#Mots-clés: Convention internationale, Instrument multilatéral, Établissement stable, commissionnaire, circuit de distribution, distributeur, risques limités, évasion fiscale, taxe sur la valeur ajoutée, TVA, douane, Abus (Dispositifs anti-)
#Auteur: Bruno¤ GIBERT
#Qualités: Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats
#Auteur: Arnaud¤ MORAINE
#Qualités: Avocat associé, KPMG Avocats
L’Instrument multilatéral de l’OCDE (IM) a pour objectif de modifier l’ensemble des conventions fiscales afin d'y inclure une série de dispositions destinées à empêcher les stratégies de planification fiscale agressive, dont notamment les structures touchant aux circuits de distribution comme les contrats de commissionnaire. En effet, les montages artificiels qui reposaient sur des contrats de commissionnaire consistaient à faire peser sur celui-ci l’essentiel d’une opération. Le commissionnaire jouait un rôle clef sans pour autant que le contrat ne soit conclu. La conclusion formelle du contrat était réalisée par l’entreprise étrangère. Aussi, dans la mesure où l’engagement juridique est requis pour caractériser un établissement stable, le commissionnaire échappait à cette qualification, faute de pouvoir engager l’entreprise. D’autres stratégies similaires pouvaient également être mises en œuvre comme le recours à des agents dépendants, à des activités à caractère auxiliaire ou préparatoire, ou encore à la fragmentation des contrats pour éviter la qualification d’établissement stable (V. § 8).
Les articles 12 à 15 de l’IM ont ainsi conduit à la modification de la définition de l’établissement stable telle que posée à l’article 5 du modèle OCDE (version 2014) pour empêcher qu’une installation puisse artificiellement échapper à ce statut par le recours à des accords de commissionnaires et à des stratégies similaires. Ces modifications sont dès lors de nature à entraîner une réorganisation des circuits de distribution des groupes (V. § 13).
Néanmoins, la portée de ces modifications dépend des choix des autres pays s’agissant des articles 12 à 14 de l’IM, lesquels intègrent les dispositions mettant en œuvre les recommandations énoncées dans le rapport final sur l'action 7 du projet BEPS. L'action 7 n'est pas une norme minimale. Par conséquent, les signataires de l'IM sont libres d'exclure ou d'adopter de manière sélective les dispositions relatives aux établissements stables figurant à ces articles (V. § 23). Les juridictions où sont situées les principales structures de commissionnaires (Irlande, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse) n'ont pas adopté l'article 12 de l'IM, ce qui remet en cause son efficacité. De même, la question de la concurrence fiscale entre les juridictions se pose dans la mesure où des juridictions pouvant être considérées comme comparables à la France, telles que l'Allemagne et le Royaume-Uni, n'ont pas non plus adopté l'article 12.
Toutefois, en pratique, certains groupes multinationaux qui avaient mis en place des structures de commissionnaires les modifient pour adopter des organisations fondées sur des contrats de distribution. Ces modifications posent différents problèmes pratiques (modification de systèmes informatiques) mais aussi fiscaux (transferts de fonds de commerce).
Ces changements ont aussi un impact au niveau des taxes indirectes. En matière douanière, la notion de commissionnaire, non propriétaire des biens au sens civil, peut rendre plus délicates les importations dans le territoire du commissionnaire, si les biens sont livrés à partir d’un pays tiers à l’Union européenne. En effet, la récente doctrine de l’administration fiscale implique en principe que l’importateur soit le propriétaire effectif des biens1. Elle met en application la jurisprudence de la CJUE, qui veut que la personne qui importe le bien sans en être propriétaire ne peut bénéficier du droit à déduction de la TVA que lorsqu'elle est en mesure d'établir que la valeur des marchandises à l'importation est incorporée dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services qu'elle fournit dans le cadre de ses opérations économiques2. Dans un contexte où les notions d’importateur en droit douanier et en TVA ne sont pas parfaitement alignées, l’abandon du système du commissionnaire pour d’autres alternatives juridiques à la distribution de produits, sécurise en tout état de cause les importations.
Du strict point de vue de la TVA, le constat est différent, ou à tout le moins décalé. En effet, dans un système de commissionnement, la TVA est bien collectée in fine par le commissionnaire sur le prix de vente des produits dans le pays de consommation, marge incluse, ce qui assure au pays de consommation la recette de TVA correspondante. Ainsi, si les contentieux autour de la notion d’établissement stable ont nécessairement des impacts en matière de TVA, ils interviennent le plus souvent au niveau de la redevabilité de la taxe. En revanche, de nombreuses autres lacunes ont été détectées dans la collecte de la TVA au niveau de la distribution des biens, qui ont généré des propositions de réponses adaptées au niveau de la Commission européenne notamment.