Clothilde GRARE-DIDIER
Professeur à l’Université Paris Cité
Professeur à l’Université Paris Cité
Régime matrimonial - Communauté de biens - Apport de biens communs à une société - Renonciation par un époux à sa qualité d'associé lors de l'apport -Revendication ultérieure de cette qualité - La Cour de cassation considère que la renonciation par l'époux à sa qualité d'associé lors de l'apport fait à une société de biens communs par son conjoint ne fait pas obstacle à ce que l'unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette même qualité.
Cass. com., 19 juin 2024, n° 22-15.851, FS-B (V. annexe 2)31
Concubinage - Prescription des créances - La Cour de cassation refuse la transmission d'une QPC soutenant la contrariété à la Constitution de l'inapplication aux concubins de l'article 2236 du code civil, selon lequel la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux ou partenaires de PACS.
Cass. civ. 1re, 10 juill. 2024, n° 24-10.157, F-B (V. annexe 3)37
#Mots-clés: Régime matrimonial, contrat de mariage, convention matrimoniale, liberté
#Article du code civil: 1387
#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
Au cœur de l’ingénierie des conventions matrimoniales s’inscrit un principe cardinal de notre droit patrimonial de la famille : la liberté des conventions matrimoniales (V. § 1). Aujourd’hui, les contextes politique, économique, sociologique et juridique dans lesquels il prend corps ont profondément changé (V. § 3). Affirmé haut et fort dans la lettre du texte, libéré dans le cadre des changements de régime, il peine néanmoins à exprimer toutes ses potentialités tant certaines prévisions sont mises à mal à l’heure des ruptures conjugales (V. § 12). Pourtant, les attentes des couples en termes de sécurité ont rarement été aussi grandes et variées (V. § 7). L’ingénierie classique doit aujourd’hui encore progresser ; il n’y a jamais eu autant besoin d’une ingénierie des conventions de mariage solide et sécurisée, et elle n’a jamais été aussi difficile à réaliser tant certaines jurisprudences récentes de la Cour de cassation perturbent à l’heure de la dissolution les équilibres voulus et actés dans les conventions (V. § 11). C’est finalement à une réflexion sur la place de la loi, de l’ordre public et donc du contrat qui aujourd’hui doit être menée (V. § 12 à 14).
Régime matrimonial - Séparation de biens - Obligation de contribution aux charges du mariage - Financement de la construction d'un immeuble par apport en capital - La Cour de cassation juge qu'il résulte de l'article 214 du code civil que, sauf convention contraire des époux, l'apport en capital de fonds personnels, réalisé par un époux séparé de biens pour financer l'amélioration, par voie de construction, d'un bien personnel appartenant à l'autre et affecté à l'usage familial, ne participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Cass. civ. 1re, 5 avr. 2023, n° 21-22.296, FS-B (V. annexe 2)
Régime matrimonial - Communauté de biens entre époux - Récompense - Évaluation - La Cour de cassation rappelle, en présence d'une construction sur terrain propre financée par des deniers communs, la méthode de calcul de la récompense. Les juges du fond avaient évalué la récompense à la valeur vénale de la construction seule hors terrain, alors qu'elle aurait dû être déterminée en déduisant de la valeur globale du bien au jour de la liquidation de la communauté celle qu'aurait eu ledit bien en l'absence des travaux financés par la communauté.
Cass. civ. 1re, 30 nov. 2022, n° 21-13.662, F-D (V. annexe 2)
Régime matrimonial - Communauté de biens entre époux - Parts sociales - Revendication de la qualité d'associé - Renonciation tacite - La Cour de cassation juge que la renonciation à la revendication par l'époux commun en biens de l'article 1832-2 du code civil peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer.
Cass. com., 21 sept. 2022, n° 19-26.203, FS-B (V. annexe 2)
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
#Qualités: Membre du CEDAG
#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
#Qualités: Professeur à l’Université Paris Cité
#Qualités: Membre du CEDAG
La loi du 14 février 2022 pourrait être d’une mise en œuvre particulièrement délicate en présence d’un couple marié. L’automaticité de la séparation des patrimoines qui poursuivait un objectif de protection et de sécurité va s’avérer d’une complexité sans précédent en présence d’une communauté de biens, tant la combinaison des règles de passif de ce statut avec celle de la communauté n’a pas su retenir l’attention des pouvoirs publics (V. § 11). L’analyse de cette articulation révèle encore une asymétrie criante entre les catégories de créanciers, sans qu’elle ait été parfaitement explorée (V. § 15). Quant à la circulation du patrimoine professionnel, voulu comme une universalité de droit, elle pourrait révéler au contact du droit patrimonial de la famille des effets inattendus qui auraient sans doute mérité la réflexion (V. § 20).
Mariage - Protection du logement de la famille - Donation de la nue-propriété de l'immeuble - La Cour de cassation réitère la solution résultant de son arrêt du 22 mai 201943 qui avait considéré qu'un conjoint marié peut procéder, seul et sans l'accord de l'autre conjoint, à la donation de la nue-propriété de l'immeuble constituant le logement de la famille en stipulant une réserve d'usufruit à son seul profit. En effet selon elle, une telle opération ne porte aucunement atteinte à la jouissance du logement familial par les époux pendant le mariage.
Cass. civ. 1re, 22 juin 2022, n° 20-20.387 (IP 4-2022, n° 5, § 8)
Divorce - Créances entre époux - Évaluation - Financement de dépenses d'acquisition et de travaux d'un immeuble personnel - En cours d'union, un époux marié sous le régime de la séparation de biens procéda à l'acquisition d'un immeuble en propre. Son conjoint finança la moitié de cette acquisition (prise en charge de la moitié des échéances des emprunts contractés pour l'acquisition, acquittées au moyen de liquidités présentes sur le compte joint des époux). Il finança de la même façon des travaux d'amélioration réalisés sur le bien. Lors du divorce des époux, un conflit s'éleva quant à l'évaluation de la créance due par le conjoint propriétaire de l'immeuble vis-à-vis de l'autre conjoint. Les juges du fond évaluèrent cette créance entre époux en appliquant à la valeur actuelle du bien après travaux (247.000 €), la proportion que représente la dépense faite par le conjoint contributeur (24.045 €) par rapport à la valeur actuelle du bien sans travaux (115.000 €). La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel pour n'avoir pas distingué la créance réclamée au titre des dépenses d'acquisition du bien de celle réclamée au titre des dépenses d'amélioration. Elle rappelle tout d'abord que, s'agissant de la dépense d'acquisition, le calcul du profit subsistant s'effectue en établissant la proportion de la contribution du conjoint au paiement du coût global de l'acquisition puis en l'appliquant à la valeur du bien au jour de la liquidation de la créance selon son état lors de l'acquisition. Elle rappelle ensuite que, s'agissant de la dépense de travaux d'amélioration, le calcul du profit subsistant s'effectue en établissant la proportion de sa contribution au paiement des travaux puis en l'appliquant à la différence existant entre la valeur au jour de la liquidation du bien amélioré et celle qui aurait été la sienne sans les travaux.
Cass. civ. 1re, 22 juin 2022, n° 20-20.202 (V. annexe 3)
Divorce - Résidences séparées des époux en cours de procédure - Attribution de la jouissance exclusive de la résidence principale de l'entrepreneur individuel à son épouse - Insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel - Le liquidateur judiciaire d'une entreprise de coiffure a souhaité saisir l'immeuble qui constituait la résidence principale de l'entrepreneur individuel et de son épouse à l'époque de l'ouverture de la procédure collective. À première vue, cette résidence était insaisissable par les créanciers professionnels en application de l'article L. 526-1 du code de commerce. Or, depuis l'ouverture de la procédure collective, une ordonnance de non-conciliation rendue dans le cadre de la procédure de divorce des époux avait attribué à l'épouse de l'entrepreneur individuel la jouissance exclusive de ladite habitation dans le cadre de l'organisation judiciaire de la résidence séparée des époux au long de la procédure de divorce. La Cour de cassation juge que pour cette raison, la résidence principale de l'entrepreneur n'était plus située dans cet immeuble appartenant aux deux époux, de sorte que la protection de l'article L. 526-1 du code de commerce devait être écartée. Ses créanciers professionnels pouvaient donc saisir ses droits sur le bien.
Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-22.768 (V. annexe 2)
Communauté - Privilège du prêteur de deniers - Consentement du conjoint à l'emprunt - La Cour de cassation décide, au motif que l'article 1415 du code civil prévoit que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint, et bien que l'acte de prêt souscrit par un seul époux sous le régime de communauté ne soit pas inefficace, que la mise en œuvre du privilège de prêteur de deniers est subordonnée au consentement de son conjoint à l'emprunt.
Cass. civ. 1re, 5 mai 2021, n° 19-15.072 (V. annexe 3)
Aide mutuelle des partenaires de PaCS - Résidence principale indivise des partenaires - Remboursement personnel exclusif de l'emprunt - La Cour de cassation juge que l'aide matérielle des partenaires de PaCS neutralise la créance réclamée par l'un d'eux au titre du remboursement personnel exclusif de l'emprunt lié à l'acquisition de la résidence principale indivise des partenaires.
Cass. civ. 1re, 27 janv. 2021, n° 19-26.140 (V. annexe 5)
Séparation de biens - Logement de la famille - Caution solidaire - Licitation du logement indivis - Des époux mariés sous le régime de la séparation de biens étaient propriétaires indivis de leur résidence principale. L'épouse s'était engagée, en tant que caution solidaire, à garantir le remboursement d'un prêt bancaire octroyé à une société dont elle était associée. Ladite société ayant été placée en liquidation judiciaire, son créancier a cherché à recouvrer sa créance auprès de sa caution solidaire. Disposant d'un droit de provoquer le partage des biens indivis de son débiteur pour recouvrer ses droits, la banque a assigné les époux en ce sens s'agissant de l'immeuble indivis qui constituait le logement de la famille. Vainement, les époux ont opposé au créancier la protection de ce logement résultant du régime primaire du mariage, celle-ci ne pouvant jouer à l'égard d'un créancier d'un époux indivisaire, sauf hypothèse de fraude.
Cass. civ. 1re, 16 sept. 2020, n° 19-15.939 (V. annexe 2)
Communauté - Liquidation - Récompense - Évaluation - La Cour de cassation rappelle les règles d'évaluation des récompenses dues à la communauté qui a financé partiellement l'acquisition d'un bien propre d'un époux.
Cass. civ. 1re, 14 oct. 2020, n° 19-13.702 (V. annexe 3)
Concubinage - Dépenses de la vie courante - Construction du logement - La Cour de cassation considère que financer la construction du logement commun des concubins constitue pour celui qui n'est pas propriétaire du fonds une contribution aux dépenses de la vie courante.
Cass. civ. 1re, 2 sept. 2020, n° 19-10.477 (V. annexe 4)
#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
#Qualités: Professeur à l’Université de Paris
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
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Une législation du divorce renouvelée et un droit des régimes matrimoniaux étonnamment stable… Le contraste peut saisir et conduire à quelques interrogations sur les articulations entre ces deux branches du droit patrimonial de la famille.
Au travers de quelques questions choisies, tant civiles que fiscales ou internationales, les auteurs de ce dossier ont tenté de cibler certaines difficultés de coordination contemporaines de ces deux disciplines. Les constats sont de nature variée.
Un droit civil qui évolue via des jurisprudences dont l’analyse révèlent qu’elles s’intègrent mal dans l’édifice législatif et risquent de mettre en péril un pilier du droit de régimes matrimoniaux.
Un droit fiscal qui n’appréhende que bien imparfaitement la réalité sociologique du divorce.
Un droit international privé qui ouvre des perspectives en termes de stratégie patrimoniale que le droit interne français ignore.
Une ingénierie des contrats de mariage de plus en plus sollicitée et délicate à mettre en œuvre.
Ces thèmes aujourd’hui rassemblés invitent à une réflexion sur toutes les articulations qui les innervent.
#Auteur: Isabelle¤ DAURIAC
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#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
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Depuis 2013, la Cour de cassation propose une définition étendue des charges du mariage (V. § 1). Remettant en cause la prévision initiale des époux, en particulier ceux mariés sous le régime de la séparation de biens, cette nouvelle interprétation de l’article 214 du code civil prend les traits d’un rééquilibrage pour tempérer les effets excessifs du régime à l’heure du divorce (V. § 2). Derrière cette apparence se cachent néanmoins de véritables difficultés : quel est le champ d’application de cette jurisprudence ? Comment s’articule-t-elle avec la prestation compensatoire ? N’est-elle pas une atteinte disproportionné à la liberté des conventions matrimoniales ? (V. § 9). On en vient finalement à redouter les précarités qu’elle entraine tant pour les époux que pour les notaires (V. § 10).
Divorce - Participation aux acquêts - Liquidation - Avantage matrimonial - Révocation - Des époux, tous deux professionnels de santé, s'étaient mariés sous le régime de la participation aux acquêts. À l'occasion de leur divorce, un contentieux s'est élevé au sujet d'une clause de leur contrat prévoyant qu'en cas de dissolution de leur régime matrimonial par divorce, leurs actifs et passifs professionnels seraient exclus de la liquidation. Or l'article 265 du code civil prévoit que le divorce emporte la révocation de plein droit des avantages matrimoniaux ne prenant effet qu'à la liquidation du régime matrimonial. Contrairement aux juges du fond, la Cour de cassation juge que la clause en question constituait un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial et donc révoqué de plein droit par le divorce.
Cass. civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-26.337, concl. A. Caron-Déglise (IP 2-2020, n° 4.3, comm. C. Farge)
#Auteur: Clothilde¤ GRARE-DIDIER
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Marié ou pacsé et associé, une combinaison qui doit être appréhendée avec prudence. Le droit des régimes matrimoniaux et du PaCS n’ignore pas l’existence des droits d’associé. Pour autant, l’articulation demeure délicate, tant quand la question est celle de la titularité de la richesse que celle de la distribution des pouvoirs dans les régimes et dans la société.
Majeurs protégés - Droits matrimoniaux - La loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice octroie plus d'autonomie aux majeurs protégés pour la conclusion d'un mariage, d'un PACS ou d'un divorce, en remplaçant l'autorisation préalable par une information préalable permettant à la personne chargée de la protection d'éventuellement s'opposer à l'opération.
L. n° 2019-222, 23 mai 2019 de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, art. 10 : JO 24 mars 2019 (V. annexe 1)
Changement de régime matrimonial - Délai - Homologation - La loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice supprime le délai minimal de 2 ans qui séparait la célébration du mariage de la modification du régime matrimonial. En outre, elle simplifie la procédure de changement en présence d'enfants mineurs et clarifie les règles applicables en présence d'enfants majeurs protégés.
L. n° 2019-222, 23 mai 2019 de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, art. 8 : JO 24 mars 2019 (V. annexe 7)
Communauté de biens entre époux - Substitut de revenus - La Cour de cassation rappelle par deux fois dans une même affaire que les gains et salaires et produits de l'industrie des époux, quelle que soit leur forme, font partie de la communauté.
Cass. civ. 1re, 17 avr. 2019, n° 18-15.486 (V. annexe 8)
Prestation compensatoire - Conversion de la rente en capital - La Cour de cassation juge que quelle que soit la forme de la rente versée au titre d'une prestation compensatoire, le débiteur a toujours la faculté d'en demander la substitution.
Cass. civ. 1re, 20 mars 2019, n° 18-13.663 (V. annexe 9)
Communauté de biens entre époux - Plus-value - Bien propre - La Cour de cassation rappelle que la plus-value d'un bien propre n'est pas un bien commun.
Cass. civ. 1re, 5 déc. 2018, n° 18-11.794 (V. annexe 3)
Communauté universelle - Clause d'attribution intégrale - Passif - La Cour de cassation juge, dans le cadre d'une communauté universelle, que les dettes nées d'un emprunt obligent et sont supportées définitivement par l'époux attributaire de l'intégralité de la communauté, sans égard pour son absence d'autorisation à l'emprunt au jour de sa souscription.
Cass. civ. 1re, 5 déc. 2018, n° 16-13.323 (V. annexe 4)
Concubinage - Financement du logement - La Cour de cassation affirme que le devoir de conscience peut faire obstacle à la reconnaissance d'une créance de celui qui a financé le logement.
Cass. civ. 1re, 19 déc. 2018, n° 17-27.855 (V. annexe 6)