#Mots-clés: Abus de droit, Interposition, sociétés luxembourgeoises, salaires, salariés, dividendes, Montage artificiel, réduction des charges sociales
#Article du CGI/LPF: L. 64
#Convention fiscale:
#Pays:
La présente affaire porte sur la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit à raison de l’interposition de sociétés luxembourgeoises et françaises en vue de la perception de dividendes en lieu et place d’une rémunération.
Le montage avec interposition de filiales luxembourgeoises et françaises ainsi que de structures patrimoniales mis en place en l’espèce est assez complexe.
Les bénéficiaires du montage sont deux dirigeants et un salarié d’une société fondée en 1989, CGSA, ayant pour activité la gestion de fonds d’investissement commercialisés en France et à l’international. Cette société détenait, d’une part, 99,9 % du capital d’une société luxembourgeoise, CGL, créée en 1998 et ayant pour activité l’organisation du réseau de distributeurs tiers des fonds à l’étranger et, d’autre part, 53 % du capital d’une société française, CDIF, créée en décembre 2009 et détenant la totalité des parts des sociétés luxembourgeoises CDIL, créée en décembre 2009, et CIL créée en décembre 2010.
Au titre des années d’imposition en litige, la société française CGSA a rémunéré la société luxembourgeoise CGL au titre de son activité d’organisation du réseau de distribution des fonds. Celle-ci a versé des honoraires aux sociétés luxembourgeoises CDIL puis CIL, à raison de la réalisation d’une prestation de promotion commerciale à l’international de ces fonds qu’elle leur avait confiée, qui ont ensuite été presque intégralement reversés, sous forme de dividendes, à leur actionnaire unique, la société française CDIF, le tout en quasi-franchise d’impôt sur les sociétés, compte tenu de l’application du régime mère-fille. Les sommes ainsi attribuées à la société CDIF ont alors été reversées à ses associés - qui étaient aussi les principaux mandataires et salariés de la société CGSA - sous forme de dividendes, soit directement, soit à une holding patrimoniale.
L’administration fiscale a considéré que ce montage avait été mis en place pour dissimuler, sous la forme de dividendes, le versement de salaires aux dirigeants de la société de gestion des fonds d’investissement et était constitutif d’un abus de droit. Elle a donc imposé les sommes en cause directement entre les mains des intéressés dans la catégorie des traitements et salaires.
La CAA a jugé que l’interposition de l’ensemble des sociétés et de holdings patrimoniales personnelles était constitutive d’un montage artificiel et que l’activité de promotion à l’international des fonds se rattachait, en réalité, aux fonctions salariées exercées ou aux mandats sociaux détenus par les requérants au sein de la société CGSA.
Le Conseil d’État confirme la décision de la CAA et rejette les trois pourvois, conformément aux conclusions du rapporteur public.
Sur l’interposition artificielle des sociétés luxembourgeoises et françaises - Dans un premier temps, le Conseil d’État considère que la cour n’a pas inexactement qualifié les faits en retenant l’existence d’un montage artificiel. Il relève que :
- la société luxembourgeoise CGL n’exerçait pas l’activité de promotion commerciale à l’international des fonds distincte de celle d’organisation du réseau de distribution pour laquelle elle était effectivement rémunérée par la société française CGSA ;
- les sociétés luxembourgeoises CDIL et CIL n’étaient pas en mesure d’exercer la prestation de promotion commerciale confiée par la société CGL eu égard à leurs moyens matériels et humains ;
- ces mêmes sociétés ont perçu de la société CGL en 2009 et en 2010, au titre de cette activité, une rémunération hors de proportion eu égard à leurs dates de création respectives et ;
- la répartition des dividendes, par la société CDIF, dont la seule source de profit était constituée des distributions de ses filiales luxembourgeoises, n’était pas fonction du pourcentage de détention capitalistique des bénéficiaires mais était décidée par un comité des résultats, constitué par deux des requérants, en fonction de certains critères, dont l’activité de promotion commerciale à l’international des fonds.
Le Conseil d’État juge, compte tenu de ces éléments, que l’interposition des sociétés luxembourgeoises, de la société française et des structures patrimoniales présentait un caractère artificiel ayant permis à la société française CGSA de rémunérer ses dirigeants et salariés, non pas sous la forme de traitements et salaires, mais de dividendes. Il ajoute que la CAA qui n’a remis en cause ni la substance économique des structures interposées, ni la réalité des flux financiers entre les différentes entités impliquées, n’a pas dénaturé les pièces du dossier.
Sur le but exclusivement fiscal du montage artificiel - Le Conseil d’État considère dans un second temps que c’est à bon droit que la cour a jugé que la condition subjective de la fraude à la loi était caractérisée en l’espèce.
Le Conseil d’État mentionne que la cour, en relevant que l’objectif poursuivi par chacun des requérants était de bénéficier d’une économie d’impôt en appréhendant des revenus de nature salariale sous l’apparence de dividendes bénéficiant d’un régime d’imposition plus favorable par l’application soit, du régime mère-fille, soit du prélèvement forfaitaire libératoire (CGI, art. 117 quater) soit d’une exonération prévue par le droit luxembourgeois, a caractérisé le but exclusivement fiscal du montage artificiel en litige et, par suite, n’a pas commis d’erreur de droit.
Il précise que les requérants ne sauraient soutenir que ce montage permettait également de réduire en tout ou partie les charges sociales afférentes à ces revenus salariaux pour remettre en cause l’absence de motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales au sens et pour l’application de l’article L. 64 du LPF.
Dans ces conditions, le Conseil d’État juge que l’interposition de sociétés luxembourgeoises et française ainsi que de holdings patrimoniales était constitutive d’un abus de droit procédant d’un montage artificiel ayant pour motif exclusif d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale que les requérants auraient, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, normalement supportée eu égard à ses activités réelles.