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Marie-Gabrielle MERLOZ
Maître des requêtes au Conseil d'État
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Maître des requêtes au Conseil d'État
#Mots-clés: EURL, Entreprise individuelle à responsabilité limitée, Double interposition, société de personnes, Activité de nature civile, Revenus fonciers, Imposition des revenus résultant de la participation dans une SNC
#Article du CGI/LPF: 155, 238 bis K
L’affaire porte sur l’articulation des articles 238 bis K et 155 du CGI.
Les requérants sont respectivement gérant et unique associé d’entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) relevant chacune du régime d’imposition de l’article 8 du CGI et exerçant une activité de location en meublé à usage d’habitation imposable en tant qu’activité commerciale selon le régime réel normal. Elles détiennent à parts égales une société en nom collectif également soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et déclarant la même activité. À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a requalifié, en revenus fonciers, une partie des revenus locatifs déclarés comme des BIC par la SNC provenant d’une activité de location immobilière de locaux nus et a, en conséquence, notifié aux deux EURL des rehaussements de résultats en proportion des droits qu’elles détenaient dans la SNC, entrainant des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales pour les associés de ces deux EURL. Elle a estimé que si les résultats des EURL étaient imposables dans la catégorie des BIC à raison de leur propre activité de location meublée, les revenus résultant de leur participation dans la SNC devaient en revanche être imposés en tenant compte de la nature de l’activité exercée par cette dernière, soit, selon les locations, suivant les règles applicables en matière de revenus fonciers ou de bénéfices industriels et commerciaux.
Le TA de Grenoble puis la CAA de Lyon ont confirmé ces rehaussements.
Devant la cour, les associés des EURL avaient invoqué le moyen tiré de ce que les bénéfices résultant de la détention de parts de la SNC devaient, par application du I de l’article 238 bis K du CGI, être déterminés selon les règles applicables aux BIC, y compris s’agissant de la quote-part des revenus tirés par la SNC de son activité de location nue. Pour écarter ce moyen, la CAA de Lyon s’est fondée sur ce que, dès lors que ces revenus provenaient de biens ne pouvant être regardés comme affectés à l’activité commerciale exercée par ailleurs par la SNC, il y avait lieu d’appliquer à la part de bénéfice correspondante, tirée par les EURL de leurs droits dans cette société, le II de l’article 238 bis K du CGI.
Le Conseil d’État rejette les pourvois formés par les requérants, conformément aux conclusions du rapporteur public.
Le Conseil d’État juge que lorsqu’une société de personnes n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés et ayant une activité dont les revenus relèvent de la catégorie des BIC, détient des parts, inscrites à son bilan, d’une autre société de personnes, le bénéfice net, mentionné à l’article 38 du CGI, de la société détentrice ne comprend pas, en application des II et III de l’article 155 du même code, la fraction de sa quote-part du résultat de la société détenue correspondant à une activité de celle-ci distincte de l’activité exercée à titre professionnel par la société détentrice, sauf à ce que les produits correspondant à cette fraction de quote-part ne présentent pour la société détentrice qu’un caractère marginal tel que défini par le 3 du II de l’article 155.
Les revenus constitués par cette fraction de quote-part sont taxables, entre les mains des associés de la société détentrice, lorsque ces derniers relèvent du II de l’article 238 bis K du même code ou, s’ils relèvent du I de ce même article, lorsque les conditions d’application des II et III de l’article 155 du CGI sont réunies pour ce qui les concerne, dans la catégorie de revenus correspondant à l’activité dont ils sont issus.
Le Conseil d’État considère que la cour a commis une erreur de droit ; les modalités de détermination du résultat de la société détenue étant sans incidence sur l’applicabilité de l’article 238 bis K, et le I de cet article étant en l’espèce applicable dès lors que la part de bénéfice provenait pour ces EURL, entreprises commerciales imposables à l’impôt sur le revenu selon un régime de bénéfice réel, des droits, inscrits à leur actif, qu’elles détenaient dans une société de personnes.
Toutefois, le Conseil d’État relève que, pour les deux EURL, qui exerçaient une activité commerciale, ceux de leurs revenus correspondant à la location nue d’un immeuble de logements par la SNC ne provenaient pas d’une activité correspondant à l’activité qu’elles exerçaient à titre professionnel, et que les produits de cette location nue ne présentaient pas, pour ces sociétés, un caractère marginal. Il résulte qu’ils devaient donc être regardés, pour ces deux EURL, en application des dispositions combinées du II et du III de l’article 155 et du I de l’article 238 bis K du CGI, comme des revenus fonciers, et qu’ils devaient par suite être imposés comme tels entre les mains des requérants, qui en étaient les associés patrimoniaux.
Le Conseil d’État juge qu’il y a lieu de substituer ce motif, qui repose sur des faits non contestés, au motif erroné en droit retenu par l’arrêt attaqué.
Annexe 4 : CE, 3e et 8e ch., 30 avr. 2024, n° 454502, Treguer, concl. M.-G. Merloz : Lebon T.
Annexe 2 : CE, 3e et 8e ch., 20 mars 2023, n° 452718, Walch, concl. M.-G. Merloz
Annexe 11 :CE, 3e et 8e ch., 14 oct. 2022, n° 444458, Seguillon, concl. M.-G. Merloz : Lebon T.
Annexe 2 : CE, 3e et 8e ch., 11 févr. 2022, n° 442061 et 442062, Carrozza, concl. M.-G. Merloz
Annexe 3 :CE, 3e et 8e ch., 12 mai 2022, n° 444994, Librati , concl . M.-G. Merloz
Annexe 5 : CE, 3e et 8e ch., 14 avr. 2022, n° 436589 et 436590, Derouard, concl. M.-G. Merloz
Annexe 1 : CE, ass., 28 oct. 2020, n° 428048, Charbit, concl. M.-G. Merloz
Annexe 1 : CE, 9e et 10e ch., 18 mars 2019, n° 411640, 411643, 411644, 411645, 411724, Min. c/ Journo et a., concl. M.-G. Merloz
Annexe 2 : CE, 9e et 10e ch., 8 févr. 2019, n° 407641, Ruggieri, concl. M.-G. Merloz