Emmanuel RAINGEARD DE LA BLÉTIÈRE
Maître de conférences à l’Université Rennes I
Co-directeur du Master 2 DFA
Avocat associé, PwC Société d’avocats
Maître de conférences à l’Université Rennes I
Co-directeur du Master 2 DFA
Avocat associé, PwC Société d’avocats
SOUS LA COORDINATION DE :
#Auteur: Emmanuel¤ RAINGEARD DE LA BLÉTIÈRE
#Qualités: Maître de conférences à l’Université Rennes I
#Qualités: Co-directeur du Master 2 DFA
#Qualités: Avocat associé, PwC Société d’Avocats
Alors que l’Union européenne a adopté la directive sur l’impôt minimum, le Cadre inclusif continue de bâtir le système GloBE issu du modèle de règles publié en décembre 20211 au travers d’« instructions administratives » (« Administrative guidance ») « relatives à l’interprétation ou à l’administration des règles GloBE »2.
Les instructions administratives de février 20233 distinguent deux catégories :
- les « instructions administratives interprétatives » qui proposent une interprétation commune du modèle de règles et donneront de la sécurité juridique ; elles remplacent ou complètent le commentaire ou explicitent l’application de la règle à des cas particuliers ;
- les « instructions administratives opérationnelles » qui contiennent les règles procédurales et peuvent inclure des mesures de simplification administrative aboutissant à un résultat similaire aux règles GloBE.
Dans le système GloBE, les instructions administratives trouvent leur légitimité à l’article 8.3 du modèle de règles, selon lequel une juridiction « doit, sous réserve de toute disposition éventuelle de droit interne, appliquer les règles GloBE conformément aux instructions administratives agréées »4. Le commentaire5 sur cette disposition anticipait que dans certaines juridictions il ne serait pas possible de simplement se référer dans le droit interne aux instructions administratives et qu’il serait nécessaire soit que les administrations fiscales les adoptent dans leur propre doctrine administrative soit que le législateur national les incorpore dans le droit interne6.
Le Cadre inclusif avait-il mesuré la portée que lui-même allait conférer à cet instrument ? À la lecture de ces premières instructions, l’on réalise qu’outre leur fonction interprétative (allant jusqu’à contredire l’interprétation littérale), elles peuvent faire œuvre créatrice en ajoutant de nouvelles options ou tout simplement en édictant de nouvelles règles. Formellement, le modèle de règles, qui semble être gravé dans le marbre, reste intact puisque seul le commentaire évolue.
Selon le Cadre inclusif, de nombreuses autres instructions administratives devraient être publiées, créant pour les contribuables se préparant à leur mise en œuvre une réelle difficulté, puisqu’ils peuvent être amenés à revoir leurs interprétations et surtout leurs systèmes d’information en fonction des nouvelles exigences. Surtout, il peut être difficile de déterminer si le législateur national prendra en compte ces évolutions. Ce dernier y est fortement incité par le modèle de règles. En effet, les « règles du jeu »7 GloBE sont telles qu’une juridiction doit en principe mettre en œuvre GloBE de manière conforme, au risque de voir son système national disqualifié avec les conséquences que cela peut entraîner. L’on retrouve cette exigence, dans la définition de la « règle d’inclusion du revenu qualifiée » qui « désigne un ensemble de règles équivalentes aux dispositions des articles 2.1 à 2.3 des règles GloBE (y compris toute disposition des règles GloBE liée à ces articles) incluses dans le droit interne d’une juridiction, appliquées et administrées conformément aux effets prévus aux termes des règles GloBE et du c ommentaire, sous réserve que ladite juridiction n’octroie aucun avantage en lien avec ces règles »8.
Le commentaire évoluant sous l’influence des instructions administratives qui doivent être prises en compte en raison de l’article 8.3.1, il semble que les juridictions doivent les suivre pour mettre en œuvre un système qualifié, même s’ils devraient disposer de latitude dont nous ignorons l’ampleur. Nous ignorons également à ce stade les marges de manœuvre qui seront laissées aux États dans la mise en œuvre de ces règles.
Pour les États membres de l’UE, une difficulté supplémentaire existe dans la mesure où la directive étant antérieure aux instructions de février 2023, elle ne les prend (évidemment) pas en compte, même si la problématique avait (dans une certaine mesure) été anticipée puisque son considérant 24 prévoit que les commentaires postérieurs sont « sources d’illustration ou d’interprétation » mais seulement « dans la mesure où ces sources sont conformes à la présente directive et au droit de l’Union »9.
Les travaux de transposition de la directive, qui ont déjà commencé dans plusieurs États membres, seront riches d’enseignements sur la manière dont ils appréhendent les instructions administratives10 lesquelles modifient l’interprétation et l’application de nombreuses dispositions relatives au champ d’application (c hapitre 1 : V. § 1), à la détermination du résultat et des impôts concernés ajustés que ce soit pour la généralité des entreprises (c hapitre 2 : V. § 14) ou pour celles du secteur de l’assurance (c hapitre 3 : V. § 52), mais aussi, quelques mois avant leur mise en œuvre, les règles de transition (c hapitre 4 : V. § 69). Enfin, elles fixent des lignes directrices aux juridictions pour la mise en œuvre des impôts complémentaires nationaux qualifiés (c hapitre 5 : V. § 77) en leur laissant des marges de manœuvre importantes dont les États membres de l’UE ne nous semblent pas disposer dans le cadre de la directive11.
#Auteur: Patrick¤ JACOB
#Qualités: Professeur de droit public, Université Versailles Saint-Quentin
#Auteur: Emmanuel¤ RAINGEARD DE LA BLÉTIÈRE
#Qualités: Maître de conférences, Université Rennes I
#Qualités: Co-directeur du Master 2 DFA
#Qualités: Avocat associé, PwC Société d’avocats
La technique du modèle de convention (V. § 4) ou de législation (V. § 25) est ces dernières années au cœur de la stratégie de coordination de la fiscalité internationale de l’OCDE. L’OCDE (et le Cadre inclusif) ne s’arrête pas à leur conception et cherche par différents moyens (mise à disposition d’un instrument de droit dur, V. § 13), organisation de la pression des pairs, V. § 23, contre-mesures intégrées dans l’instrument, V. § 28 et § 33), à s’assurer qu’ils ne restent pas lettre morte. L’analyse d’un échantillon révèle de bons résultats qui toutefois varient selon la technique utilisée, le statut de l’action et les moyens mis en œuvre pour s’assurer de leur mise en œuvre et de leur effectivité. Lorsque les modèles sont suivis par les co-contractants ou par le législateur national, les commentaires qui les accompagnent se révèlent être une source d’interprétation dont la légitimité et l’efficacité varie selon qu’il s’agit d’un modèle de convention (V. § 43) ou de législation (V. § 44 et § 55), selon que les commentaires sont antérieurs ou postérieurs (V. § 45) au modèle mais aussi selon le contenu des commentaires (V. § 57). Si l’on peut peiner à identifier le fondement de cette prise en compte (V. § 48), il reste qu’en pratique, le commentaire est un moyen de poursuivre la coordination de la fiscalité internationale, avec des résultats incertains et limités (V. § 55) en raison de cette légitimité à géométrie variable si bien que l’on pourrait au moins être tenté de la clarifier dans l’instrument lui-même (V. § 58).
Droit de l'Union européenne - Principe général d'égalité - Droit dérivé - Facultés offertes aux États membres - Encadrement - La CJUE juge qu'un État membre s'inscrit dans le champ du droit de l'Union lorsqu'il fait usage d'une faculté offerte par une directive et octroie une réduction d'imposition. Dès lors, il doit respecter les principes généraux du droit de l'Union. En cas de perception d'une taxe indue, il doit la rembourser et s'acquitter d'intérêts. Au-delà du cas d'espèce, cet arrêt est l'occasion de rappeler que le principe général d'égalité (ou celui inscrit dans la Charte des droits fondamentaux) s'impose aux États membres dans la mise en œuvre des directives.
CJUE, 5e ch., 9 sept. 2021, C-100/20, XY (V. annexe 2)
Fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle - Communication de la Commission européenne - Recommandation sur le traitement fiscal des pertes - La Commission européenne a adopté une communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle, visant à promouvoir un système fiscal solide, efficace et équitable pour les entreprises dans l'Union européenne, à garantir des recettes publiques suffisantes au cours des prochaines années et à créer un environnement équitable et stable pour les entreprises. À ce titre, la Commission présentera d'ici à 2023 un nouveau cadre pour la fiscalité des entreprises dans l'UE, qui réduira les charges administratives, supprimera les obstacles fiscaux et créera un environnement plus favorable aux entreprises au sein du marché unique. La communication définit également un programme fiscal pour les deux prochaines années, assorti de mesures qui favorisent les investissements productifs et l'esprit d'entreprise, qui protègent mieux les recettes nationales et qui soutiennent les transitions écologique et numérique. Cette démarche s'appuie sur la feuille de route ambitieuse établie dans le plan d'action fiscal présenté par la Commission l'été dernier. Les mesures porteront notamment sur les éléments suivants : 1° assurer une plus grande transparence publique en proposant que certaines grandes entreprises opérant dans l'UE publient leurs taux d'imposition effectifs. L'utilisation abusive de sociétés écrans sera également combattue par de nouvelles mesures de lutte contre l'évasion fiscale ; 2° soutenir la reprise en s'attaquant à l'incitation fiscale favorisant l'endettement des entreprises prévue dans le système actuel d'imposition des sociétés, qui traite le financement par l'emprunt de manière plus favorable que le financement sur fonds propres. La Commission a enfin adopté une recommandation sur le traitement national des pertes, invitant les États membres à autoriser les entreprises à reporter en arrière les pertes sur l'exercice fiscal précédent au moins. Cette dernière mesure bénéficiera aux entreprises qui étaient rentables dans les années précédant la pandémie, leur permettant de déduire les pertes qu'elles ont subies en 2020 et 2021 des impôts qu'elles ont payés avant 2020.
Comm. UE, communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle, 18 mai 2021, COM(2021) 251 final
Élimination de la double imposition - Dividendes entrants - Crédit d'impôt conventionnel - Plafonnement de l'imputation (règle du butoir) - Libre circulation des capitaux - La CJUE juge que l'article 63 du TFUE ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre qui, dans le cadre d'un régime visant à compenser la double imposition de dividendes perçus par une société assujettie à l'impôt sur les sociétés de cet État membre dans lequel elle est établie, ayant fait l'objet d'un prélèvement par un autre État membre, accorde à une telle société un crédit d'impôt plafonné au montant que ce premier État membre recevrait si ces seuls dividendes étaient soumis à l'impôt sur les sociétés, sans compenser en totalité le prélèvement acquitté dans cet autre État membre.
CJUE, 2e ch., 25 févr. 2021, C-403/19, Société Générale SA (V. annexe 6)
Interprétation des conventions fiscales internationales - Commentaires de l'OCDE - Commentaires postérieurs à la conclusion de la convention - Valeur persuasive - Dans un arrêt de plénière fiscale, le Conseil d'État se prononce sur l'interprétation de l'article 5, § 5 de la convention entre la France et l'Irlande (conforme au modèle OCDE dans sa version antérieure à 2017, c'est-à-dire pré-Instrument multilatéral), en se référant aux commentaires de l'OCDE postérieurs à la conclusion de cette convention dont il reconnaît ainsi la valeur persuasive.
CE, plén. fisc., 11 déc. 2020, n° 420174, Min. c/ Sté Conversant International Limited, concl. L. Cytermann (FI 1-2021, n° 3.4)
Aides d'État - Rulings fiscaux - Notion de régime d'aide et d'aide individuelle - Régime belge des bénéfices excédentaires - Le Tribunal de l'UE valide la compétence de la Commission mais annule sa décision de la Commission au motif que cette dernière a commis une erreur de droit en estimant que les décisions anticipées permettant à des entreprises de déduire de leurs résultats imposables des bénéfices dits « excédentaires » constituaient un régime d'aides.
Trib. UE, 7e ch. élargie, 14 févr. 2019, T-131/16 et T-263/16, Belgique et Magnetrol International/Commission (V. annexe 4)
Droit de l'Union européenne - Aides d'État - Notion d'aide d'État - Condition relative à la sélectivité - Justification - La CJUE juge que ne remplit pas la condition relative à la sélectivité de l'avantage concerné un avantage fiscal, qui consiste à exonérer de l'impôt sur les acquisitions immobilières le transfert de la propriété d'un immeuble intervenu en raison d'une opération de transformation impliquant exclusivement des sociétés d'un même groupe liées par un rapport de participation d'au moins 95 % pendant une période minimale et ininterrompue de cinq années précédant ladite opération et de cinq années suivant celle-ci.
CJUE, gde ch., 19 déc. 2018, C374/17, A-Brauerei, concl. H. Saugmandsgaard Øe (V. annexe 4)
Droit de l'Union européenne - Aides d'État - Sélectivité d ‘une mesure fiscale - Affaires du goodwill espagnol -Le Tribunal de l'UE juge, dans les affaires du goodwill espagnol, qu'une mesure fiscale peut être sélective alors même que toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser l'opération qui conditionne l'octroi de l'avantage que prévoit cette mesure ; la sélectivité est alors fondée sur la distinction entre des entreprises choisissant de réaliser certaines opérations et d'autres entreprises choisissant de ne pas les réaliser.
Trib. UE, 15 nov. 2018, T-207/10, Deutsche Telekom/Commission, T-219/10 RENV, World Duty Free Group/Commission, T-227/10, Banco Santander/Commission, T-239/11, Sigma Alimentos Exterior/Commission, T-399/11 RENV, Banco Santander et Santusa/Commission, T-405/11, Axa Mediterranean/Commission et T-406/11, Prosegur Compañía de Seguridad/Commission