#Mots-clés: Prix de transfert, Aide d’État, cadre de référence, avantage sélectif, droit national, principes OCDE, approche autorisée de l’OCDE, AOA, établissement stable, attribution, profits, propriété intellectuelle, routine, entrepreneur, risque, ruling, rescrit, accord préalable sur les prix de transfert, APP, filiale, siège
#Pays: Union européenne, Irlande
#Auteur: Arnaud¤ LE BOULANGER
#Qualités:Avocat associé et Chef économiste, CMS Francis Lefebvre Avocats
#Auteur: Morgane¤ HAAG
#Qualités: Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
Un nouvel arrêt en Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), rendu dans l’affaire Apple1, sème le trouble quant aux règles à retenir pour l’applicabilité du principe de pleine concurrence comme norme de droit supranationale au sein de l’écosystème de l’UE. Dans la saga des affaires visant les aides d’État caractérisées sur le fondement des prix de transfert, contrairement aux décisions récentes en la matière, l’arrêt Apple de la CJUE valide le raisonnement de la Commission. Cet arrêt interroge notamment sur l’interprétation par les États membres de leur propre régime d’imposition et la sécurité juridique des contribuables au regard des rescrits qu’ils auraient pu conclure.
Semblant prendre le contrepied de son arrêt Fiat pourtant récente, la CJUE adopte ici une solution qui incorpore au cadre de référence le principe de pleine concurrence de l’OCDE pourtant non intégré au droit interne irlandais à l’époque des faits. Ceci s’explique tant par une circonstance d’espèce (autorité de la chose jugée portant sur le cadre de référence qu’avait retenu le TUE) que par le fait que les corpus de principes de l’OCDE directement visés ne sont pas exactement les mêmes dans ces deux décisions, même s’il existe un lien entre eux.
Ce faisant, le présent arrêt laisse sans réponse des questions pourtant fondamentales, notamment sur la cohérence entre les principes de l’OCDE eux-mêmes et une solution définitive qui attribue à des établissements stables au profil en apparence « de routine » un profit qui quant à lui ne l’est manifestement pas, ou encore sur la temporalité des principes de l’OCDE à retenir comme grille d’analyse, autant de points qui compliqueront la tâche des contribuables tout comme des administrations dans leur appréciation de la portée respective des arrêts Fiat et Apple.
Plus encore, le présent arrêt illustre une nouvelle fois le fort risque de remise en cause de la sécurité juridique recherchée tant par les contribuables que les administrations fiscales lorsqu’ils travaillent à une interprétation commune et consensuelle des principes de l’OCDE, très complexes à interpréter, et concluent un accord préalable sur les prix de transfert à cet effet, avec des enjeux financiers souvent majeurs. Là où la conciliation de leurs points de vue respectifs ne va en elle-même pas de soi, leur interprétation commune de ces principes dans un cas précis, obtenue après de longs travaux, pourra être remise en cause par une tierce partie - la Commission - des années plus tard, sous la sanction ultérieure des juges européens qui à leur tour devront forger leur propre interprétation de ces mêmes principes. Nul doute, dans ces conditions, que le présent arrêt sera lourd de conséquences.