Nicolas de BOYNES
Avocat associé, Sullivan & Cromwell LLP
Avocat associé, Sullivan & Cromwell LLP
Intégration fiscale - Pertes définitives subies par l'établissement stable dans un État de l'UE d'une filiale du groupe - Liberté d'établissement (jurisprudence Marks & Spencer) - Le Conseil d'État, s'appuyant sur un arrêt Finanzamt B c/ W AG du 22 septembre 2022 de la CJUE, juge que la situation de la société qui possède une succursale en France et celle de la société qui possède un établissement stable dans un autre État membre ne sont pas comparables, et que l'impossibilité d'imputer les pertes définitives subies par la succursale luxembourgeoise d'une entreprise résidente de France sur les résultats de son groupe fiscal intégré ne constitue pas une atteinte à la liberté d'établissement. L'exception Marks & Spencer ne joue donc pas dans cette hypothèse dans laquelle la non-imposition de la succursale procède à la fois du droit interne et d'une convention fiscale.
CE, 8e et 3e ch.,, 26 avr. 2024, n° 466062, Min. c/ SAS Groupe SPIE Batignolles, concl. R. Victor : Lebon T. (V. annexe 7)
Intégration fiscale - Dividendes de source étrangère - Convention fiscale franco-chilienne - Neutralisation de la quote-part de frais et charges (non) - Une société française qui avait reçu de ses filiales établies au Chili des dividendes, demandait à être déchargée de la quote-part de frais et charges sur le fondement de l'article 22 de la convention franco-chilienne de 2004, aux termes duquel « Les dividendes payés par une société qui est un résident du Chili à une société qui est un résident de France sont exonérés d'impôt en France dans les mêmes conditions que si la société qui paye les dividendes était un résident en France ou d'un État membre de l'Union européenne […] » La CAA de Paris, contrairement au TA de Montreuil, rejette la demande en jugeant qu'il résulte des stipulations conventionnelles précitées, éclairées par les travaux préparatoires relatifs à la loi de ratification de cette convention, qu'elles tendent, au moyen d'un principe équivalent à celui du régime mère-fille prévu à l'article 216 du CGI, à éviter la double imposition des dividendes versés par les filiales chiliennes à leur société mère française résultant des impositions à la source sur les bénéfices distribués de source chilienne, perçues conformément au droit interne chilien. Faute de toute stipulation en ce sens, elles n'ont pas pour objet de permettre à la société mère française, en application du régime d'intégration fiscale applicable à certaines sociétés françaises, de défalquer la quote-part pour frais et charges de son bénéfice consolidé.
CAA Paris, 9e ch., 10 nov. 2023, n° 21PA01640, Min. c/ Sté Legrand SA, concl. B. Sibilli, C (V. annexe 5)
Pourvoi enregistré sous le n° 490792
Intégration fiscale - Cession d'actifs intra-groupe entre deux sociétés d'États membres différents - Imposition immédiate de la plus-value - Inapplication de la libre circulation des capitaux - Contrariété à la liberté d'établissement (non) - La CJUE juge que : 1° une législation nationale qui ne s'applique qu'aux groupes de sociétés n'entre pas dans le champ d'application de l'article 63 du TFUE relatif à la libre circulation des capitaux ; 2° l'article 49 du TFUE relatif à la liberté d'établissement : (i) ne s'oppose pas à une législation nationale qui assujettit à une obligation fiscale immédiate une cession d'actifs effectuée par une société ayant sa résidence fiscale dans un État membre à une société sœur ayant sa résidence fiscale dans un pays tiers et qui n'exerce pas d'activité commerciale dans cet État membre par l'intermédiaire d'un établissement stable, dans le cas où ces deux sociétés sont des filiales détenues à 100 % par une société mère commune qui a sa résidence fiscale dans un autre État membre ; cela ne constitue pas une restriction à la liberté d'établissement de cette société mère, dans des circonstances dans lesquelles une telle cession serait effectuée sur une base fiscalement neutre si la société sœur avait également sa résidence fiscale dans le premier État membre ou y exerçait une activité par l'intermédiaire d'un établissement stable ; (ii) doit être interprété en ce sens qu'une restriction du droit à la liberté d'établissement résultant de la différence de traitement entre les cessions nationales et transfrontières d'actifs effectuées à titre onéreux au sein d'un groupe de sociétés en vertu d'une législation nationale qui assujettit à une obligation fiscale immédiate une cession d'actifs effectuée par une société ayant sa résidence fiscale dans un État membre, peut, en principe, être justifiée par la nécessité de préserver une répartition équilibrée des pouvoirs d'imposition entre les États membres, sans qu'il soit nécessaire de prévoir une possibilité de reporter le paiement de l'imposition pour garantir le caractère proportionné de cette restriction, lorsque le contribuable concerné a obtenu, en contrepartie de la cession des actifs, un montant égal à la pleine valeur de marché de ces actifs.
CJUE, 3e ch., 16 févr. 2023, C-707/20, Gallaher Limited, concl. A. Rantos (V. annexe 5)
#Auteur: Gauthier¤ BLANLUET
#Qualités: Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)
#Qualités: Avocat, Sullivan & Cromwell LLP
#Qualités: Co-directeur scientifique de la revue Fiscalité Internationale
#Auteur: Nicolas¤ DE BOYNES
#Qualités: Avocat, Sullivan & Cromwell LLP
Pour exister et produire des effets sur le plan fiscal, une société ne doit pas être dépourvue de substance. Trois tests peuvent être mobilisés pour mesurer la substance d’une société. Un test de réalité, qui s’attache aux moyens matériels et humains dont la société dispose pour conduire son activité (V. § 8). Un test de rationalité, qui touche aux motifs économiques, juridiques, organisationnels, patrimoniaux, familiaux etc. justifiant la création de la société (V. § 12). Enfin un test d’effectivité, par lequel on s’assure que les compétences nécessaires à l’exercice de l’activité sont effectivement mises en œuvre par la société (V. § 16). S’agissant des sociétés holding, le test de rationalité est appelé à jouer un rôle prépondérant en matière d’abus (V. § 13). Pour ce qui concerne les questions touchant à la localisation de la société, c’est en revanche le critère de réalité qui prend le dessus (V. § 14). Des évolutions jurisprudentielles récentes mettent également l’accent sur le critère d’effectivité (V. § 16). Et une nouvelle décision conduit à s’interroger sur la nécessité de justifier du choix de la localisation qui, si elle devait être confirmée, viendrait singulièrement affaiblir la portée du principe de liberté d’établissement (V. § 15).
Intégration fiscale - Intégration fiscale horizontale - Convention fiscale franco-suisse - Clause de non-discrimination - Le TA de Montreuil juge que l'interdiction des discriminations fondées sur la nationalité du détenteur du capital dans la convention franco-suisse ne fait pas obstacle à l'impossibilité d'une intégration fiscale horizontale entre les filiales françaises détenues par une même société suisse.
TA Montreuil, 1re ch., 28 oct. 2021, n° 2008410, Sté Liebherr-Aerospace & Transportation (V. annexe 6)
Intégration fiscale - Dividendes de source étrangère - Régime mère-fille, neutralisation - Quote-part de frais et charges - Convention fiscale franco-chilienne - L'article 22 de la convention franco-chilienne prévoit que les dividendes payés par une société qui est résidente du Chili à une société qui est résidente de France sont exonérés d'impôt en France dans les mêmes conditions que si la société qui verse les dividendes était un résident de France ou d'un autre État membre de l'Union européenne. Une société de droit français, membre d'un groupe fiscalement intégré, a excipé de cet article pour demander la neutralisation de la quote-part de frais et charges au titre des dividendes versés par ses filiales chiliennes remplissant les conditions pour l'intégration fiscale (sauf l'assujettissement à l'IS). Le TA de Montreuil fait droit à la demande de la société en jugeant que les sociétés chiliennes étaient dans une situation équivalente à celle d'une société filiale française intégrée au groupe.
TA Montreuil, 1re ch., 3 déc. 2020, n° 1908285, Sté Legrand, concl. C. Noël (V. annexe 6)
Intégration fiscale - Déduction des charges financières - « Amendement Charasse » - Acquisition de filiales françaises et étrangères - Prorata - Dans le cadre d'une réorganisation d'un groupe impliquant l'acquisition de filiales françaises et filiales étrangères par une holding française financée par une augmentation de capital et par un prêt de la société mère, la CAA de Nancy se prononce sur le prix d'acquisition des titres à retenir pour le calcul des charges financières non déductibles en l'application de l'amendement Charasse. L'administration a considéré que le montant de l'augmentation de capital déductible du prix d'acquisition des deux sociétés françaises, servant au calcul du rapport de déduction des charges financières, ne devait être admis qu'à proportion de la part que cette augmentation de capital avait eue dans le financement des acquisitions effectuées par la holding française. La cour juge toutefois que le prorata du prix d'acquisition déductible pour le calcul de la réintégration d'intérêts devait se calculer sur le montant total du prix d'acquisition des filiales, et non sur le montant total apporté/prêté à la holding française. La cour a également accepté de « tracer » l'utilisation du prêt et de l'apport, pour conclure que l'apport n'avait financé que l'acquisition des filiales françaises et ainsi de déduire 100 % du montant de l'apport pour le calcul de la réintégration d'intérêt.
CAA Nancy, 2e ch., 18 juin 2020, n° 18NC03443, SAS A. Schulman Holdings France, concl. N. Peton (V. annexe 5)
Intégration fiscale - Dividendes - Quote-part de frais et charges - Filiale européenne intégrable d'une société mère française ne répondant pas elle-même aux conditions de l'intégration - Jurisprudence Steria - Le TA de Montreuil juge qu'il n'y a pas lieu de neutraliser, en application de la jurisprudence Steria de la CJUE, la QPFC afférente aux dividendes versés par des filiales européennes intégrables à une société mère française ne répondant pas elle-même aux conditions de l'intégration (jugement définitif).
TA Montreuil, 1re ch., 30 janv. 2020, n° 1804733, Sté Gefco, concl. C. Noël (V. annexe 3)
Dissolution sans liquidation - Régime des fusions - Mali technique de fusion - Affectation à un établissement stable hors de France - Le Conseil d'État confirme que, dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine, l'affectation du mali technique au bilan d'un établissement stable hors de France emporte le transfert du fonds de commerce correspondant à ce mali technique à l'établissement stable et l'imposition de la plus-value constatée sur ce fonds de commerce.
CE, 8e et 3e ch., 27 mai 2020, n° 434412, SA Fromageries Bel, concl. R. Victor (FI 3-2020, n° 3, § 8, comm. R. Coin)
Intégration fiscale - Réforme par la loi de finances pour 2019 - Taux de détention du capital des sociétés établies hors de France - Quote-part de frais et charges au taux de 1 % - Sorties et cessations de groupe - Impact du retrait d'un État de l'UE ou de l'EEE - L'administration fiscale publie ses commentaires sur la réforme du régime d'intégration fiscale introduite par la loi de finances pour 2019, qui avait pour but de prévenir le risque d'incompatibilité avec le droit de l'UE de certaines règles favorables aux groupes intégrés et de tenir compte des conséquences du Brexit pour les groupes français. Nous revenons sur les commentaires administratifs intéressant la fiscalité internationale, relatifs au taux de détention du capital des sociétés établies hors de France, à la quote-part de frais et charges au taux de 1 %, aux sorties et cessations de groupe, ainsi qu'à l'impact du retrait d'un État de l'UE ou de l'EEE.
BOI-IS-GPE-10-20-10, 15 avr. 2020, § 10. - BOI-IS-GPE-10-30-50, 15 avr. 2020, § 90. - BOI-IS-BASE-10-10-10-10, 15 avr. 2020, § 1. - BOI-IS-BASE-10-10-20, 15 avr. 2020, § 160. - BOI-IS-BASE-10-15, 15 avr. 2020, § 50. - BOI-IS-GPE-40-10, 15 avr. 2020, § 107. - BOI-IS-GPE-50-60-40, 15 avr. 2020
Dissolution sans liquidation d'une société française - Régime des fusions - Mali technique de fusion - Affectation à un établissement américain - La CAA de Versailles juge que le transfert d'un actif du bilan français d'une société absorbée au bilan d'une succursale étrangère de la société absorbante constitue une « cession » imposable en France.
CAA Versailles, 1re ch., 9 juill. 2019, n° 17VE00314, SA Fromageries Bel, concl. N. Chayvialle (FI 1-2020, n° 3, § 24)
Intégration fiscale horizontale - Option rétroactive - Formalisme - Le Conseil d'État précise le formalisme à respecter pour opter de manière rétroactive pour un régime d'intégration fiscale horizontale, au titre d'exercices pour lesquels la loi ne prévoyait aucune faculté d'option. Dans le cas de sociétés cousines chacune à la tête d'un groupe fiscal intégré vertical, il n'y a pas de présomption d'accord des filiales pour constituer un groupe d'intégration horizontale.
CE, 8e et 3e ch., 27 mars 2019, n° 415817, BPD France, concl. K. Ciavaldini (V. annexe 4)
#Auteur: Vincent¤ AGULHON
#Qualités: Avocat associé, Darrois Villey Maillot Brochier
#Auteur: Nicolas¤ de BOYNES
#Qualités: Avocat associé, Sullivan & Cromwell LLP
#Auteur: Charles¤ MÉNARD
#Qualités: Avocat associé, EY Société d’Avocats
#Auteur: Frédéric¤ TEPER
#Qualités: Avocat associé, Arsene Taxand
Les commentaires administratifs relatifs à la réforme du régime des fusions, scissions et apports partiels d’actifs, mis en ligne le 3 octobre 2018, apportent des clarifications importantes pour les opérations internationales. En particulier, l’administration confirme que les entités étrangères passibles de l’IS sans y être effectivement soumises peuvent bénéficier du régime de faveur, et que l’obligation de rattachement à un établissement stable français ne s’applique pas dans le cas de l’absorption d’une société holding française par une société étrangère (V. § 2). La situation des associés français d’une société étrangère réalisant une scission partielle est aussi précisée (V. § 7). Les commentaires relatifs à la nouvelle clause anti-abus soulèvent en revanche plusieurs questions (V. § 10).
Intégration fiscale horizontale - Application rétroactive - La CAA de Versailles précise quelles devaient être les conditions formelles pour qu'une application rétroactive de l'intégration fiscale horizontale puisse être reconnue dans le cadre d'une réclamation contentieuse portant sur les exercices clos avant le 31 décembre 2014, la France s'étant mise en conformité avec le droit de l'UE à compter de cette date.
CAA Versailles, 6e ch., 15 nov. 2018, n° 15VE00728, SAS TUI France (V. annexe 4)
Réorganisations - Réforme du régime fiscal - Commentaires administratifs - L'administration commente la réforme du régime fiscal des réorganisations (fusions, scissions, apports partiels d'actif) opérée par la 2e loi de finances rectificative pour 2017 afin de mettre le droit français en conformité au droit de l'UE.
BOI-IS-FUS-10-20-20, 3 oct. 2018