, n° 18-70.012 (V. annexe 1)
Curatelle - Capacité commerciale - Assistance - La Cour de cassation est d'avis qu'aucun texte n'interdit à une personne en curatelle d'exercer le commerce, sous réserve d'être assistée de son curateur pour accomplir les actes de disposition que requiert son activité. Aucun texte n'interdit donc à une personne en curatelle d'exercer une activité d'« apporteur d'affaires en agence immobilière » sous le régime de la micro-entreprise.
Cass., avis, 6 déc. 2018, n° 18-70.011 (V. annexe 2)
Avantage matrimonial - Retranchement - La Cour de cassation confirme le retranchement en valeur de l'avantage matrimonial excessif, et non en nature : ainsi, l'époux avantagé par la convention de mariage ne connaît pas l'indivision.
Cass. civ. 1re, 19 déc. 2018, n° 18-10.244 (V. annexe 5)