Laurent Chesneau est docteur en droit et maître de conférences associé à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
Laurent CHESNEAU
Maître de conférences associé à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Maître de conférences associé à l’Université Jean Moulin Lyon 3
Laurent Chesneau est docteur en droit et maître de conférences associé à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
Prestations de services par une société non résidente - Société membre d'un groupe fiscal déficitaire - Retenue à la source - Droit de l'Union - Liberté de prestation de services - Statuant sur la compatibilité du c du I de l'article 182 B du CGI avec la liberté de prestation de services prévue par les articles 56 et 57 du TFUE, la Cour administrative d'appel de Nantes juge que le droit de l'Union européenne fait obstacle à ce qu'une retenue à la source soit prélevée sur les produits résultant de prestations de services perçues par une société non résidente qui se trouve, au regard de la législation fiscale de son État de résidence, en situation déficitaire. Elle précise que le caractère déficitaire du résultat de la société non résidente est déterminé au regard de la législation de son État de résidence (la société tête de groupe dans le cas particulier d'une intégration fiscale).
CAA Nantes, 1re ch., 28 mai 2024, n° 23NT00544 et n° 23NT01309, Sté Haarslev Group A/S et Sté Haarslev Industries A/S, concl. H. Brasnu, C (V. annexe 1)
Prestations d'acteur et de promotion en France par un artiste non résident - Rémunération de mannequinat - Imposition en France - Statuant sur les rémunérations perçues par une actrice britannique pour la réalisation d'un court-métrage et d'une campagne de promotion de marque, le TA de Montreuil articule les principes précédemment établis par la jurisprudence sur la ligne de démarcation entre prestations artistiques (g du I de l'article 164 B du CGI) et prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (c du II du même article), la non-dissociabilité des prestations immatérielles des prestations matérielles rendues par le mannequin et le lieu d'utilisation de ces prestations.
TA Montreuil, 10e ch., 29 févr. 2024, n° 2111874, Mme D., concl. Y. Khiat, C (V. annexe 2)
Retenue à la source (CGI, art. 182 B) - Droit de l'Union européenne - Liberté de prestation de services (invocabilité) - Société étrangère déficitaire - Statuant sur la compatibilité du a du I de l'article 182 B du CGI avec la liberté de prestation de services prévue par les articles 56 et 57 du TFUE, le Conseil d'État reconnaît que ce texte est susceptible d'instituer, pour ce qui concerne les sociétés relevant de l'impôt sur les sociétés, une différence de traitement entre, d'une part, les sociétés non résidentes imposées immédiatement et définitivement par voie de retenue à la source lors de la perception de ces sommes, et, d'autre part, les sociétés résidentes imposées sur ces sommes en fonction du résultat net, bénéficiaire ou déficitaire, qu'elles enregistrent au cours de l'exercice de perception desdites sommes.
CE, 8e et 3e ch., 16 févr. 2024, n° 468673, Sté Palomata, concl. K. Ciavaldini : Lebon T. (V. annexe 1)
#Mots-clés: Fiscalité internationale, sportifs, sport
#Auteur: Laurent¤ CHESNEAU
#Qualités: Maître de conférences associé, Université Jean Moulin Lyon III
#Qualités: Centre de droit de l’entreprise, Équipe Louis Josserand
En cette année olympique et paralympique dans laquelle la France est engagée, le sport, déclaré Grande cause nationale 2024, est au cœur de l’actualité.
Considéré comme une activité économique structurante dans notre pays, on observe tout d’abord que la filière sportive regroupe 128 000 entreprises en France, générant un chiffre d’affaires de 71 milliards d’euros, toutes activités confondues (commerce d’articles de sport, fabrication et maintenance d’équipements sportifs, divertissement, pratique sportive et enseignement). L’économie du sport représente ainsi 2,6 % du PIB en France (source : L’Observatoire BPCE, Économie du sport, janv. 2023), étant également observé que le secteur public contribue à hauteur de 20 milliards d’euros dans le financement du sport, tant par le soutien du réseau associatif sportif local que par l’accompagnement du sport de haut niveau.
Le sport professionnel est la véritable locomotive de cette économie et un enjeu crucial pour l’image et le rayonnement de notre pays, car l’environnement des clubs, des compétitions et des sportifs professionnels est aujourd’hui totalement mondialisé, donc très concurrentiel. Les règles fiscales posées par les États et s’appliquant aux premiers acteurs de cet écosystème, les sportifs professionnels, représentent alors un sujet essentiel, à la recherche d’un délicat équilibre entre attractivité et répression des abus.
Pour aborder ces enjeux, un colloque sur « L’imposition des sportifs dans un contexte international » a été organisé le 8 mars 2024 par le Centre de droit de l’entreprise de l’Université Jean Moulin Lyon 3, en partenariat avec le cabinet Delsol Avocats et les Éditions JFA, et en collaboration avec le Master de Droit et ingénierie financière de l’Université Lyon 3. Il a abordé, autour de quatre tables rondes, l’environnement juridique et économique des sportifs internationaux, les questions tenant à leur résidence et à la répartition du droit d’imposer entre les États, les dispositifs de faveur mis en place par les États et ceux tendant au contraire à la répression des montages abusifs, et enfin le traitement des revenus dérivés des sportifs (marketing, droit à l'image). Chaque table ronde a offert des regards croisés entre universitaires, conseils français et étrangers, et des membres des juridictions administratives et de l’administration fiscale.
Nous remercions vivement les partenaires du colloque ainsi que les intervenants, dont les contributions éclairantes sont publiées dans ces colonnes.
Bénéfices industriels et commerciaux - Charges déductibles - Non-déductibilité des sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales (CGI, art. 39, 2) - Dommages et intérêts punitifs prononcés par une autorité étrangère - Ordre public international -Le Conseil d'État, statuant sur la qualification de punitive damages prononcés par une juridiction américaine, considère que le 2 de l'article 39 du CGI fait obstacle à la déduction de toute somme d'argent mise, aux fins de prévention et de répression, à la charge d'un contribuable qui a méconnu une obligation légale. N'est ainsi pas déductible la sanction pécuniaire prononcée par une autorité étrangère à raison de la méconnaissance d'une obligation légale étrangère, sauf si cette sanction a été prononcée en contrariété à la conception française de l'ordre public international.
CE, plén. fisc., 8 déc. 2023, n° 458968, Sté Alder Paris Holdings, concl. É. Bokdam-Tognetti : Rec. Lebon (V. annexe 1)
Honoraires versés par les conseils en propriété industrielle - Retenue à la source (CGI, art. 182 B) - Champ d'application - Une réponse ministérielle rappelle la tolérance administrative selon laquelle les commissions versées à des personnes non domiciliées en France, en rémunération de démarches et diligences diverses effectuées à l'étranger, ne soient pas considérées comme des prestations utilisées en France pour l'application de la retenue à la source de l'article 182 B. Les honoraires versés par les conseils en propriété industrielle dans le cadre des seules prestations de dépôt, d'enregistrement, de maintien et de renouvellement des marques et brevets effectuées à l'étranger ne sauraient ainsi être considérées comme des prestations utilisées en France et sont exclues du champ d'application du dispositif de la retenue à la source prévu à l'article 182 B du CGI. Tel n'est pas le cas des sommes acquittées par une société française ne revêtant pas la nature de commissions versées en contrepartie de « démarches ou de diligences », mais constituant la rémunération de véritables prestations de conseil, de suivi et de contrôle, lorsqu'elles ont permis à cette société de réaliser des choix de gestion en France. En conséquence, dès lors que les prestations fournies sont effectivement utilisées en France, notamment en y permettant des choix de gestion ou la réalisation d'obligations contractuelles, elles ne peuvent être réduites à des « démarches ou diligences » et il y a lieu de soumettre les sommes versées en contrepartie de telles prestations à la retenue à la source.
RM Cadic, n° 2381 : JO Sénat 22 déc. 2022, p. 6654 (V. annexe 1)
Prestations artistiques - Retenue à la source - Champ d'application de l'article 182 A bis du CGI - Substitution de base légale - La CAA de Versailles juge que les rémunérations versées par une société française organisatrice de spectacles à une société établie à Singapour en contrepartie de prestations artistiques réalisées en France, de la prise en charge de frais d'organisation des spectacles (transport, hébergement, expédition des matériels, sécurité) et de droits exclusifs de représenter et de gérer ces spectacles pour une période de deux ans dans plusieurs pays européens entrent dans le champ d'application de la retenue à la source prévue par l'article 182 A bis du CGI.
CAA Versailles, 3e ch., 29 sept. 2022, n° 20VE01828, SARL L'Évènement spectacle, concl. M. Deroc, C (V. annexe 2)
Prestations artistiques - Assiette de la retenue à la source (CGI, art. 182 A bis) - Prestations constituant l'accessoire indissociable des prestations artistiques - Le Conseil d'État, statuant sur le champ d'application de l'article 182 A bis du CGI, juge que l'assiette de la retenue à la source est constituée des prestations artistiques proprement dites ainsi que des prestations qui en constituent l'accessoire indissociable. Par ailleurs, il fixe le critère de distinction entre les prestations relevant de l'article 182 A bis et celles relevant de l'article 182 B.
CE, 8e et 3e ch., 5 juill. 2022, n° 455789, Sté Encore B, concl. R. Victor : Lebon T. (V. annexe 1)
Revenus non dénommés (clause balai) - Détournements de fonds - Source de profits non rattachable à une catégorie d'imposition (CGI, art. 92) - CSG sur les revenus du patrimoine - La CAA de Nancy, statuant sur des détournements de fonds opérés par un contribuable français au détriment de son employeur luxembourgeois, les qualifie de source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus au sens du 1 de l'article 92 du CGI, et les assujettit à la CSG sur les revenus du patrimoine prévue par l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. La répartition du droit d'imposer ces revenus relève de la clause balai de la convention franco-luxembourgeoise.
CAA Nancy, 2e ch., 24 mars 2022, n° 20NC00530, Mansard, C (V. annexe 4)
Retenue à la source - Base nette - Frais professionnels - L'affaire de la société de gestion du Port Vauban revient devant la CAA de Marseille après renvoi par le Conseil d'État pour détermination de l'assiette de la retenue à la source. Toutefois, la cour n'a pu préciser la notion de frais professionnels directement liés à l'activité ou, plus largement, des frais admis en minoration de l'assiette de la retenue à la source, faute pour la société d'avoir produit des justificatifs.
CAA Marseille, 3e ch., 18 mars 2021 et 21 déc. 2021, n° 19MA05052, SAEM de gestion du Port Vauban, concl. A. Courbon (V. annexe 1)
Retenue à la source - Convention internationale - Résidence d'une société - Pour l'application de la retenue à la source prévue par l'article 182 B du CGI à des prestations de services rendues en France par une société dont le siège social est situé en Tunisie et n'ayant pas d'installations permanentes en France, le Conseil d'État juge qu'une telle société, relevant du régime tunisien dit des « entreprises totalement exportatrices », exonérée à raison de bénéfices provenant de l'exportation mais non de ceux susceptibles de provenir d'une activité réalisée en Tunisie doit néanmoins être considérée comme soumise à l'impôt sur les sociétés en Tunisie à raison de son activité et regardée comme résidente de cet État, alors même qu'elle n'avait pas réalisé de chiffre d'affaire sur le marché local pendant la période en litige. Dès lors que cette société entre dans le champ d'application de la convention, la France perd le droit d'appliquer la retenue à la source de l'article 182 B du CGI dans la mesure où l'article 11 de la convention franco-tunisienne, relatif aux bénéfices des entreprises, reconnaît le droit exclusif d'imposer à l'État de la résidence.
CE, 9e et 10e ch., 2 févr. 2022, n° 443018, Min. c/ Sté Observatoire d'économie appliquée (OBEA) et CE, 9e et 10e ch., 2 févr. 2022, n° 446664, Min. c/ Sté CEGID, concl. E. Bokdam-Tognetti : FI 2-2022, n° 3, § 1
Bénéfices industriels et commerciaux - Charges déductibles - Dommages et intérêts punitifs (punitive damages) - La CAA de Versailles confirme la solution retenue en première instance par le TA de Montreuil en 2019 et juge que les punitive damages, infligés à des auteurs d'agissements illégaux en supplément des dommages-intérêts compensatoires, par des tribunaux de certains pays de common law, dans le cadre de litiges civils ou commerciaux engagés par leurs cocontractants, sont déductibles du résultat imposable.
CAA Versailles, 1re ch., 5 oct. 2021, n° 20VE00034, SAS Alder Paris Holdings, concl. F. Met (V. annexe 1)
Retenue à la source - Retenue non spontanément opérée lors du versement des revenus - Contestation - Qualité pour agir du bénéficiaire des revenus (oui) - Le Conseil d'État juge que le droit de contester la retenue à la source prévue par l'article 182 B du CGI est reconnu tant au responsable du paiement de ladite retenue à la source qu'au bénéficiaire de ces revenus. La circonstance que la retenue à la source ait été opérée spontanément par le redevable ou résulte d'une imposition supplémentaire est sans incidence.
CE, 8e et 3e ch., 15 nov. 2021, n° 453022, Min. c/ Sté Palomata, concl. K. Ciavaldini (V. annexe 2)
Les groupes internationaux ont de plus en plus besoin de se restructurer pour centraliser le contrôle et la gestion des fonctions de fabrication, de recherche et de distribution. La concurrence accrue qui s’exerce dans le contexte de la mondialisation, la réduction des coûts du fait d’économies d’échelle, la nécessité de se spécialiser, de réaliser des gains d’efficience et de réduire les coûts constituent des motivations importantes des réorganisations d’entreprises. On a ainsi vu s’opérer, sur les dernières décennies, une multiplication des opérations internationales de regroupements de sociétés. Celles-ci se sont accompagnées d’un accroissement des investisseurs étrangers dans des sociétés ayant leur siège social en France. Parmi ces restructurations se trouvent notamment les transferts de siège et les fusions transfrontalières, qui soulèvent des difficultés juridiques tenant au changement de nationalité de la société qui est absorbée par une société dont le siège est situé dans un autre État et de lois applicables.
Ce mouvement de restructurations transfrontalières est appelé à s’accentuer encore dans les prochaines années. En effet, les mesures de coordination des politiques fiscales publiques (au sein de l’Union européenne et plus généralement au sein de l’OCDE), couplées à l’accroissement des dispositifs de contrôle (DAC 6), ont conduit à une forme de standardisation/rationalisation de la fiscalité des actifs incorporels comme la disparition progressive des régimes d’imposition à taux réduit des profits tirés de l'exploitation ou de la cession de brevet (« IP box »).
Ce phénomène s’est accompagné, plus conjoncturellement, d’une part d’un resserrement des écarts de taux d’imposition à l’impôt sur les sociétés, d’autre part du Brexit, conduisant de nombreux opérateurs à s’interroger sur leur présence au Royaume-Uni.
Enfin, la reprise sensible des opérations de rapprochement d’entreprises après les périodes de confinement amène très fréquemment la question du maintien de holdings intermédiaires. Que faire de ces sociétés une fois que les besoins légitimes qui avaient présidé à leur constitution ont disparu ? Quelles possibilités s’offrent-elles aux entreprises ? Quels écueils doivent-elles éviter ? Quelles conséquences pratiques faut-il prendre en compte ? Quels sont les avantages et inconvénients des moyens susceptibles d’être utilisés pour restructurer une chaine de détention ?
Ce colloque, qui rassemble praticiens et universitaires, experts en la matière, donne l’occasion d’aborder les différents enjeux des restructurations transfrontalières, sous le prisme du droit des sociétés, du droit de la concurrence et du droit fiscal, autour de trois tables rondes.
Prestations de conseil juridique à un État étranger par un professeur - Qualification - Convention internationale - Rémunérations publiques/bénéfices des entreprises - Prise de position formelle de l'administration - Le TA de Paris, statuant sur la qualification des revenus pour la prestation de conseil juridique rendue de manière indépendante par un professeur des universités français à l'État slovène, les rattache aux bénéfices des entreprises et non aux rémunérations publiques, et élimine la double imposition par l'octroi d'un crédit d'impôt égal à l'impôt payé en Slovénie. Par ailleurs, le courriel du service des impôts indiquant que les revenus de source slovène qu'elle a perçus ouvrent droit à un crédit d'impôt constitue une prise de position formelle au sens du 1er alinéa de l'article L. 80 A du LPF : le service ne peut ainsi plus remettre en cause ledit crédit d'impôt.
TA Paris, 1re sect. - 2e ch., 23 juin 2021, n° 1905234, Miron (V. annexe 1)
Rémunérations de prestations de services utilisées en France - Retenue à la source (CGI, art. 182 B, I, c) - Résidence fiscale - Développement de logiciels - Redevances - Le TA de Rennes, statuant sur l'assujettissement à la retenue à la source prévu par l'article 182 B du CGI, reconnaît la qualité de résident à l'entreprise ayant acquitté l'impôt sur les sociétés en dépit d'un régime d'exonération qui lui était accordé (Tunisie) et à l'entreprise non soumise à l'impôt en raison du principe de territorialité de l'impôt (Singapour). En revanche, il ne reconnaît pas la qualité de résident à une entreprise dont l'exonération des revenus offshore est fondée sur le statut ou l'activité. Par ailleurs, le tribunal qualifie de redevances les rémunérations de prestations de service qui avaient pour objet le développement de logiciels informatiques, lesquelles ne pouvaient être regardées, compte tenu du savoir-faire qu'elles impliquent, comme des études techniques ou économiques.
TA Rennes, 2e ch., 5 mai 2021, n° 1903310, SAS Exo Platform (V. annexe 2)
Contribution due par les sociétés exploitant en France des spécialités pharmaceutiques (CSS, art. L. 245-6) - Conformité à la Constitution de l'assujettissement d'un commissionnaire - Traitement fiscal des sommes versées par le commettant en remboursement de la contribution - Une société assurant, en tant que commissionnaire d'une société de droit suisse, la promotion et la distribution en France des produits pharmaceutiques fabriqués par cette dernière, a acquitté la contribution, prévue par l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, due par les entreprises exploitant en France des spécialités pharmaceutiques. 1° L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci soit acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. En vertu de l'article L. 132-1 du code de commerce, le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom pour le compte d'un commettant. Lorsqu'il assure en France l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de l'article L. 5124-1 du code de la santé publique, il résulte de sa qualité de commissionnaire qu'il réalise lui-même le chiffre d'affaires retiré de la vente des biens du commettant, dont les résultats sont enregistrés dans sa comptabilité. Alors même que pèse sur lui une obligation contractuelle de reverser au commettant le produit de ses ventes, le commissionnaire ne saurait être regardé, pour l'application de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale instituant une contribution sur le chiffre d'affaires de l'exploitant d'une spécialité pharmaceutique, comme n'ayant pas la disposition des ressources qu'il retire de son exploitation et qui constituent son chiffre d'affaires. Le Conseil d'État ne renvoie pas au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale méconnait l'exigence de prise en compte des facultés contributives résultant du principe d'égalité devant les charges publiques. 2° Les sommes versées, en application du contrat de commissionnaire, en remboursement de la contribution que le commissionnaire acquitte en France, ne présentent pas le caractère d'une indemnité versée en vertu d'une obligation de réparer un préjudice. Le remboursement par la société suisse de la contribution sur le chiffre d'affaires acquittée par la société française constitue un élément de la rémunération de cette dernière, s'ajoutant à la commission qui lui est également due. Les sommes en cause ont donc été à bon droit réintégrées à l'assiette de l'impôt sur les sociétés du commissionnaire.
CE, 9e et 10e ch., 20 avr. 2021, n° 430561 et n° 430562, Sté Baxter SAS (V. annexe 1)
Retenue à la source (CGI, art. 182 B) - Droit de l'UE - Libre prestation de services - Base d'imposition - Invocation de la doctrine administrative - Le Conseil d'État décide que, pour se conformer à l'article 56 du TFUE, l'assiette de la retenue à la source doit prendre en compte les frais professionnels que le prestataire a communiqués au redevable de la retenue à la source et qui sont directement liés à ses activités dans l'État membre où la prestation est effectuée. Le défaut de souscription des déclarations et de paiements des retenues à la source ne permettent pas au redevable de se prévaloir de la doctrine administrative dont il n'a pas fait application.
CE, 8e et 3e ch., 9 sept. 2020, n° 434364, SAS Damolin Etrechy, concl. R. Victor (FI 4-2020, n° 7.1)
Retenue à la source (CGI, art. 182 B) - Société de personnes - Convention internationale - Résidence fiscale - Une société contestait la retenue à la source à laquelle elle avait été assujettie en vertu de l'article 182 B, I, c du CGI à raison de rémunérations versées à une société établie à Hong Kong, sur le fondement de l'accord conclu avec ce territoire. Le TA de Paris lui donne raison au terme d'un raisonnement en deux temps. En premier lieu, le TA confirme que le litige entre dans le champ d'application personnel de l'accord défini par son article 1er par référence aux personnes résidentes de l'une ou des deux parties contractantes. Si l'administration contestait la qualité de résident fiscal français de la SCI requérante, eu égard à son statut fiscal de société de personnes, le TA relève en tout état de cause que la société bénéficiaire des rémunérations est résidente fiscale de Hong Kong. En second lieu, le TA qualifie les revenus soumis à la retenue à la source au regard de l'accord. Il estime que ces revenus, qui constituent la rémunération de prestations de service, doivent être regardés comme des bénéfices d'une entreprise au sens de l'article 7 de l'accord, qui sont uniquement imposables dans l'État de cette dernière sauf si l'activité est exploitée par l'intermédiaire d'un établissement stable. Corollairement, le TA écarte l'application de la clause balai de l'article 20 de l'accord applicables aux revenus non traités dans les autres stipulations de l'accord. Il prononce donc la décharge de l'imposition litigieuse.
TA Paris, 1re sect., 3e ch., 9 oct. 2019, n° 1711883, SCI Mohg France, concl. P. Hanry (V. annexe 1)
Retenue à la source (CGI, art. 182 B) - Droit de l'UE - Libre prestation des services - Base nette - Frais professionnels - Le Conseil d'État, statuant sur la conformité au droit de l'UE de l'assiette de la retenue à la source prévue par l'article 182 B, I, a du CGI, considère que la liberté de prestation des services s'oppose à une législation nationale qui exclut que le débiteur de la rémunération versée à un prestataire de services non résident, déduise, lorsqu'il procède à la retenue à la source de l'impôt, les frais professionnels que ce prestataire lui a communiqués et qui sont directement liés à ses activités dans l'État membre où est effectuée la prestation, alors qu'un prestataire de services résident de cet État ne serait soumis à l'impôt que sur ses revenus nets, c'est-à-dire sur ceux obtenus après déduction des frais professionnels. Il juge également que cette retenue à la source s'applique à l'ensemble des bénéfices non commerciaux régis par le 1 de l'article 92 du CGI.
CE, 8e et 3e ch., 22 nov. 2019, n° 423698, SAEM de gestion du Port Vauban, concl. K. Ciavaldini (V. annexe 1)
Nous publions ci-après les actes du colloque « Le renouveau des modes de règlement des différends en droit fiscal international », tenu le 8 novembre 2019 à la Faculté de droit de l’Université Jean Moulin Lyon III. Ce colloque a été organisé par le Centre d’études et de recherches financières et fiscales (CERFF), dirigé par le Professeur Jean-Luc Pierre. Le CERFF fait partie de l’Équipe de droit public de Lyon (EDPL).
Le colloque a réuni universitaires et praticiens pour faire le point sur les évolutions récentes et tenter d’esquisser les perspectives dans une matière au cœur de l’actualité. Nous soulignons avec plaisir que cette manifestation, réalisée sous la direction scientifique du Professeur Lukasz Stankiewicz, est le fruit d’une coopération étroite entre les auteurs de la chronique d’actualité « Coopération administrative et règlement des différends » de la présente Revue.
Bénéfices industriels et commerciaux - Charges déductibles - Dommages et intérêts punitifs - Le TA de Montreuil, statuant sur des punitive damages versés par une société française à une société cocontractante américaine, décide que ces dommages et intérêts punitifs ont pour objet de permettre une indemnisation de l'ensemble du préjudice effectivement subi par cette dernière et sont déductibles du résultat imposable en France, quand bien même la condamnation dont ils procèdent est la conséquence directe des activités illégales de la société française.
TA Montreuil, 1re ch., 12 sept. 2019, n° 1803302, SNC United Technologies Paris, concl. contr. C. Noël (V. annexe 1)
Retenue à la source (CGI, art. 182 B) - Rémunérations versées à des prestataires de services danois - Dénonciation de la convention franco-danoise – Base nette - Invocabilité de la doctrine administrative - La CAA de Versailles, statuant sur la nature d'opérations réalisées dans le cadre d'une convention de collaboration entre une société opérationnelle située en France et sa société mère située au Danemark, considère que ces opérations doivent recevoir la qualification de prestations de services et non de transmission d'informations en raison du caractère intégré de ces prestations de services intragroupe dans l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise bénéficiaire, quelles que soient par ailleurs les modalités de rémunération prévues. La cour se prononce également sur l'administration de la preuve des charges engagées par la société non-résidente afin de permettre l'imposition sur une base nette, telle que prévue par l'instruction administrative du 29 juillet 2010, et sur les conditions d'opposabilité de cette dernière.
CAA Versailles, 1re ch., 9 juill. 2019, n° 16VE02825, SAS Damolin Etrechy, concl. N. Chayvialle (V. annexe 2)
Retenue à la source (CGI, art. 182 B, I, a) - Bénéfices non commerciaux et assimilés - Liberté de circulation des capitaux - Le TA de Nice juge que l'application d'une retenue à la source à des redevances reversées par une société résidente française à son actionnaire, une société non-résidente déficitaire, est incompatible avec la libre circulation des capitaux.
TA Nice, 4e ch., 27 juin 2019, n° 1603699, Sté Palomata (V. annexe 3)
Retenue à la source (CGI, art. 182 B) - Assiette - Constitutionnalité - Principe d'égalité - Le Conseil constitutionnel, statuant sur la conformité du c du I de l'article 182 B du CGI aux articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789, confirme que la retenue à la source, due par une entreprise qui exerce une activité en France à raison des paiements qu'elle effectue en rémunération des prestations fournies ou utilisées en France par une entreprise qui n'y dispose pas d'installation professionnelle permanente, n'est pas contraire au principe d'égalité devant la loi ni à celui d'égalité devant les charges publiques, quand bien même la retenue est appliquée à une assiette brute.
CC, 24 mai 2019, n° 2019-784 QPC, Sté Cosfibel Premium (V. annexe)
Retenue à la source - Prestations utilisées en France - Dépenses de sponsoring - La CAA de Douai juge que les dépenses de sponsoring d'un champion de rallye constituent la rémunération de prestations de toute nature et non de prestations sportives. Elles sont soumises à la retenue à la source prévue par le c du I de l'article 182 B du CGI dès lors qu'en raison des retombées économiques attendues par le sponsor, ces prestations sont utilisées en France.
CAA Douai, 4e ch., 5 févr. 2019, n° 17DA00841, SAS Kenny Equipement, concl. J.-M. Riou (V. annexe)
Retenue à la source - Prestations utilisées en France - Notion -Le Conseil d'État, statuant sur l'application de la retenue à la source de l'article 182 B du CGI, décide que les prestations matériellement réalisées à l'étranger mais effectivement utilisées par une société située en France pour y opérer des choix de gestion stratégiques pour son activité constituent des « prestations utilisées en France ».
CE, 9e et 10e ch., 22 oct. 2018, n° 406576, Sté Sud Training Company, concl. É. Bokdam-Tognetti (FI 1-2019, n° 7.1.1)
Retenue à la source - Prestations fournies en France - Convention dénoncée - Droit de l'UE - Base nette -Le Conseil d'État juge qu'en présence de prestations de services rendues par une société danoise à une société française et soumises à retenue à la source sur le fondement de l'article 182 B du CGI, le mécanisme de restitution institué par voie doctrinale n'est pas subordonné à la condition que les revenus de source française fassent l'objet d'une imposition effective au Danemark. Il assure ainsi la compatibilité du droit interne avec le droit de l'UE.
CE, 8e et 3e ch., 24 oct. 2018, n° 413935, Stés SimCorp A/S et SimCorp France, concl. R. Victor (V. annexe 1)
Revenu fiscal de référence - Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus - Convention franco-belge -La Cour administrative d'appel de Versailles juge que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est distincte de l'impôt sur le revenu ; son assiette, constituée du revenu fiscal de référence, ne peut être rattachée à aucun autre revenu visé par la convention et relève donc de l'article relatif aux revenus non dénommés.
CAA Versailles, 1re ch., 2 oct. 2018, n° 17VE00960, Libre, concl. N. Chayvialle (FI 1-2019, n° 2, annexe 2)