Lise CHATAIN
Professeur à l’Université de Bourgogne
Professeur à l’Université de Bourgogne
#Mots-clés: Démembrement de propriété, usufruit, nue-propriété, usufruitier, nu-propriétaire, associé, droit des sociétés, droit des biens, évaluation, titres de participation, plus-value, plus-value sur titres, long terme, valeurs mobilières, droits sociaux, titres sociaux, pacte Dutreil, quasi-usufruit, portefeuille-titres
Organiser une journée en hommage à Maurice Cozian à la Faculté de droit de Dijon, pour celui qui a si brillamment fait partager, en Bourgogne et ailleurs, sa passion pour le droit fiscal et le droit des sociétés : une évidence ! C’est donc avec joie et fierté qu’en tant que codirecteurs du Magistère de droit des affaires et du Master de droit fiscal que ce grand universitaire avait eu la fantastique intuition de créer, nous nous sommes lancés dans l’aventure de célébrer cette grande figure du droit des affaires.
Le choix du thème de la journée, « Libres propos sur le démembrement de titres », s’est également assez vite imposé : adopter une vision transversale mêlant droit des sociétés et droit fiscal, sur un sujet posant de multiples questions la fois théoriques et pratiques, semblait en effet tout à fait fidèle à l’approche originale du Maître. Quant à la « liberté des propos », nous imaginons sans peine que cet esprit résolument libre y aurait largement souscrit.
Nous tenons à remercier chaleureusement les intervenants de cette belle journée, qui ont tous accepté sans hésiter d’y contribuer : les professeurs Florence Deboissy et Martial Chadefaux qui perpétuent le souvenir de Maurice Cozian à travers l’irremplaçable « Précis de fiscalité des entreprises », Eric Desmorieux, Hervé Kruger et Christian Guichard qui ont partagé leur vision de praticiens sur le démembrement de titres, et notre collègue Régis Vabres, qui a jusqu’à très récemment enseigné le droit fiscal à Dijon et dirigé le Master 2 Droit fiscal.
Nous formons le vœu que ce bel hommage à Maurice Cozian continue chaque année à Dijon, au cours d’une journée qui lui ressemble par la richesse et la liberté des échanges, aux confins des matières fiscale et sociétaire.
L. CHATAIN et J.-F. HAMELIN
Titres de participation - Titres relevant du régime des plus-value à long terme - Quote-part de frais et charges (QPFC) - L'administration fiscale procède à une importante mise à jour de ses commentaires au BOFiP consacrés à la définition des titres de participation relevant du régime des plus-values ou moins-values à long terme en matière de BIC et d'IS, qui n'avaient pas été revus depuis mai 2017. Elle y intègre plusieurs apports de la jurisprudence du Conseil d'État relativement aux conséquences de l'inscription en comptabilité de titres en compte de titres de participation (CE, 29 mai 2017, n° 405083) et à la définition comptable de tels titres (CE, 8 nov. 2019, n° 422377 et CE, 26 janv. 2018, n° 408219). Depuis, le Conseil d'État a statué sur la qualification de titres nouvellement acquis par une société mère dans la situation particulière de la recapitalisation d'une filiale suivie à court terme de sa dissolution avec transmission universelle du patrimoine à la société mère (CE, 11 juin 2024, n° 470721). L'administration fiscale refond également ses commentaires consacrés aux modalités d'imposition des plus-values de cession de titres de participation réalisées par les sociétés soumises à l'IS, qui n'avaient pas été revus depuis février 2016. Elle y tire notamment les conséquences de décisions rendues ces dernières années par le Conseil d'État en matière de quote-part de frais et charges (CE, 17 juin 2017, n° 400855 et CE, 15 nov. 2021, n° 454105).
BOI-BIC-PVMV-30-10, 3 avr. 2024. - BOFiP, actualité, 3 avr. 2024
Entrepreneur individuel - Insaisissabilité de la résidence principale - P r eu ve de la destination de l'immeuble - Procédure collective - D roit de gage général des créanciers- La Cour de cassation juge qu'il résulte de la combinaison des articles L. 526-1 du code de commerce et 1315, devenu 1353, du code civil, que celui qui se prévaut des dispositions du premier pour soustraire du droit de gage général des créanciers de la procédure collective d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante un immeuble appartenant à celle-ci, doit apporter la preuve qu'à la date d'ouverture de cette procédure, cet immeuble constituait sa résidence principale et n'était donc pas entré dans le gage commun des créanciers.
Cass. com., 22 nov. 2023, n° 22-18.795, F-B (V. annexe 1)
Parts d'une société relevant du régime des sociétés de personnes - Parts détenues en usufruit par une société à l'IS - Mécanisme issu de la jurisprudence Quemener - La CAA de Paris juge que la règle fixée par la jurisprudence Quemener a pour objet d'assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale, compte tenu de la nature spécifique du régime prévu à l'article 8 du CGI et trouve également à s'appliquer dans le cas où, à l'occasion d'une opération de fusion-absorption, une société vient à retirer de l'actif de son bilan l'usufruit des parts composant le capital d'une société relevant de ce régime, absorbée, et y inscrit l'usufruit des parts composant le capital de la société, relevant également de ce régime, absorbante. La circonstance que les parts composant le capital d'une société soumise au régime prévu à l'article 8 du CGI soient démembrées ne fait pas obstacle à ce qu'une plus ou moins-value d'échange soit réalisée à l'occasion d'une telle opération et calculée selon ces modalités.
CAA Paris, 2e ch., 27 sept. 2023, n° 22PA01397, Sté Pierre et Vacances Financement, concl. A. Segretain, C (V. annexe 4)
Titres de participation - Exonération d'IS des plus-values (CGI, art. 219, I, a quinquies) - Notion de société à prépondérance immobilière - Distinction entre les immeubles affectés à l'exploitation de l'entreprise et ceux objets de son exploitation - Le Conseil d'État précise la notion de société à prépondérance immobilière au sens et pour l'application de l'exonération des plus-values à long terme sur titres de participation (CGI, art. 219, I, a sexies-0 bis). Les sociétés à prépondérance immobilières sont celles dont l'actif est constitué à plus de 50 % par des immeubles ou droits immobiliers, compte non tenu des immeubles ou droits affectés par l'entreprise à sa propre exploitation. Le Conseil d'État précise que les immeubles affectés par l'entreprise à sa propre exploitation s'entendent exclusivement de ses moyens permanents d'exploitation, à l'exclusion des immeubles qui sont l'objet même de cette exploitation ou qui constituent des placements en capitaux.
CE, 8e et 3e ch., 29 sept. 2023, n° 469788, Sté Bagest, concl. K. Ciavaldini : Lebon T. (V. annexe 5)
Sociétés de personnes - Exercice de l'activité professionnelle au sein de la société - Cession de parts sociales avant la date de clôture de l'exercice - Rémunération versée à l'associé cédant à raison de l'activité exercée dans l'entreprise avant son départ - Élément du prix de cession de ces parts (oui) - Charge déductible des résultats de la société (non) - Le Conseil d'État complète la jurisprudence sur l'imposition des associés d'une société de personnes dans le cas particulier d'une cession de parts sociales avant la clôture de l'exercice. En l'espèce, l'administration fiscale avait remis en cause la déduction d'une somme présentée comme correspondant à la rémunération de l'associé sortant à raison de l'activité qu'il avait déployée dans l'entreprise avant son départ. Le Conseil d'État valide ce rehaussement au motif que cette somme devait être regardée, non pas comme une charge déductible des résultats de la société, mais comme un élément du prix de cession des parts, prélevé par le cessionnaire sur la quote-part des bénéfices sociaux qui lui revenait à la clôture de l'exercice. En l'espèce, il s'agissait d'un GAEC et les associés présents au moment de la cession n'avaient pas opté pour l'imposition immédiate des résultats (CGI, art. 73 D).
CE, 9e et 10e ch., 30 juin 2023, n° 460432, Le Goff, concl. C. Guibé : Lebon T. (V. annexe 3)
Patrimoine de l'entreprise - Évaluation de la valeur vénale des titres d'une société non cotée - Seuil de 20 % pour caractériser un écart significatif de valorisation - La jurisprudence administrative récente appelle à la prudence dans l'utilisation de la tolérance de 20 % pour évaluer les titres non cotés, manifestant qu'il ne s'agit pas d'un seuil valable en toutes circonstances.
CAA Nantes, 1re ch., 28 janv. 2022, n° 20NT00347, Min. c/ SAS Equinoxe 29. – CE, (na), 10 nov. 2022, n° 462723
Maintien abusif au sein d'une SCP - Dommages-intérêts versés aux autres associés - Parts de la SCP dans le patrimoine privé - Absence d'exercice de l'activité professionnelle - Non-déductibilité fiscale des dommages-intérêts - Un notaire qui s'est abusivement maintenu au capital de la SCP alors qu'il n'était plus autorisé à exercer a été condamné par la juridiction judiciaire à verser à ses associés des dommages-intérêts pour maintien abusif. Le Conseil d'État juge que ces dommages-intérêts ne sont pas déductibles en tant que dépenses engagées pour l'acquisition d'un revenu. En effet, le maintien abusif visait à conserver les parts de la SCP, lesquelles n'étaient pas un élément de l'actif professionnel mais un élément du patrimoine privé dès lors que l'intéressé n'exerçait plus son activité de notaire. Or, le Conseil d'État juge que les dépenses engagées pour acquérir ou conserver un élément du patrimoine privé, même productif de revenus, ne sont pas déductibles.
CE, 9e et 10e ch., 22 mars 2023, n° 464167, Min. c./ Kerorgant (V. annexe 1)
Professions libérales réglementées - Cadre juridique des structures d'exercice - Réforme - Une ordonnance, prise en application de l'habilitation prévue à l'article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante, réforme en profondeur le cadre juridique des structures d'exercice auxquelles peuvent recourir les membres des professions libérales règlementées. Outre une clarification des règles qui leur sont applicables, l'ordonnance élargit entre autres le cadre juridique de l'exercice pluri professionnel, assouplit le régime des sociétés de participations financières de professions libérales et renforce la transparence du fonctionnement des structures d'exercice. Les principales mesures de cette réforme entreront en vigueur au 1er septembre 2024.
Ord. n° 2023-77, 8 févr. 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées : JO 9 févr. 2023, texte n° 3 (V. annexe 1)
#Auteur: Lise¤ CHATAIN
#Qualités: Professeur à l’Université de Bourgogne
La mise en œuvre de la loi du 14 février 2022 conduit à multiplier les assiettes possibles pour le patrimoine professionnel de l’entrepreneur, selon que l’on raisonne sur la base des règles établies dans le cadre du nouveau statut de l’EI ou sur celle des dispositions comptables ou fiscales. Aux termes des nouvelles dispositions du code de commerce, c’est le critère de l’utilité qui permet désormais de déterminer l’assiette du patrimoine professionnel de l’entrepreneur (V. § 6). Comptablement, l’entrepreneur est libre de déterminer le contenu actif et passif de son patrimoine professionnel en vertu de la liberté d’affectation comptable mais il doit respecter certaines contraintes normatives, liées notamment aux règles d’activation des biens (V. § 18). Le nouveau régime de l’EI prévoit une présomption d’alignement du patrimoine professionnel sur son traitement comptable, mais il s’agit d’une présomption simple (V. § 20). En droit fiscal, l’entrepreneur bénéficie également d’une liberté d’affectation au bilan qui lui permet de choisir le contenu de son patrimoine professionnel fiscal pour la taxation du bénéfice de son entreprise (V. § 26). Cette liberté reçoit tout de même des limites qui conduisent notamment à inscrire obligatoirement certains biens à l’actif (comme les éléments du fonds de commerce de l’exploitant) ou à neutraliser certains produits et charges du résultat fiscal lorsqu’ils ne proviennent pas de l’activité professionnelle (V. § 30). Par ailleurs, le patrimoine professionnel reçoit une définition spécifique pour d’autres impôts comme l’IFI (V. § 33). Cependant, le nouveau régime de l’EI, même s’il conduit à une superposition des assiettes possibles pour le patrimoine professionnel de l’exploitant, au sens juridique, comptable ou fiscal, ne devrait pas modifier les règles de taxation de l’entreprise individuelle soumise à l’IR (V. § 34). Enfin, la mise en œuvre du nouveau statut de l’EI peut emporter des conséquences au regard du droit de gage de l’administration (notamment si l’entrepreneur a opté pour son assimilation à une société unipersonnelle à responsabilité limitée soumise à l’IS (V. § 38).
L’option pour l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL/EARL qui emporte soumission à l’IS constitue une figure complexe soumise à de strictes conditions. Elle soulève des incertitudes liées à l’assiette du patrimoine professionnel au regard des règles fiscales (V. § 41). Cette option entraîne certains effets au regard des droits d’apport des biens à l’entreprise assimilée à une EURL/EARL (V. § 46), de la cessation des activités de l’entreprise individuelle qui passe de l’IR à l’IS (V. § 51) ou du transfert de biens entre le patrimoine professionnel et privé de l’exploitant (V. § 53). La soumission à l’IS des entrepreneurs relevant des BNC emporte des conséquences particulières du fait de l’application de la comptabilité d’engagement (V. § 55). La renonciation à l’option pour l’IS peut enfin entraîner les effets redoutables de la cessation d’entreprise et notamment la taxation des bénéfices mis en réserve (V. § 59). La soumission à l’IS de l’entreprise individuelle ayant opté pour l’assimilation à une société unipersonnelle à responsabilité limitée présente un certain nombre d’avantages comme la déduction de la rémunération versée à l’exploitant (n° 65) et sa taxation corrélative à l’IR (V. § 66) ou la limitation de l’imposition des résultats non distribués (V. § 68). La double taxation des bénéfices distribués à l’IS puis à l’IR reste par ailleurs avantageuse pour les exploitants imposés dans les tranches supérieures de l’IR (V. § 69). L’option pour l’IS emporte enfin un traitement spécifique des déficits réalisés dans le cadre de l’activité professionnelle (V. § 72) et des conséquences rédhibitoires lors de la cessation de l’exploitation (V. § 73).
Entreprise - Acte anormal de gestion - Mise à la disposition gratuite d'un associé d'un immeuble inscrit à l'actif d'une société conformément à son objet social - De l'impossible renonciation à recettes par une société - Le Conseil d'État rappelle qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du CGI, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale, et que constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il précise qu'au regard de ces principes, la seule circonstance qu'une renonciation à recettes par une société de capitaux au bénéfice de ses associés serait conforme à l'objet social de l'entreprise n'est pas à elle seule de nature à faire regarder cette renonciation comme étant dans l'intérêt propre de l'entreprise, ni que satisfaire par cette gratuité l'un des objets pour lequel la société a été créée soit une contrepartie suffisante.
CE, 9e et 10e ch., 22 juill. 2022, n° 444942, Sté Phoenix Union Co, concl. E. Bokdam-Tognetti (V. annexe 1)
Entrepreneur individuel - Patrimoine professionnel - Définition - Mentions sur les documents professionnels - La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante a créé un nouveau statut de l'entrepreneur individuel (IP 2-2022, n° 6, § 1, comm. L. Chatain). Le décret n° 2022-725 du 28 avril 2008, pris en application de cette loi, détermine les éléments susceptibles d'être inclus dans le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel en raison de leur utilité (dont la notion est précisée), ainsi que les mentions que doit apposer l'entrepreneur individuel pour l'exercice de son activité professionnelle dans les documents et correspondances à usage professionnel. Il entre en vigueur le 15 mai 2022.
D. n° 2022-725, 28 avr. 2022 : JO 29 avr. 2022, texte n° 11 (V. annexe 1)
Cession de parts sociales d'une entreprise commerciale - Recouvrement de la créance de prix par le gérant - Taux d'intérêt légal des créanciers non professionnels - Le taux de l'intérêt légal comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas (CMF, art. L. 313-2). La Cour de cassation confirme un arrêt d'appel ayant jugé que le cédant de parts sociales d'une société commerciale dont il est gérant, puisqu'il n'agit pas pour des besoins professionnels quand il réclame à son cessionnaire le paiement du produit de cession, relève de la première catégorie.
Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-11.845, Sté Bourbon cars investissements (V. annexe 5)
Entrepreneur individuel - Protection - Distinction du patrimoine en deux masses : le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel (C. com., art. L. 526-22) - La loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante crée à compter du 15 mai 2022 un nouveau statut pour l'entrepreneur individuel qui figure au titre II du livre V du code de commerce dans le chapitre intitulé « De la protection de l'entrepreneur individuel » (C. com., art. L. 526-22 à L. 526-26). L'ambition du texte est d'améliorer la protection de l'entrepreneur individuel en créant un nouveau régime unique qui distingue son patrimoine en deux masses : le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel.
L. n° 2022-172, 14 févr. 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante, art. 1er : JO 15 févr. 2022, texte n° 2
Solde créditeur d'un compte courant d'associé - Transfert par un dirigeant à une autre société - Usage des biens ou du crédit de la société qu'il dirige (non) - Le dirigeant de fait d'une société commerciale avait transféré le solde de son compte courant d'associé au bénéfice d'une autre société dont il était aussi le dirigeant et l'associé. Des suites de la mise en liquidation judiciaire de la première société, une cour d'appel a jugé que le dirigeant avait commis une faute consistant dans l'usage des biens de la personne morale propre à fonder son obligation personnelle au paiement des dettes sociales (C. com., art. L. 652-1 alors applicable). La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel en déniant l'usage des biens ou du crédit de la société par son dirigeant. Elle rappelle qu'en transférant le solde de son compte courant d'associé créditeur, le dirigeant n'a fait que disposer de sa créance et non d'un actif social.
Cass. com., 12 janv. 2022, n° 20-20.344 (V. annexe 1)
Plus-value sur titres - Plus-value professionnelle - Régimes d'abattement et d'exonération - Départ en retraite - Location-gérance - Seuils d'exonération - La loi de finances pour 2022 aménage : 1° le régime de faveur d'imposition des plus-values sur titres des particuliers. Ce régime, réservé sous conditions aux contribuables faisant valoir leurs droits à la retraite, prévoit un abattement de 500 000 € pour l'imposition de la plus-value à l'impôt sur le revenu (CGI, art. 150-0 D ter). Entre autres conditions, le bénéfice de cet abattement nécessite que le cédant cesse toute fonction et fasse valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans suivant ou précédant la cession. La loi de finances pour 2022 prévoit que, lorsque le cédant fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et que ce départ en retraite précède la cession, le délai passerait de 2 à 3 ans. Par ailleurs, le régime de faveur, aujourd'hui limité aux cessions intervenues jusqu'au 31 décembre 2022, est étendu à celles intervenues jusqu'au 31 décembre 2024 ; 2° les régimes d'imposition de faveur des plus-values professionnelles réalisées en cas de cession d'une entreprise prévus, sous condition, aux article 151 septies A (départ en retraite) et 238 quindecies du CGI (cessions de TPE). Ces régimes nécessitent, en présence d'une location-gérance, que l'entreprise soit cédée au locataire gérant. La loi de finances pour 2022 met fin à cette exigence sous conditions. Par ailleurs, l'exonération prévue à l'article 238 quindecies du CGI, totale en cas de cession d'éléments d'actifs jusqu'à 300 000 € et dégressive de 300 000 € à 500 000 €, bénéficie d'un rehaussement de ces seuils de 300 000 € à 500 000 € et de 500 000 € à 1 000 000 €, ainsi que d'une clarification de leurs modalités d'appréciation. Enfin, s'agissant du régime de l'article 151 septies A du CGI, la loi prévoit que, lorsque le cédant fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 et que ce départ en retraite précède la cession, le délai dans lequel celle-ci doit intervenir passe de 2 à 3 ans.
L. n° 2021-1900, 30 déc. 2021 de finances pour 2022, art. 19 : JO 31 déc. 2021, texte n° 1 (texte et travaux préparatoires : V. annexe 1)
Pacte Dutreil-transmission - Holding animatrice - Preuve du caractère effectif de l'animation - La Cour de cassation rejette un pourvoi dirigé contre un arrêt d'appel ayant, à la suite d'une analyse détaillée des rapports existant entre une société holding et ses filiales opérationnelles, rejeté sa qualification de holding animatrice dont dépendait son éligibilité au régime d'exonération d'ISF au titre de l'outil professionnel (décision transposable au pacte Dutreil). Loin de se contenter de l'existence et des termes d'une convention d'animation, de procès-verbaux de réunion du conseil de surveillance et de rapports de gestion du directoire, les juges du fond ont déduit de l'analyse de la société holding (notamment ses faibles moyens humains) et des rapports entre cette société et les filiales du groupe (défaut d'éléments factuels attestant de directives données par la holding aux filiales et d'une stratégie déterminée par celle-ci, etc.) l'absence de preuve du caractère effectif de l'animation.
Cass. com., 23 juin 2021, n° 19-16.351 (V. annexe 4)
Stocks d'un ancien exploitant agricole - Cession - Prélèvements sociaux - Le Conseil d'État juge que les revenus déclarés dans la catégorie des bénéfices agricoles et provenant de la cession, après la cessation de l'exploitation, de l'intégralité d'un stock d'eau-de-vie dont l'agriculteur était resté en possession après avoir fait valoir ses droits à la retraite est soumis à la CSG sur les revenus du patrimoine, alors même que ce stock a été constitué au cours de la période d'activité.
CE, 3e et 8e ch., 2 avr. 2021, n° 428084, Min. c/ Lesne (V. annexe 2)
Usufruit temporaire de parts sociales de SCI - Évaluation - Méthode dite des « DCF classique » - Sur renvoi du Conseil d'État dans l'affaire Luccotel, la CAA de Nantes valorise un usufruit temporaire de parts sociales de SCI selon la méthode dite « DCF classique » consistant à limiter les fruits à actualiser aux seuls flux effectivement décaissés en trésorerie par l'entreprise au profit des associés pendant la durée de l'usufruit, soit les flux correspondant notamment aux intérêts et annuités des emprunts en cours ou de ceux finançant des projets, à l'amortissement des investissements, au paiement des impôts et taxes, aux assurances et aux frais de gestion.
CAA Nantes, 1re ch., n° 19NT03876, SARL Hôtel Restaurant Luccotel, concl. L. Chollet (IP 2-2021, n° 3, annexe 6)
Obligation de conseil des experts-comptables - Perte d'une chance d'obtenir une exonération fiscale - Responsabilité civile professionnelle - La Cour de cassation juge qu'un conseil n'ayant pas permis à son client de bénéficier de l'ancien régime d'exonération d'impôt sur la plus-value sur titres en cas de cession d'entreprise dans un cadre familial engage sa responsabilité civile professionnelle.
Cass. com., 27 janv. 2021, n° 18-11.189, O. c/ Sté MMA IARD (V. annexe 3)
Cession de l'entreprise - Garantie de passif - Une réponse ministérielle confirme que lorsque l'indemnité accordée directement à la société cédée en vertu d'une clause de garantie de passif conclue entre le vendeur des titres de cette société et leur acquéreur a pour objet de compenser une charge fiscalement non déductible du résultat imposable, elle ne constitue pas un produit imposable.
RM Grau, n° 28652 : JOAN 9 févr. 2021, p. 1154 (V. annexe 4)
Apport de titres à une société à prix minoré - Existence d'une libéralité - Contexte de la négociation - Deux associés A et B étaient en désaccord ; l'un (B) souhaitait quitter la société et l'autre (A) n'avait pas les moyens de lui racheter ses parts. Il a donc fait appel à des investisseurs extérieurs avec lesquels il a créé une société qui a acquis tous les titres de la première. Cette nouvelle société a acquis les titres de B au prix fort, du fait de son pouvoir de négociation (ou de nuisance). A a dû accepter d'apporter les siens pour une valeur d'apport très inférieure à ce prix. L'administration a estimé que la bonne valeur était nécessairement le prix versé à B et que A avait donc consenti une libéralité à la nouvelle société en apportant ses propres titres pour une valeur minorée. Le Conseil d'État considère en substance que la bonne valeur est la valorisation de la société acceptée par les investisseurs extérieurs et qu'il y a en quelque sorte des vases communicants. Il juge qu'il y a bien un écart de prix mais qu'il y a une contrepartie pour A (qui réussit à organiser le départ rapide du capital et de la gouvernance de la société de son associé avec lequel il ne s'entendait plus et ce en gardant le contrôle de sa société).
CE, 8e et 3e ch., 21 oct. 2020, n° 434512, SAS Société Nouvelle Cap Management (SNCM), concl. R. Victor (V. annexe 3)
#Auteur: Lise¤ CHATAIN
#Qualités: Maître de conférences (HDR) à la faculté de droit de Montpellier
Le droit civil semble aujourd’hui aveugle à la sociologie réelle du divorce : les différences de revenus et de patrimoine entre hommes et femmes perdurent, et le divorce ne fait qu’aggraver la situation. Le droit fiscal ne permet pas de remédier à cette difficulté. Le traitement fiscal actuel du divorce balance en effet entre équité apparente et iniquité avérée.
La taxation séparée des époux pendant la procédure de divorce est tout à fait appropriée (V. § 19). En revanche, le régime fiscal en matière de pension alimentaire pose question (V. § 27). La déduction de la pension alimentaire par le débiteur apparaît comme une faveur fiscale doublement discutable : au regard des époux mariés pour lesquels la déduction des frais d’entretien des enfants est impossible ; au regard de l’épouse qui est taxée sur une pension qui ne constitue pas un réel enrichissement. La répartition du quotient familial entre les deux parents peut également engendrer des difficultés auxquelles il faut être attentif (V. § 42).
Par ailleurs, deux mécanismes fiscaux semblent particulièrement inéquitables à l’occasion du divorce du couple. D’une part, le traitement de la prestation compensatoire sous forme de capital présente des dangers dont l’épouse bénéficiaire doit être avertie (V. § 64). En effet, le traitement fiscal de la prestation compensatoire versée sur une période supérieure à 12 mois offre au débiteur un outil de défiscalisation facile et sans risque. D’autre part, le mécanisme de décharge de solidarité tel qu’il ressort de la jurisprudence actuelle n’assure pas la protection du conjoint le plus faible (V. § 85). Ainsi, l’impôt se transforme pour l’épouse démunie en une peine de longue durée.
#Auteur: Lise¤ CHATAIN
#Qualités: Maître de conférences (HDR) à la faculté de droit de Montpellier
Le rattachement de la location meublée au régime de la fiscalité des entreprises aboutit à un traitement fiscal sibyllin, d’autant plus que ce qui valable pour l’impôt sur le revenu ne l’est pas forcément pour d’autres impôts...
Au regard de l’impôt sur le revenu, l’article 35, I, 5° bis du CGI dispose depuis le 1er janvier 2017 que relèvent des BIC les revenus des personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d'habitation meublés (V. § 9). Si certains revenus de location meublée sont expressément exonérés d’IR par la loi (V. § 13), la majorité des loueurs en meublés relèvent du régime du LMNP (loueur en meublé professionnel) (V. § 16) ou LMP (loueur en meublé professionnel) (V. § 32) qui constituent des outils efficaces de défiscalisation : défiscalisation immédiate sur le revenu global du contribuable et défiscalisation « à retardement » grâce à l’imputation des amortissements différés et à l’exonération des plus-values.
En matière d’IFI, les locaux d’habitation loués meublés entrent dans le champ de l’impôt (V. § 46).Toutefois certains immeubles affectés à une activité de location meublée peuvent être considérés comme des actifs professionnels et être ainsi exonérés de l’IFI en vertu de l’article 975 du CGI (V. § 48).
Au regard de la TVA, les activités de location immobilière sont exonérées (V. § 60), à l’exception des opérations d’hébergement entrant en concurrence avec les secteurs hôtelier (V. § 63). Ainsi, en matière de location meublée, la règle est l’exonération de la taxe. Mais si la location meublée est accompagnée de certaines prestations de services, l’opération devient alors une opération d’hébergement assimilable à une prestation hôtelière, et l’exonération ne s’applique pas.
Enfin, comme en matière de taxe professionnelle, la location ou la sous-location de locaux meublés constitue par détermination de la loi une activité professionnelle passible de la CFE (V. § 68). En revanche, une très grande majorité des particuliers qui louent en meublé ne sont pas redevables de la CVAE (V. § 71).
Apport de titres - Report d'imposition - Constitution - Opérations entrant dans le champ de la directive fusions - Opérations purement internes - Le Conseil constitutionnel juge que la différence de traitement dans l'imposition des plus-values en report d'imposition (CGI, art. 150-0 B ter) selon qu'elles se réalisent dans le cadre transnational de l'UE ou dans un autre cadre (interne ou international hors UE) ne méconnait pas le principe d'égalité devant l'impôt. Dans le cadre de l'UE, le report d'imposition présente un caractère purement intercalaire conformément aux règles imposées par la directive fusions (CJUE, 18 sept. 2019, C-662/18 et C-672/18), au contraire des mêmes reports d'imposition réalisés dans un cadre purement interne pour lesquels l'assiette et le taux d'imposition à l'impôt sur le revenu de la plus-value sont figés à la date du report. Cette différence de traitement, fondée sur une différence de situation, est jugée conforme à la Constitution.
CC, 3 avr. 2020, n° 2019-832/833 QPC, Marc S. et a. (V. annexe 1)
Rémunération des dirigeants de sociétés - Rémunération excessive et/ou abusive - Abus de majorité - La Cour de cassation confirme la jurisprudence en matière de rémunération de gérant de SARL qui, pour constater un abus de majorité, impose une violation de l'intérêt social dans l'unique but de favoriser les associés gérants majoritaires : la décision de fixation d'une rémunération peut être abusive si cette rémunération excessive épuisant le résultat social se combine avec une suspension du versement de dividendes.
Cass. com., 15 janv. 2020, n° 18-11.580 (V. annexe 1)
Évaluation - Usufruit temporaire de parts de SCI - Évaluation sur la base des distributions prévisionnelles - Le Conseil d'État juge que l'évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles qui peut être fonction notamment des annuités prévisionnelles de remboursement d'emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d'investissements futurs, lorsqu'elles sont justifiées par la société. Par suite, commet une erreur de droit la cour jugeant que la méthode d'évaluation de la valeur de l'usufruit acquis par la requérante, retenue par l'administration et fondée sur les résultats imposables prévisionnels de la société, était régulière alors qu'il convenait de déterminer cette valeur sur la base des distributions prévisionnelles.
CE, 9e et 10e ch., 30 sept. 2019, n° 419855, Sté Hôtel Restaurant Luccotel et n° 419860, Sté VP Santé, concl. E. Bokdam-Tognetti (V. annexe 1)
Cession d'un actif à prix minoré - Donation indirecte - La Cour de cassation juge qu'une vente à prix minoré entre une société et le président de son conseil d'administration peut donner lieu à une imposition aux droits de donation. L'opération, qualifiée de donation indirecte, a été valablement soumise aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60% (mutations réalisées au profit de personnes non parentes). Dans cette affaire, le contribuable n'avait pas soutenu devant les juges du fond que la donation litigieuse constituait en réalité un avantage occulte.
Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-15.621, Sté Harmonie (V. annexe 5)
Cession de parts de société de personnes - Redevable de l'impôt sur le revenu - Le Conseil d'État apporte des précisions sur la détermination du redevable de l'IR dû à raison des bénéfices d'une société de personnes en cas de cession de parts intervenant en cours d'exercice.
CE, 3e ch., 26 sept. 2019, n° 419825
Fonds de commerce - Cession - Mise en location-gérance - La loi de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés supprime les mentions obligatoires prévues dans l'acte de cession d'un fonds de commerce et la condition d'exploitation préalable du fonds par le propriétaire pendant 2 ans avant sa mise en location-gérance.
L. n° 2019-744, 19 juill. 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, art. 1er et 2 : JO 20 juill. 2019, texte n° 1 (V. annexe 1)
Sociétés de personnes - Plus-values - Jurisprudence Quemener - Le Conseil d'État abandonne sa jurisprudence Lupa et juge que la mise en œuvre du mode de calcul issu de la jurisprudence Quemener pour déterminer le prix de revient des parts d'une société de personnes, à la suite de leur cession ou d'une dissolution sans liquidation de cette société, n'est pas subordonnée à une double imposition de l'associé.
CE, plén. fisc., 24 avr. 2019, n° 412503, Sté Fra SCI, concl. K. Ciavaldini (IP 2-2019, n° 2.2)
Opération d'échange de titres - Plus-value - Sursis d'imposition (CGI, art. 150-0 B) - Parts d'une société de personnes - Le Conseil d'État juge que le mécanisme du sursis d'imposition de l'article 150-0 B du CGI s'applique en cas d'apport de parts d'une société de personnes.
CE, 9e et 10e ch., 27 févr. 2019, n° 408457, Jacob, concl. E. Bokdam-Tognetti (V. annexe 2)
Opération d'apport-donation-cession- Plus-value sur titres - Modalités d'imposition - Constitution - Le Conseil d'État renvoie au Conseil constitutionnel une QPC sur le II de l'article 150-0 B ter du CGI qui fixe les modalités d'imposition entre les mains du donataire de la plus-value dont sont grevés les titres ayant rémunéré un apport en cas de cession de ceux-ci par le donataire avant le délai de 18 mois prévu au 1° de ce II.
CE, 8e et 3e ch., 6 févr. 2019, n° 425447, Ruimy, concl. K. Ciavaldini (V. annexe 5)