#Mots-clés: Intérêts, Prêt intragroupe, Taux d’intérêt de pleine concurrence, Montant des intérêts déductibles
#Article du CGI/LPF: 39, 212
#Convention fiscale:
#Pays:
La présente affaire porte sur un prêt intragroupe et le montant des intérêts déductibles par la société emprunteuse (CGI, art. 212, I). L’administration fiscale avait remis en cause la déductibilité, au-delà de ce qui résultait de l’application d’un taux de 2,79 % correspondant à la valeur mentionnée au 3° du 1 de l’article 39 du CGI, des intérêts versés par une société à sa société mère, à un taux de 5,08 %, en contrepartie de l’apport en compte courant que cette dernière lui avait consenti en vue de l’acquisition d’un immeuble. Elle avait considéré que le taux du prêt consenti était supérieur à un taux de pleine concurrence et avait donc partiellement réintégré dans les résultats de la société les intérêts qu’elle avait déduits, en application de l’article 212 du CGI.
Le TA de Paris puis la CAA ont rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
À l’opposé et conformément aux conclusions du rapporteur public, le Conseil d’État annule l’arrêt de la cour. Le Conseil d’Etat relève que la CAA a commis plusieurs erreurs de droit.
Pour justifier que le taux de 5,08 % servi à sa mère ne dépassait pas celui correspondant au taux de pleine concurrence, la société requérante faisait valoir, en se fondant sur des données relatives au marché obligataire issues de la base de données financières Standard & Poor’s Capital IQ, qu’à la date à laquelle l’emprunt en litige avait été contracté, en ce qui concerne des opérations en euros, le taux d’intérêt de marché à 10 ans pour des sociétés non financières notées BBB s’élevait à 5,21 %. Pour écarter le taux résultant de la mise en œuvre de cette méthode, la CAA s’était fondée sur ce que la société requérante, en comparant sa situation à celle de sociétés immobilières plus importantes qu’elle et déjà présentes sur le marché obligataire, ne justifiait pas qu’un emprunt obligataire aurait constitué, pour elle, une alternative réaliste à un prêt intragroupe. Le Conseil d’État juge que la cour ne pouvait écarter pour ce motif toute possibilité de comparaison fondée sur les taux pratiqués sur le marché obligataire. Il considère que la taille d’une société n’est pas à elle seule de nature à faire obstacle à l’accès à ce marché et que le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l’hypothèse alternative d’un emprunt obligataire ne s’apprécie qu’au regard des caractéristiques propres de cette société et de l’opération, les taux constatés sur ce marché devant le cas échéant être ajustés pour tenir compte des spécificités de la société en cause.
La CAA s’était également fondée pour écarter la méthode retenue par la société requérante sur ce qu’il ne lui avait été fourni aucun comparable précisément identifié dont elle aurait été en mesure d’apprécier la pertinence. Le Conseil d’État juge qu’en statuant ainsi, alors que le taux de pleine concurrence avancé par la société requérante comme correspondant à son niveau de risque reposait sur l’exploitation de courbes de taux établies sur la base de l’ensemble des transactions recensées, pour des emprunts de même durée contractés par des sociétés de même profil de risque, dans la base de données financières Standard & Poor’s Capital IQ, et qu’il n’était pas argué que le recensement des transactions figurant dans cette base n’était pas fiable, la cour a commis une erreur de droit.
Cette décision du Conseil d’État s’inscrit dans le prolongement des décisions SNC Siblu (CE, 18 mars 2019, n°411189, SNC Siblu, concl. M.-G. Merloz : Lebon T. ; FI 2-2019, n° 5.3.1, comm. M. Seraille), Sté Apex Tool Group (CE, 29 déc. 2021, n° 441357, Sté Apex Tool Group, concl. C. Guibé : Lebon T. ; FI 1-2022, n° 4, § 28, comm. L. Ochs) et Sté Wheelabrator Group (CE, avis, 10 juill. 2019, n° 429426, Wheelabrator Group, concl. K. Ciavaldini : FI 4-2019, n° 5.3.1, comm. M. Seraille).