
Marie-Gabrielle MERLOZ
Maître des requêtes au Conseil d'État

Maître des requêtes au Conseil d'État
#Mots-clés: Monument historique, Impôt sur le revenu, Revenus fonciers, Immeubles historiques, Charges, Déficit foncier, Déduction, revenu global, Travaux de rénovation
#Article du CGI/LPF: 15, 28, 31, 156, L. 80 A
Cette affaire pose la question de la portée de la réponse ministérielle n° 44314 à M. Klifa, député, publiée au Journal officiel des débats du 17 mars 1997.
L’administration a remis en cause la déductibilité des dépenses correspondant à des travaux d’aménagement intérieur réalisés par les propriétaires occupants d’un manoir partiellement inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques - pour les façades et toitures, la cheminée de la salle de l’aile est, le colombier et les communs et pour partie ouvert à la visite payante - portant sur une partie non inscrite et utilisée à titre privatif, qu’ils avaient imputés à hauteur de 75 % sur leurs revenus fonciers et de 25 % sur leur revenu global.
Le Conseil d’État, suivant les conclusions du rapporteur public, rejette le pourvoi formé par les propriétaires contre l’arrêt de la CAA de Versailles confirmant la position de l’administration.
Le Conseil d’État précise que, dans la réponse ministérielle n° 44314 à M. Klifa, du 17 mars 1997, le ministre délégué au budget a admis que les règles selon lesquelles les déficits fonciers correspondant aux immeubles classés ou inscrits sont imputables sans limitation de montant sur le revenu global s’appliquent lorsque le classement ou l’inscription à l’inventaire supplémentaire ne concerne pas la totalité de l’immeuble, à condition toutefois que ce classement ou cette inscription ne soit pas limité à des éléments isolés ou dissociables de l’ensemble immobilier, mais vise la protection de l’ensemble architectural. À défaut, seuls les travaux qui sont exposés sur les éléments classés ou inscrits à l'inventaire supplémentaire ou qui sont destinés à en assurer la conservation peuvent participer, pour leur montant total, à la constitution d'un déficit imputable sur le revenu global sans limitation de montant.
Après avoir relevé que les parties intérieures de l’immeuble sur lesquelles ont porté les travaux litigieux n’étaient ni classées ni inscrites et qu’elles étaient réservées à la seule jouissance des requérants, le Conseil d’État juge que les propriétaires ne pouvaient utilement invoquer la réponse ministérielle Klifa, quand bien même l’inscription des façades et toitures du manoir à l’inventaire supplémentaires des monuments historiques viserait à la protection de l’ensemble de l’immeuble.
#Mots-clés: EURL, Entreprise individuelle à responsabilité limitée, Double interposition, société de personnes, Activité de nature civile, Revenus fonciers, Imposition des revenus résultant de la participation dans une SNC
#Article du CGI/LPF: 155, 238 bis K
L’affaire porte sur l’articulation des articles 238 bis K et 155 du CGI.
Les requérants sont respectivement gérant et unique associé d’entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) relevant chacune du régime d’imposition de l’article 8 du CGI et exerçant une activité de location en meublé à usage d’habitation imposable en tant qu’activité commerciale selon le régime réel normal. Elles détiennent à parts égales une société en nom collectif également soumise au régime fiscal des sociétés de personnes et déclarant la même activité. À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a requalifié, en revenus fonciers, une partie des revenus locatifs déclarés comme des BIC par la SNC provenant d’une activité de location immobilière de locaux nus et a, en conséquence, notifié aux deux EURL des rehaussements de résultats en proportion des droits qu’elles détenaient dans la SNC, entrainant des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales pour les associés de ces deux EURL. Elle a estimé que si les résultats des EURL étaient imposables dans la catégorie des BIC à raison de leur propre activité de location meublée, les revenus résultant de leur participation dans la SNC devaient en revanche être imposés en tenant compte de la nature de l’activité exercée par cette dernière, soit, selon les locations, suivant les règles applicables en matière de revenus fonciers ou de bénéfices industriels et commerciaux.
Le TA de Grenoble puis la CAA de Lyon ont confirmé ces rehaussements.
Devant la cour, les associés des EURL avaient invoqué le moyen tiré de ce que les bénéfices résultant de la détention de parts de la SNC devaient, par application du I de l’article 238 bis K du CGI, être déterminés selon les règles applicables aux BIC, y compris s’agissant de la quote-part des revenus tirés par la SNC de son activité de location nue. Pour écarter ce moyen, la CAA de Lyon s’est fondée sur ce que, dès lors que ces revenus provenaient de biens ne pouvant être regardés comme affectés à l’activité commerciale exercée par ailleurs par la SNC, il y avait lieu d’appliquer à la part de bénéfice correspondante, tirée par les EURL de leurs droits dans cette société, le II de l’article 238 bis K du CGI.
Le Conseil d’État rejette les pourvois formés par les requérants, conformément aux conclusions du rapporteur public.
Le Conseil d’État juge que lorsqu’une société de personnes n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés et ayant une activité dont les revenus relèvent de la catégorie des BIC, détient des parts, inscrites à son bilan, d’une autre société de personnes, le bénéfice net, mentionné à l’article 38 du CGI, de la société détentrice ne comprend pas, en application des II et III de l’article 155 du même code, la fraction de sa quote-part du résultat de la société détenue correspondant à une activité de celle-ci distincte de l’activité exercée à titre professionnel par la société détentrice, sauf à ce que les produits correspondant à cette fraction de quote-part ne présentent pour la société détentrice qu’un caractère marginal tel que défini par le 3 du II de l’article 155.
Les revenus constitués par cette fraction de quote-part sont taxables, entre les mains des associés de la société détentrice, lorsque ces derniers relèvent du II de l’article 238 bis K du même code ou, s’ils relèvent du I de ce même article, lorsque les conditions d’application des II et III de l’article 155 du CGI sont réunies pour ce qui les concerne, dans la catégorie de revenus correspondant à l’activité dont ils sont issus.
Le Conseil d’État considère que la cour a commis une erreur de droit ; les modalités de détermination du résultat de la société détenue étant sans incidence sur l’applicabilité de l’article 238 bis K, et le I de cet article étant en l’espèce applicable dès lors que la part de bénéfice provenait pour ces EURL, entreprises commerciales imposables à l’impôt sur le revenu selon un régime de bénéfice réel, des droits, inscrits à leur actif, qu’elles détenaient dans une société de personnes.
Toutefois, le Conseil d’État relève que, pour les deux EURL, qui exerçaient une activité commerciale, ceux de leurs revenus correspondant à la location nue d’un immeuble de logements par la SNC ne provenaient pas d’une activité correspondant à l’activité qu’elles exerçaient à titre professionnel, et que les produits de cette location nue ne présentaient pas, pour ces sociétés, un caractère marginal. Il résulte qu’ils devaient donc être regardés, pour ces deux EURL, en application des dispositions combinées du II et du III de l’article 155 et du I de l’article 238 bis K du CGI, comme des revenus fonciers, et qu’ils devaient par suite être imposés comme tels entre les mains des requérants, qui en étaient les associés patrimoniaux.
Le Conseil d’État juge qu’il y a lieu de substituer ce motif, qui repose sur des faits non contestés, au motif erroné en droit retenu par l’arrêt attaqué.
Annexe 4 : CE, 3e et 8e ch., 30 avr. 2024, n° 454502, Treguer, concl. M.-G. Merloz : Lebon T.
Annexe 2 : CE, 3e et 8e ch., 20 mars 2023, n° 452718, Walch, concl. M.-G. Merloz
Annexe 11 :CE, 3e et 8e ch., 14 oct. 2022, n° 444458, Seguillon, concl. M.-G. Merloz : Lebon T.
Annexe 2 : CE, 3e et 8e ch., 11 févr. 2022, n° 442061 et 442062, Carrozza, concl. M.-G. Merloz
Annexe 3 :CE, 3e et 8e ch., 12 mai 2022, n° 444994, Librati , concl . M.-G. Merloz
Annexe 5 : CE, 3e et 8e ch., 14 avr. 2022, n° 436589 et 436590, Derouard, concl. M.-G. Merloz
Annexe 1 : CE, ass., 28 oct. 2020, n° 428048, Charbit, concl. M.-G. Merloz
Annexe 1 : CE, 9e et 10e ch., 18 mars 2019, n° 411640, 411643, 411644, 411645, 411724, Min. c/ Journo et a., concl. M.-G. Merloz
Annexe 2 : CE, 9e et 10e ch., 8 févr. 2019, n° 407641, Ruggieri, concl. M.-G. Merloz