Dylan Evanno est avocat, collaborateur au sein de PwC Société d’Avocats depuis 2022. Il est spécialisé en corporate tax et fiscalité internationale.
Dylan EVANNO
Avocat, PwC Société d'Avocats
Avocat, PwC Société d'Avocats
Dylan Evanno est avocat, collaborateur au sein de PwC Société d’Avocats depuis 2022. Il est spécialisé en corporate tax et fiscalité internationale.
SOUS LA COORDINATION DE :
#Auteur: Emmanuel¤ RAINGEARD DE LA BLÉTIÈRE
#Qualités: Maître de conférences à l’Université Rennes I
#Qualités: Co-directeur du Master 2 DFA
#Qualités: Avocat associé, PwC Société d’Avocats
Alors que l’Union européenne a adopté la directive sur l’impôt minimum, le Cadre inclusif continue de bâtir le système GloBE issu du modèle de règles publié en décembre 20211 au travers d’« instructions administratives » (« Administrative guidance ») « relatives à l’interprétation ou à l’administration des règles GloBE »2.
Les instructions administratives de février 20233 distinguent deux catégories :
- les « instructions administratives interprétatives » qui proposent une interprétation commune du modèle de règles et donneront de la sécurité juridique ; elles remplacent ou complètent le commentaire ou explicitent l’application de la règle à des cas particuliers ;
- les « instructions administratives opérationnelles » qui contiennent les règles procédurales et peuvent inclure des mesures de simplification administrative aboutissant à un résultat similaire aux règles GloBE.
Dans le système GloBE, les instructions administratives trouvent leur légitimité à l’article 8.3 du modèle de règles, selon lequel une juridiction « doit, sous réserve de toute disposition éventuelle de droit interne, appliquer les règles GloBE conformément aux instructions administratives agréées »4. Le commentaire5 sur cette disposition anticipait que dans certaines juridictions il ne serait pas possible de simplement se référer dans le droit interne aux instructions administratives et qu’il serait nécessaire soit que les administrations fiscales les adoptent dans leur propre doctrine administrative soit que le législateur national les incorpore dans le droit interne6.
Le Cadre inclusif avait-il mesuré la portée que lui-même allait conférer à cet instrument ? À la lecture de ces premières instructions, l’on réalise qu’outre leur fonction interprétative (allant jusqu’à contredire l’interprétation littérale), elles peuvent faire œuvre créatrice en ajoutant de nouvelles options ou tout simplement en édictant de nouvelles règles. Formellement, le modèle de règles, qui semble être gravé dans le marbre, reste intact puisque seul le commentaire évolue.
Selon le Cadre inclusif, de nombreuses autres instructions administratives devraient être publiées, créant pour les contribuables se préparant à leur mise en œuvre une réelle difficulté, puisqu’ils peuvent être amenés à revoir leurs interprétations et surtout leurs systèmes d’information en fonction des nouvelles exigences. Surtout, il peut être difficile de déterminer si le législateur national prendra en compte ces évolutions. Ce dernier y est fortement incité par le modèle de règles. En effet, les « règles du jeu »7 GloBE sont telles qu’une juridiction doit en principe mettre en œuvre GloBE de manière conforme, au risque de voir son système national disqualifié avec les conséquences que cela peut entraîner. L’on retrouve cette exigence, dans la définition de la « règle d’inclusion du revenu qualifiée » qui « désigne un ensemble de règles équivalentes aux dispositions des articles 2.1 à 2.3 des règles GloBE (y compris toute disposition des règles GloBE liée à ces articles) incluses dans le droit interne d’une juridiction, appliquées et administrées conformément aux effets prévus aux termes des règles GloBE et du c ommentaire, sous réserve que ladite juridiction n’octroie aucun avantage en lien avec ces règles »8.
Le commentaire évoluant sous l’influence des instructions administratives qui doivent être prises en compte en raison de l’article 8.3.1, il semble que les juridictions doivent les suivre pour mettre en œuvre un système qualifié, même s’ils devraient disposer de latitude dont nous ignorons l’ampleur. Nous ignorons également à ce stade les marges de manœuvre qui seront laissées aux États dans la mise en œuvre de ces règles.
Pour les États membres de l’UE, une difficulté supplémentaire existe dans la mesure où la directive étant antérieure aux instructions de février 2023, elle ne les prend (évidemment) pas en compte, même si la problématique avait (dans une certaine mesure) été anticipée puisque son considérant 24 prévoit que les commentaires postérieurs sont « sources d’illustration ou d’interprétation » mais seulement « dans la mesure où ces sources sont conformes à la présente directive et au droit de l’Union »9.
Les travaux de transposition de la directive, qui ont déjà commencé dans plusieurs États membres, seront riches d’enseignements sur la manière dont ils appréhendent les instructions administratives10 lesquelles modifient l’interprétation et l’application de nombreuses dispositions relatives au champ d’application (c hapitre 1 : V. § 1), à la détermination du résultat et des impôts concernés ajustés que ce soit pour la généralité des entreprises (c hapitre 2 : V. § 14) ou pour celles du secteur de l’assurance (c hapitre 3 : V. § 52), mais aussi, quelques mois avant leur mise en œuvre, les règles de transition (c hapitre 4 : V. § 69). Enfin, elles fixent des lignes directrices aux juridictions pour la mise en œuvre des impôts complémentaires nationaux qualifiés (c hapitre 5 : V. § 77) en leur laissant des marges de manœuvre importantes dont les États membres de l’UE ne nous semblent pas disposer dans le cadre de la directive11.