#Auteur: Estelle¤ FOHRER-DEDEURWAERDER
#Qualités: Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles, Université Toulouse Capitole
En droit international privé, la loi de la source du droit réel se distingue de celle qui s’applique au bien qui en est l’objet (V. § 2). Le démembrement de propriété est ainsi susceptible d’être soumis à deux lois distinctes : celle à l’origine de sa création ou de sa transmission et celle qui s’applique à ses effets (V. § 3). Pour faire ce constat, il faut cependant identifier la règle de conflit qui permettra de désigner la loi applicable aux effets du droit réel. La doctrine préconise de se départir de la qualification de droit international privé lege fori (i.e. selon la loi du juge saisi) pour privilégier la qualification lege rei sitae (i.e. du lieu de situation du bien) en présence d’un bien corporel (V. § 8). Cette qualification lege rei sitae permettrait d’appliquer la règle de conflit française en fonction de la qualification étrangère du droit réel. Mais la proposition n’est à ce jour pas retenue en jurisprudence (V. § 9). C’est donc selon les conceptions françaises que doit être activée la règle de conflit, en ce comprises les qualifications européennes, même si la nature du droit réel est exclue du champ d’application des textes européens (V. § 12). Ainsi, pour le statut réel, la loi du lieu de situation du bien corporel s’applique conformément à l’article 3, alinéa 2 du code civil (V. § 13 à 16). S’agissant des biens incorporels s’applique la loi qui a présidé à sa création, telle la lex societatis (i.e. la loi du siège de la société) quand le démembrement porte sur la propriété de parts sociales (V. § 17).
Par suite, chaque fois que la loi de la source du démembrement de propriété et la loi qui s’applique au bien ne se confondent pas, leur conciliation s’impose afin de faire vivre le droit réel démembré là où il est allégué (V. § 18). À cette fin, le règlement successions (qui ne permet pas à un État membre de refuser au titulaire d’un droit réel de s’en prévaloir au prétexte d’un numerus clausus) a mis en place un mécanisme d’adaptation qui n’a vocation à jouer que si l’État membre dans lequel le droit est allégué n’en connaît pas de semblable (dans le cas contraire, il suffit de substituer celui connu à celui allégué). Ce mécanisme revient à rechercher, dans le droit de l’État membre où le droit réel est allégué « l’équivalent le plus proche » et à lui faire produire les effets de cet « équivalent » (V. § 24 à 27). La solution a été élargie au niveau européen avec les règlements régimes matrimoniaux et effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, et devrait nourrir la réflexion en droit commun d’autant plus que la France ne connaît pas de numerus clausus des droits réels principaux. De fait, si la jurisprudence s’oppose à la reconnaissance de certains droits réels accessoires au nom d’un numerus clausus, elle ne peut être transposée aux droits réels principaux (V. § 30). Dès lors, de deux choses l’une : soit le droit réel démembré est connu du droit français et il produira les effets de ce dernier, soit il ne l’est pas et il faut rechercher l’équivalent le plus proche. À l’ère de la mondialisation, on ne peut plus priver une personne des prérogatives qui sont attachées à son droit, sauf protection des tiers (V. § 32 à 36).